Par Gérard Haas et Aurélie Puig
Les photos, si elles sont originales, sont protégées par le droit d’auteur. Ainsi le photographe, auteur des photos, bénéficie de droit moraux (droits de divulgation, de paternité, de respect à l’intégrité de l’œuvre, de retrait et de repentir) et patrimoniaux (droits de représentation et de reproduction).
Mais la situation se complique quand l’auteur réalise ses photos grâce aux supports financés par l’éditeur du magazine dans lequel elles sont publiées.
Comment se combinent les droits du photographe avec les droits de l’éditeur de presse ?
Alors qu’un photographe souhaitait récupérer les supports de ses photos (les négatifs), la Cour de Cassation a validé le refus de l’éditeur de presse de les restituer.
Zoom sur l’arrêt du 22 janvier 2020 rendu par la Cour de Cassation qui détermine à qui revient la propriété des supports photographiques.
En dehors de tout contrat, la propriété des clichés litigieux revient à celui qui les a financés.
En effet, l’article L111-3 du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) dispose que :
Cela veut dire que les droits d’auteur sont indépendants du droit de propriété réel, le CPI fait donc une distinction entre l’œuvre et son support.
Ainsi, l’éditeur n’est pas titulaire des droits d’auteur sur les photos quand bien même il serait propriétaire de leur support. Il ne pourra donc pas reproduire ces œuvres, ce droit étant réservé à l’auteur.
Il résulte de l’article L111-3 CPI que la question de la propriété des supports doit être envisagée sous l’angle de l’article 544 du Code civil disposant de la propriété d’un objet corporel, et non sous l’angle du droit d’auteur (droit incorporel).
Il y a donc une distinction entre la chose intellectuelle (l’œuvre) et l’objet matériel (son support).
En l’espèce, l’éditeur avait financé les supports vierges et les frais techniques de développement des photos, il était donc propriétaire desdits supports au sens de l’art 544 du code civil.
Certes, nous venons de voir que le droit d’auteur d’une œuvre et le droit de propriété de son support étaient indépendants l’un de l’autre.
Cependant, l’exercice des droits d’auteur sur une œuvre nécessite la bonne foi du titulaire du droit de propriété sur le support.
En l’espère, l’éditeur de presse doit permettre au photographe d’exercer son « droit de divulgation » de ses œuvres. S’il ne le permet pas, l’article L. 111-3, alinéa 2, permet au Tribunal Judiciaire de prendre « toute mesure appropriée » lorsqu’un tel abus de la part du propriétaire du support empêche « l’exercice du droit de divulgation » de l’auteur.
La Cour devait alors juger si l’éditeur, en ne restituant pas les supports photos, empêchait le photographe d’exercer son droit d’auteur.
Dans cette affaire, le photographe ne démontrait pas l’existence d’un projet sérieux d’édition de photographies qui aurait été empêché par la société éditrice.
De plus, il avait la disposition de photographies, dont une sélection avait été publiée dans le magazine « Lui », et n’avait pas été empêché de jouir de son œuvre.
En effet, le photographe a fait paraître en 2006, donc après la cessation de ses relations avec l’éditeur, un ouvrage intitulé « elles ont posé pour Lui » comprenant des photographies ; ce qui démontre que le photographe en avait la disposition et n’a pas été empêché de jouir de son œuvre comme il le prétend.
La Cour en a déduit l’absence d’abus notoire de la société dans l’exercice de son droit de propriété.
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