Par Eve Renaud-Chouraqui
Dans une société où la responsabilité des entreprises est de plus en plus exposée, où un devoir de vigilance des entreprises émerge, celles-ci doivent inscrire leur « politique d’achat » dans une logique responsable et loyale au regard de leurs fournisseurs en possible situation de dépendance économique.
L’intérêt tient naturellement dans la gestion du risque associé à une situation de dépendance économique pour l’entreprise, via la mise en œuvre d’actions concrètes qui permettent cette gestion de risque et, par extension, de constituer une documentation spécifique dans l’hypothèse de contentieux ultérieurs.
1. La dépendance économique c’est quoi ?
La dépendance économique est définie comme l’impossibilité pour une entreprise de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’elle a nouées avec une autre entreprise.
Si la part du chiffre d’affaires réalisé par le fournisseur avec l’entreprise client est un critère d’analyse du niveau de dépendance économique, ce n’est pas le seul. Sont notamment également pris en compte :
Si la situation de dépendance économique n’est pas, en soi, sanctionnable, il en va autrement de l’exploitation abusive de cette situation.
Cette exploitation abusive est sanctionnée par le code de commerce au travers deux qualifications juridiques :
« Est en outre prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement et la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve un entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en un refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L.442-1 à L442-3 ou en accords de gamme ».
En tant que pratique anticoncurrentielle, elle n’est sanctionnable que sous la réserve qu’elle soit susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence.
Les sanctions associées sont lourdes et susceptibles d’impacter fortement l’entreprise déclarée responsable :
« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
- D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
- De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
II. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels » [4].
Dans ce cadre, la situation de dépendance économique est utilisée comme un critère permettant de qualifier la pratique restrictive de concurrence. L’entreprise se rendant coupable de telles pratiques s’expose à un risque certain, la pratique étant considérée comme étant, de facto, condamnable (sans qu’il soit nécessaire de justifier d’une possible atteinte au fonctionnement ou à la structure de la concurrence).
Les sanctions associées sont également lourdes et susceptibles d’impacter fortement l’entreprise déclarée responsable :
Une telle situation et un tel risque peuvent parfaitement être gérés par l’entreprise via la mise en place d’un processus dédié et d’un monitoring constant des fournisseurs en situation de dépendance économique.
Le processus s’articule autour des étapes suivantes :
Des questionnaires aidant à la qualification peuvent parfaitement être mis en place au sein de l’entreprise afin que les équipes opérationnelles en contact avec les fournisseurs puissent réaliser de la remontée d’informations auprès des directions juridiques et leur disposer de tous les éléments permettant de retracer la chronologie de la relation contractuelle[7] ;
En fonction de ces éléments (degré de dépendance et situation contractuelle du fournisseur), il sera notamment possible d’identifier les clauses noires ne pouvant être intégrées dans le contrat (car susceptibles d’être interprétées comme une exploitation abusive de la dépendance économique), de soumettre des clauses pré-établies justifiées par la situation de dépendance économique ou encore de mettre en place un processus de relecture spécifique de certains contrats en cours d’établissement ou de renégociation ou d’accompagner le fournisseur dans la terminaison du contrat (rupture progressive de la relation contractuelle, détermination de la durée du préavis).
L’ensemble de ce processus permettra de limiter le risque pour l’entreprise et, dans l’hypothèse d’un contentieux futur, d’anticiper la documentation permettant, devant la juridiction, de justifier de l’absence d’exploitation abusive de la dépendance économique du fournisseur concerné.
Le cabinet Haas avocats se tient naturellement à votre disposition afin de vous aider dans la mise en place d’un tel processus et dans la détermination des plans d’actions associés aux situations concrètes rencontrées.
***
Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet Haas Avocats dispose d’un département entièrement dédié à l’accompagnement de ses clients.
Le Cabinet est naturellement à votre entière écoute pour toutes problématiques que vous pourriez rencontrez.
Pour plus d’informations ou des demandes de rendez-vous, contactez nous ici.
[1] Article L 420-2 alinéa 2 du code de commerce
[2] Article L 420-6 du code de commerce.
[3] Article L 464-2 du code de commerce.
[4] Article L 442-1 du code de commerce.
[5] Article L 442-4 du code de commerce.
[6] Article L 442-4 du code de commerce.
[7] Certaines relations contractuelles sont installées depuis de nombreuses années et, avec le temps et les évolutions des effectifs de l’entreprise, il est parfois difficile de retracer la chronologie et de disposer d’une « mémoire » de la relation contractuelle.