Par Haas Avocats
Depuis le 26 janvier 2023, il est théoriquement possible de déposer une plainte par le biais de la visioconférence[1].
Actuellement en phase d'expérimentation dans deux départements[2], le dispositif de « Visioplainte » devrait être étendu à l'échelle nationale d'ici 2024.
La visioconférence, déjà largement utilisée pour des consultations médicales, des entrevues télévisées ou des réunions professionnelles, fait désormais son entrée dans le domaine judiciaire. Tout individu victime d'une infraction pénale pourra désormais déposer et enregistrer sa déposition par le biais de la visioconférence, tout en assurant la confidentialité de la transmission[3]. Il est important de noter que l'utilisation de la Visioplainte demeure facultative pour la victime.
Les modalités d'application de cette procédure novatrice ont été récemment détaillées par un décret en date du 23 février 2024[4], précisant notamment les conditions requises pour bénéficier de ce service.
La Visioplainte présente peu de restrictions :
Cependant, pour certaines infractions, la victime devra se rendre au commissariat pour être auditionnée en présentiel. Ces cas particuliers sont détaillés dans le décret du 23 février 2024[5], notamment lorsque la nature ou la gravité des faits nécessite une nouvelle audition en présence de la victime, ou encore lorsqu'il s'agit d'infractions d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles (viol, incestes et autres agressions sexuelles ainsi que les infractions sexuelles commises contre les mineurs)[6].
Il est à noter que certaines de ces infractions ne nécessiteront pas toujours le déplacement de la victime pour son audition, comme c'est le cas pour des infractions telles que l'exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel, etc.
Au-delà du dépôt de plainte, le dispositif couvre également les déclarations, suggérant ainsi une utilité potentielle dans le cadre de dépôts de mains courantes.
Pour bénéficier de la Visioplainte, la victime devra disposer d'un moyen de télécommunication audiovisuelle sécurisé garantissant une transmission fidèle, loyale et confidentielle. Bien que cela puisse sembler simple, ce n'est pas toujours évident en pratique :
Enfin, le moyen de télécommunication utilisé par la victime devra offrir une qualité d'image suffisante pour l'identification[8], nécessitant une caméra « récente » sur l'ordinateur, la tablette ou le téléphone de la victime.
Comme c'est le cas pour tout processus de numérisation, la Visioplainte pourrait exclure les victimes les moins aisées et celles qui ne sont pas à l'aise avec les nouvelles technologies (contraintes technologiques). Elle pose également des défis substantiels en termes de garantie de disponibilité, de préservation de la confidentialité et de l'intégrité des informations pour l'État français, nécessitant des solutions techniques robustes technologies (contraintes techniques). Heureusement, il est important de souligner que l'utilisation de la Visioplainte demeure entièrement facultative.
La procédure de Visioplainte simplifiera certainement les démarches des victimes d'infractions pénales. Dans le domaine des infractions « cyber », ce dispositif se révèle particulièrement intéressant, en réponse aux contraintes de la loi « LOPMI » imposant un dépôt de plainte sous 72 heures pour bénéficier d'une couverture assurantielle du risque cyber[9].
La Visioplainte pourra utilement compléter les services proposés par l’application commune à la police et à la gendarmerie « Ma sécurité » permettant à la victime de suivre le traitement de sa plainte en temps réel.
Avant de recourir à la Visioplainte, il est crucial de prendre en compte quelques points de vigilance :
Le cadre législatif entourant la Visioplainte n'est pas encore entièrement défini, et des clarifications supplémentaires sont attendues[10]. Un arrêté du ministre de l'Intérieur et du garde des Sceaux, ministre de la Justice, devrait lever les dernières incertitudes. Actuellement, seules quelques villes[11] bénéficient de ce dispositif en attendant son déploiement à l'échelle nationale.
Il convient de noter que l'avis de la CNIL sur le traitement des données à caractère personnel issues de la procédure de dépôt de plainte est encore attendu. L'évolution de cette situation reste à suivre attentivement...
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Le département de cybersécurité du Cabinet Haas Avocats, spécialisé depuis plus de 25 ans en droit des nouvelles technologies, de la communication et en droit de la propriété intellectuelle, est à votre disposition pour répondre à vos questions et vous accompagner dans la gestion juridique des cyber-risques. Pour en savoir plus, rendez-vous ici.
[1] Article 15-3-1-1 du code de procédure pénale
[2] La Sarthe (72) et dans quelques villes des Yvelines (78)
[3] Article 15-3-1-1 du code de procédure pénale
[4] Décret n°2024-139 du 23 février relatif au dépôt de plainte par voie de télécommunication audiovisuelle
[5] Article R. 2-25 du code de procédure pénal instauré par l’article 1 du décret précité
[6] Articles 222-22 à 222-31-2 du code pénal et articles 227-25 à 227-27-3 du code pénal
[7] Article R. 2-26 du code de procédure pénal instauré par l’article 1 du décret précité
[8] Article R. 2-28 du code de procédure pénal instauré par l’article 1 du décret précité
[9] LOI n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (1)
[10] Les modalités d’identification sécurisée devront notamment être précisées
[11] Service en ligne -Déposer une plainte à distance avec Visioplainte | Service-Public.fr