Covid-19 : les risques liés au dropshipping des dispositifs médicaux

Covid-19 : les risques liés au dropshipping des dispositifs médicaux
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Par Frédéric Picard et Marie Torelli

Depuis l’annonce du déconfinement, la demande en thermomètres, en masques ou encore en gants chirurgicaux n’a jamais été aussi forte.

Ces produits étant, en grande partie, fabriqués hors de France, certains commerçants ont choisi de recourir au « dropshipping » pour les commercialiser.

Cette pratique, particulièrement répandue en ligne, consiste à supprimer une étape dans la chaîne commerciale : le vendeur, qui ne dispose pas de stocks, fait livrer le client final directement par son fournisseur.

Si cette forme de commerce est parfaitement légale, elle ne permet pourtant pas d’échapper aux règles propres à la commercialisation des dispositifs médicaux tels que les thermomètres, les masques ou encore les gants chirurgicaux

Le « dropshipper » devra donc se soumettre aux nombreuses obligations qui découlent du régime spécial de la vente de ces dispositifs, dont notamment celle de déclarer son activité auprès de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).

A défaut, il pourra s’exposer à un certain nombre de sanctions administratives et pénales.


1. Qu’est-ce qu’un dispositif médical ?

Selon les articles L.5211-1 et R. 5211-1 du code de la santé publique, on désigne par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit ou autre article utilisé seul ou en association, destiné par son fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et notamment à des fins de diagnostic, de prévention ou de traitement.  

Cette définition, particulièrement large, inclut en réalité un vaste panel d’instruments médicaux tels que par exemple, les thermomètres, les masques ou encore les gants chirurgicaux dont la commercialisation se trouve donc soumise aux règles du code de la santé publique.

2. Quelles sont les obligations du fabricant pour la vente liée à la santé ?

a) Le statut de fabricant

Le code de la santé publique définit le fabricant de dispositif médical comme la personne physique ou morale responsable de la conception, de la fabrication, du conditionnement et de l'étiquetage d'un dispositif médical en vue de sa mise sur le marché[1].

Concrètement, le fabricant est responsable de la sécurité du dispositif médical mis sur le marché et est soumis à de nombreuses obligations à ce titre.

Or, dans le cadre du dropshipping, si le fournisseur a généralement la qualité de fabricant, ce statut peut également s’appliquer au vendeur dans le cas où, sans être le fabricant d’origine, il commercialiserait un dispositif médical sous son nom propre, sa raison sociale ou sous sa marque déposée.

En effet, l’article 16 du règlement (UE) 2017/745, qui entre en vigueur le 26 mai 2020, distingue deux situations pour le vendeur :

  • soit il a conclu un accord avec le fabriquant selon lequel ce dernier sera mentionné en tant que tel sur l'étiquette et demeurera responsable du respect des exigences applicables au fabricant: dans ce cas le « dropshipper » aura la qualité d’importateur ou de distributeur et sera soumis au régime correspondant ;
  • soit il n'a pas conclu un tel accord : dans ce cas il devra se soumettre à l'ensemble des obligations attachées au statut de fabricant.

En pratique, il est donc crucial pour le « dropshipper » de bien identifier son statut afin d’éviter de se voir appliquer le régime particulièrement lourd du fabricant de dispositif médical.

b) L’obligation de marquage « CE »

Le code de la santé publique conditionne la mise sur le marché d’un dispositif médical à l’apposition d’un marquage dit « CE » attestant de sa conformité aux exigences essentielles de santé et de sécurité de l’Union européenne[2].

Le marquage « CE » ne peut être apposé sur le dispositif médical que lorsque son fabricant a été soumis à une procédure d’évaluation, par un organisme dit « notifié », de la conformité de la procédure de conception du dispositif à un certain nombre de normes techniques (sécurité, stérilité, compatibilité biologique…).

En France, le seul organisme compétent pour délivrer un certificat de conformité est le GMED.

Le « dropshipper » devra donc s’assurer que les dispositifs médicaux qu’il souhaite commercialiser ont bien reçu un certificat de conformité. A défaut, ils ne pourront être légalement vendus sur le territoire français. 

c) L’obligation de désigner un mandataire au sein de l’Union européenne

Selon l’article R5211-65 du code de la santé publique, si le fabricant est établi dans un pays tiers à l’Union européenne, il devra désigner un mandataire chargé d’effectuer pour son compte les démarches déclaratives auprès des autorités compétentes.  

Le « dropshipper » devra donc veiller à ce que le fabricant auquel il a fait appel ait bien nommé un mandataire et, le cas échéant, prendre attache avec lui afin de s’acquitter de ses propres obligations déclaratives.   

3. Quelles sont les obligations du « dropshipper » dans le domaine de la santé ? 

a) Le dropshipper : importateur ou distributeur ?

Le règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux définit le distributeur comme « toute personne physique ou morale faisant partie de la chaîne d’approvisionnement, autre que le fabricant ou l’importateur, qui met un dispositif à disposition sur le marché, jusqu’au stade de sa mise en service. ».

Le considérant 28 du règlement énonce que « les activités des distributeurs sont censées comprendre l'acquisition, la détention et l'offre de dispositifs. ».

L’importateur est, quant à lui, défini comme « toute personne physique ou morale établie dans l'Union qui met un dispositif provenant d'un pays tiers sur le marché de l'Union ».

En réalité, le régime applicable dépendra de la localisation du fabricant. Si celui-ci est établi en dehors de l’Union européenne, le « dropshipper » pourra avoir la qualité d’importateur. Dans le cas contraire, il pourra recevoir la qualification de distributeur.

En pratique, cette différence aura une incidence sur les obligations auquel le « dropshipper » est soumis. En effet, contrairement au distributeur, l’importateur devra notamment, à compter du 26 mai prochain[3]

  • S’enregistrer sur la plateforme EUDAMED ;
  • Ajouter son nom et ses coordonnées sur l’étiquette ou le conditionnement du dispositif.

b) Obligations liées à la commercialisation de dispositifs médicaux 

Vérifications:Avant la mise du dispositif sur le marché, le « dropshipper » devra notamment vérifier que[4] :

  • Le dispositif porte le marquage CE ;
  • Le certificat de conformité a été établi dans la langue du pays dans lequel il entend commercialiser le dispositif médical ;
  • Le fabricant est identifié et a bien désigné un mandataire.

Déclaration préalable auprès de l’ANSM: Selon l’article L.5211-3-1 du code de la santé publique, toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution de dispositifs médicaux, même à titre accessoire, devra se déclarer auprès de l’ANSM.

Cette déclaration comprend un certain nombre d’éléments, dont notamment les coordonnées du fabricant, de son mandataire ainsi que la description et la classification des dispositifs médicaux dont la commercialisation est envisagée.

Elle s’effectue via un formulaire à adresser à l’ANSM qui peut être envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie électronique.

Publicité: Les articles L.5213 et suivants du code de la santé publique soumettent la promotion des dispositifs médicaux à des règles spécifiques.  

En effet, lorsqu’il fait la publicité de dispositifs médicaux, y compris sur les réseaux sociaux, le « dropshippeur » doit faire apparaître un certain nombre de mentions obligatoires dont notamment :

  • La dénomination ou la référence commerciale du dispositif médical ;
  • Le nom du fabricant du dispositif médical ou de son mandataire ;
  • Un renvoi au conseil d’un médecin ou d’un pharmacien ;
  • La mention « Ce dispositif médical est un produit de santé réglementé qui porte, au titre de cette réglementation, le marquage CE » ;
  • Le numéro interne de référencement, si la publicité est soumise à autorisation préalable.

Ces mentions doivent également répondre à des conditions de forme. Elles doivent en effet être lisibles, écrites a minima en police 9 et stylisées dans une couleur suffisamment contrastées avec le fond.

Surveillance et traçabilité: Une fois le dispositif mis sur le marché, le « dropshipper » devra respecter d’autres obligations de surveillance et de traçabilité telles que l’obligation de conservation des UID ou encore la tenue d’un registre des réclamations[5].

c) Obligations liées à la pratique du « dropshipping »

Comme tout commerçant, le « dropshipper » est tenu à une obligation de transparence et de loyauté à l’égard de ses clients.

Il doit en effet s’abstenir de toute pratique commerciale trompeuse, c’est-à-dire de toute pratique visant à induire le consommateur en erreur. Définies à l’article L.121-1-1 du code de la consommation, ces pratiques peuvent consister, par exemple à :

  • Afficher un certificat ou un label sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire: par exemple prétendre que des masques sont marqués CE alors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une telle certification.
  • Dissimuler des informations essentielles telles que par exemple l’origine des dispositifs médicaux vendus.

4. Des sanctions administratives et pénales fixées par l'ANSM et la DGCCRF

a) Les sanctions administratives encourues par le dropshipper

Selon l’article L.5461-9 du code de la santé publique, la commercialisation sans déclaration d’un dispositif médical ou l’absence de marquage CE pourra faire l’objet d’une sanction financière dont le montant est discrétionnairement fixé par l’ANSM sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires du « dropshippeur ».

Par ailleurs, dès lors que la vente de dispositifs médicaux implique des consommateurs, le « dropshipping » de tels instruments sera soumis au contrôle de la DGCCRF qui pourra, en cas de violation des règles du droit de la consommation, prononcer des sanctions pouvant s’élever jusqu’à 150 000 euros.

b) Les sanctions pénales

Les pratiques commerciales trompeuses sont punies de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende pour une personne physique ou de 1 500 000 euros pour une personne morale.

Il convient de préciser que le montant de l’amende peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, ou à 50 % des dépenses engagées pour l’élaboration de la publicité ou de la pratique commerciale trompeuse.

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Le Cabinet HAAS Avocats est à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches déclaratives auprès de l’ANSM. Pour nous contacter, cliquez-ici.

 

[1] Article R.5211-4 du code de la santé publique

[2] Article L.5211-3 du code de la santé publique

[3] Articles 13.3, 31.1 et 31.4 du règlement (UE) n°2017/745

[4] Pour l’importateur : article 13.2 du règlement (UE) n°2017/745, pour le distributeur, article 14.2 du même règlement.

[5] Articles 27.8, 13.6 et 14.5 du règlement (UE) n°2017/745

Frédéric PICARD

Auteur Frédéric PICARD

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