Par Gérard Haas et Ambre Bernat
Pour répondre à la demande de nombreux Etats, ONG et entreprises, Apple et Google se sont unis pour fournir gratuitement une interface de programmation d’application (API) permettant l'interopérabilité entre les smartphones Android et les iPhones, permettant par exemple aux États de mettre en place des applications plus efficaces car compatibles d'un écosystème à l'autre.
Cette API repose sur l’utilisation du Bluetooth afin de prévenir une personne si elle a été en contact avec une autre personne atteinte du Covid-19. Malgré la garantie que l’utilisation de cette API ne donnera pas lieu à une monétisation des données et que les accès seront strictement limités, le gouvernement français n’est pas convaincu et refuse de l’utiliser pour développer son application de contact tracing, StopCovid.
Pour Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique, c’est « une question de souveraineté sanitaire et technologique ». Cette notion de souveraineté technologique est un enjeu central de la politique française et surtout européenne ces dernières années. C’est la volonté de ne pas dépendre complétement de sources non-européennes pour les technologies stratégiques. D’habitude utilisé dans le domaine de la défense ou de la géopolitique, c’est un standard appliqué aujourd’hui à la santé publique. Le gouvernement souhaite garder entièrement la main sur les différentes données personnelles et notamment les données de santé qui seront collectées via l’application StopCovid.
Le seul bémol concerne l’efficacité en pratique d’un tel choix. L’application de contact tracing du gouvernement pourra-t-elle se passer des outils mis à disposition par les deux géants du numérique pour fonctionner ?
La question se pose notamment pour les personnes ayant un iPhone car les appareils d’Apple ne permettent pas aux applications de maintenir le Bluetooth activé en continu ou lors du verrouillage du téléphone. Or 20% des Français possèdent un appareil fonctionnant sous iOs. Si ce point n’était pas réglé, la pertinence et l’efficacité de l’application du gouvernement pourrait être sérieusement remise en cause car elle priverait un certain nombre de personnes de la possibilité de l’utiliser. Rappelons que pour être utile, cette application doit être téléchargée par au moins 60% de la population sachant que 77% des Français possèdent un smartphone et que 20% d’entre eux possèdent donc un iPhone…
Cédric O appelait donc à la coopération d’Apple pour permettre à StopCovid d’accéder aux paramètres du Bluetooth de ses dispositifs. Il a toutefois confirmé sur le plateau de BFM Business que cette négociation n’aura pas abouti. On peut supposer qu’Apple souhaite également garder la main sur ce type de paramètres et considère que cette demande n’est pas en adéquation avec sa politique de confidentialité des données. Apple a en effet toujours souhaité afficher une certaine indépendance voir résistance vis-à-vis des organismes gouvernementaux souhaitant utiliser les données collectées par leurs appareils.
Le secrétaire d’Etat au numérique promet toutefois que l’application fonctionnera sur iOS même si elle aurait pu fonctionner « encore mieux » avec l’aide d’Apple.
Rendez-vous le 2 juin prochain pour savoir ce qu’il en est réellement.
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