Par Frédéric Picard et Lucile Desbordes
Par une ordonnance de référé rendue le 14 avril 2020, le Tribunal Judiciaire de Nanterre, a ordonné à la société Amazon France de procéder aux évaluations des risques professionnels liés à l’épidémie du Covid-19 prévues aux articles L4121-1 et suivant du code du travail.
Dans l’attente de ces évaluations, le Tribunal a contraint la société, dans les 24h suivant la notification de l’ordonnance, de restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception de marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, pendant une durée d’un mois.
Amazon qui jusque-là continuait d’exercer une activité quasi normale, a été assignée par l’Union Syndicale Solidaire, association de défense des salariés, sur les risques de contamination qu’elle faisait encourir à la fois à ses salariés, mais aussi pour le reste de la population à travers la distribution de colis.
Le Tribunal judiciaire de Nanterre a statué sur l’existence du trouble manifestement illicite et a ordonné des mesures provisoires pour le faire cesser et prévenir le dommage imminent.
1. Faits et procédure
L’association a étudié la situation des salariés encore présents dans le siège social français et dans six entrepôts de la société. Elle a également relevé le nombre de salariés par équipe qui intervenaient encore sur les lieux.
L’association a constaté que malgré, la déclaration du 30 janvier 2020 de l’OMS qualifiant le corona virus comme une urgence de santé publique de portée internationale, les recommandations du gouvernement destinées aux employeurs et de la mise en place des mesures de confinement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les salariés ont continué à travailler.
Pour l’association, Amazon ne respecte pas les recommandations émises en matière de télétravail et de sécurité pour lutter contre la propagation du virus.
Elle sollicite auprès du tribunal que la société Amazon procède :
- Évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie ;
- Les conditions d’exercice du travail ne soient mises en œuvre que pour la distribution de produits essentiels à la vie de la Nation ;
- Recenser tous les cas contaminés ou suspectés, ainsi que l’impact psychologique du virus les travailleurs.
Une fois l’évaluation faite, de mettre en œuvre toutes les mesures de sauvegardes de la santé et de la sécurité des employés.
2. La solution du Tribunal
Le Tribunal s’est tout d’abord prononcé sur la violation de l’interdiction de la présence simultanée de cent personnes dans un même endroit clos ou ouvert. Sur ce point, le Tribunal relève que le décret du 23 mars 2020 qui permet de circonscrire le rassemblement des personnes en un même lieu, ne prévoit pas limitation particulière sur la liberté d’entreprendre, de sorte que la violation invoquée par l’association ne peut pas être retenue.
Cependant, concernant l’obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés, c’est tout autre chose.
Au regard des articles L4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés. En vertu de cette obligation, il doit dès lors évaluer au sein de son entreprise tous les risques potentiels pour ses employés. A la suite de cette évaluation l’employeur doit prendre les mesures nécessaires selon les circonstances et les modalités d’exercice du travail pour sécuriser ses salariés.
Dès le moment, où l’épidémie est passée au stade 3, les mesures de sécurité, notamment en ce qui concerne les gestes barrières et les règles de distanciation, auraient dû être adaptée au sein de l’entreprise et dans les entrepôts.
Amazon ne fournit aucune pièce démontrant des réunions du CSE depuis le début de l’épidémie pour démontrer l’existence de l’évaluation des risques. Il semble qu’il n’y ait pas eu de réunion concernant le problème et les instances représentatives du personnel n’ont pas été informées de quelque évaluation.
De plus, concernant les cas de contamination, même s’ils ont été recensés, les mesures mises en place, notamment quant à la restriction de l’utilisation des vestiaires ou du dépôt des manteaux sur le lieu de travail, n’ont pas été efficientes. Par conséquent, Amazon a laissé courir un risque de contamination encore trop large faute d’une évaluation plus poussée. De la même façon, la société ne justifie pas avoir mis en place des plans de prévention pour contenir la contamination.
Les fréquences de nettoyage ont pu être augmentées, mais il n’en reste pas moins, que Amazon ne démontre pas que les modifications dans l’organisation du travail par rapport à ces nouvelles données. Le Tribunal relève encore une fois que le risque a été mal évalué.
Pour résumer :
Le Tribunal statue ainsi, en disant qu’Amazon n’a pas respecté son obligation de sécurité et de prévention de santé des salariés.
Pour mettre fin au trouble manifestement illicite, le Tribunal a donc ordonné à Amazon de procéder à l’évaluation des risques sanitaires et en attendant de restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception de marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, pendant une durée d’un mois, en attendant de procéder aux dites évaluations.
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