Marketplace et données : les enseignements de la prise d’engagements d’AMAZON

Marketplace et données : les enseignements de la prise d’engagements d’AMAZON
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Par Haas Avocats

Le 20 décembre 2022, et après consultation des tiers intéressés, la Commission européenne a accepté les engagements offerts par Amazon concernant :

 

  • D’une part, l’utilisation des données des vendeurs actifs sur sa place de marché et,

  • D’autre part, les garanties offertes à des fins d’égalité d’accès à sa Buy Box et à son programme Prime.

Cette acceptation fait suite à l’ouverture, en 2019 et 2020, de deux procédures formelles d’examen de la DG Concurrence à l’encontre d’Amazon et à la proposition de premiers engagements par la place de marché les 14 juillet et 9 septembre 2022.

Quelles conséquences pratiques tirer de ces engagements pour les plateformes et marketplaces ?

Marketplace et données : point sur les engagements pris (et acceptés) par AMAZON

Pour mémoire, la Commission européenne suspectait la marketplace de mettre en œuvre des pratiques :

 

  • permettant une préférence de ses propres activités de vente au détail et

  • partiales dans l’octroi aux vendeurs de l’accès à sa Buy Box et son programme Prime (de nature à favoriser les vendeurs actifs utilisant ses services logistiques et de livraison).

Précisons que, selon la Commission européenne, Amazon occupe une position dominante sur différents marchés européens (Allemagne, France, Espagne) de la fourniture de services de place de marché en ligne à des vendeurs tiers.

Précisons également qu’Amazon présente la particularité d’être à la fois opérateur de marketplace et vendeur de produits, sous sa marque, sur la même marketplace.

 

Les engagements sont les suivants :

 

  • Concernant l’utilisation des données des vendeurs actifs sur la marketplace, Amazon déclare :
    • « s’abstenir d’utiliser des données non publiques relatives aux activités des vendeurs indépendants sur sa place de marché, ou tirées de celles-ci, pour ses activités de vente au détail qui sont en concurrence avec ces vendeurs».

Le communiqué de la Commission européenne précise que cet engagement vaut, tant pour les algorithmes déployés par Amazon, que pour les équipes d’Amazon dans le cadre de l’animation et du positionnent concurrentiel de l’offre de vente au détail des produits.

 

    • « ne pas utiliser ces données aux fins de la vente de produits de marque ou de la vente de produits sous sa propre marque».

 

  • Concernant la Buy Box et le programme PRIME, Amazon déclare :

    • « améliorer la présentation de la deuxième offre concurrente de la Buy Box en la rendant plus visible et prévoir un mécanisme de réexamen si la présentation n’attire pas suffisamment l’attention du consommateur» ;
    • « accroitre la transparence et le flux d’informations précoces vers les vendeurs et les transporteurs au sujet des engagements et de leurs droits nouvellement acquis, permettant, entre autres, de changer rapidement de vendeur pour se tourner vers des transporteurs indépendants» ;
    • « définir les moyens permettant aux transporteurs indépendants de contacter directement leurs clients Amazon, conformément aux règles en matière de protection des données, afin de leur permettre de fournir des services de livraison équivalents à ceux proposés par Amazon» ;
    • « Accroitre les pouvoirs du mandataire chargé de la surveillance en introduisant de nouvelles obligations de notification » ; 
    • « Mettre en place un mécanisme de plainte centralisé, ouvert à tous les vendeurs et transporteurs en cas de soupçon de non-respect des engagements» ;
    • « Porter à sept ans, au lieu des cinq années initialement proposées, la durée des engagements relatifs à Prime et à la deuxième offre concurrence de la Buy Box».

 

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Source : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_7777

 

En cas de non -respect de ces engagements, Amazon encourt une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires annuel total (amende qui serait automatique, dans la mesure où elle ne nécessiterait pas de prouver une violation des règles de la concurrence) ou une astreinte de 5% par jour du chiffre d’affaires quotidien d’Amazon pour chaque jour de non-respect.

 

Les engagements pris par Amazon sont lourds de conséquences par rapport à son précédent modèle et doivent nécessairement alerter les marketplaces, en lien avec la future réglementation européenne.

Marketplace et données : quels enseignements pratiques en tirer ?

Ces engagements sont, en réalité, le reflet des problématiques de concurrence régulièrement constatées sur les marketplaces qui, pour un nombre important d’entre elles, présentent la particularité d’être à la fois prestataire du service (opérateur de la plateforme) et vendeur sur cette même marketplace[1].

 

Ils s’inscrivent également en anticipation de la future entrée en vigueur du Digital Market Act (DMA), lequel interdit précisément les pratiques d’auto-préférence pour toutes les plateformes considérées comme « contrôleurs d’accès » (au rang desquelles figurent notamment Amazon et les autres GAFAM).

 

Dans ce cadre, le futur règlement (entrant en vigueur le 2 mai 2023) prévoit dans son article 6 que :

« Le contrôleur d’accès n’utilise pas, en concurrence avec les entreprises utilisatrices, les données quelles qu’elles soient, qui ne sont pas accessibles au public, qui sont générées ou fournies par ces entreprises utilisatrices dans le cadre de l’utilisation des services de plateforme essentiels concernées ou des services fournis conjointement aux services de plateforme essentiels concernées, ou à l’appui de ceux-ci, y compris les données générées ou fournies par les clients de ces entreprises utilisatrices ».

 

Selon le DMA :

« Les données qui ne sont pas accessibles au public comprennent toutes les données agrégées et non agrégées générées par les entreprises utilisatrices qui peuvent être déduites ou collectées au travers des activités commerciales de ces entreprises ou de leurs clients, y compris les données concernant les clics, les recherches, les vues et la voix, dans le cadre des services de plateforme essentiels concernées ou de services fournis conjointement aux services de plateforme essentiels concernés du contrôleur d’accès, ou à leur appui ».

 

Le cas d’Amazon doit certes être analysé eu égard à sa position sur le marché et sa qualification de contrôleur d’accès.

 

Néanmoins, les marketplaces en situation de domination sur un marché (même national) et présentant la particularité de « double casquette », doivent en tirer des conséquences pratiques, en termes de gestion de l’utilisation des données et déployer un processus de gouvernance associé.

Comment déployer une gouvernance des données ?

Gouvernance des données : à qui s’adresser ?

Le droit de la concurrence numérique nécessite une attention particulière et un savoir-faire dans l’analyse et la qualification des technologies et de leurs effets pro ou anti-concurrentiels, nécessitant de s’adjoindre les services de professionnels compétents et qualifiés.

A défaut, les conséquences sont non négligeables et peuvent impacter directement une position ou un avantage concurrentiel.

A défaut de compétence en interne, il est recommandé de s’adresser à un cabinet d’avocats spécialisé qui pourra, en concertation avec les équipes juridiques et opérationnelles, établir une stratégie et le déploiement d’actions dédiées.

Gouvernance des données : quelle méthodologie déployer ?

Afin de constituer une véritable gouvernance des données, il conviendra de procéder selon les étapes suivantes :

 

  • Une cartographie des données, sorte de monitoring de l’activité de la plateforme et des flux de données associées (lieu de situation de la donnée, nature de la donnée, qualification de la donnée stratégique pour le déploiement économique de la plateforme, etc..) ;
  • La définition d’une stratégie sur les données en lien avec la réglementation applicable (détermination de la réglementation applicable en fonction de la nature de la donnée, création de leviers juridiques sécurisés pour l’utilisation des données, cartographie des risques juridiques et actions de minimisation associées, etc..) ;
  • La mise en œuvre d’actions juridiques permettant le déploiement de la gouvernance (créations de structures dédiées, contractualisation, gestion des droits de propriété, documentation de la compliance, sensibilisation des équipes, etc..).

La gouvernance des données est désormais au cœur de la sécurisation et de la valorisation des plateformes. Sans elle, l’entreprise se trouvera, dans les années à venir, exposée à une véritable incertitude juridique et économique, susceptible d’impacter son évolution et son avantage compétitif.

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Fort d’une expérience dans le domaine des plateformes et de la concurrence numérique, le Cabinet HAAS Avocats dispose d’un département dédié à l’analyse de la réglementation et à son application aux plateformes afin de sécuriser le commerce électronique dans les intérêts de tous les acteurs du marché et des consommateurs. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici

 

[1] Cette particularité est régulièrement constatée du fait de l’évolution de nombreux sites e-commerce vers un modèle marketplace.

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Auteur Haas Avocats

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