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Comment réviser votre contrat sur la base de l'imprévision légale ?

Rédigé par Anne-Charlotte Andrieux | Sep 20, 2022 3:13:17 PM

Par Anne-Charlotte Andrieux et Victoire Grosjean 

La pandémie de COVID-19, puis la crise russo-ukrainienne, ont eu pour conséquence de bouleverser l’équilibre de nombreux contrats, parmi lesquels figurent les contrats informatiques.

Dans ces conditions, les entreprises ont été amenées à envisager les différentes solutions qui s’offraient à elles pour rétablir l’équilibre contractuel.

Si le mécanisme de la force majeure a souvent été cité, la renégociation pour imprévision est apparue comme une solution à ne pas négliger. Reste à déterminer sur quel fondement et dans quelles mesures une telle renégociation peut être invoquée.

Comment anticiper l’imprévisible : conditions et mise en œuvre

Introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1195 du Code civil consacre la possibilité pour les parties de réviser le contrat en cas d’imprévision.

Cette révision est envisageable sous réserve que plusieurs conditions soient remplies :

a) Le contrat doit tout d’abord être témoin d’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat.

En l’absence de précisions du texte, les circonstances peuvent être entendues largement. A ce titre, il peut s’agir d’événements juridiques, factuels, technologiques ou même politiques.

Qu'est-ce que l'imprévisibilité d'un contrat ?

L’imprévisibilité quant à elle ne fait l’objet d’aucune définition. Il est cependant possible que la jurisprudence adopte la même approche qu’en matière de force majeure (article 1218 du Code civil), elle-même définie par une condition d’imprévisibilité.

Si tel devait être le cas, l’imprévisibilité correspondrait alors à ce qui « ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat ».

En attendant les premières décisions sur ce nouvel article 1195, la jurisprudence administrative nous fournit quelques exemples de changement de circonstances imprévisibles. Elle a par exemple admis que des difficultés climatiques, telles que des fortes pluies, peuvent constituer un changement de circonstances imprévisible.

b) Ce changement de circonstances doit par ailleurs rendre l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque.

L’excessive onérosité renvoie à la création d’un déséquilibre du contrat. On peut imaginer qu’à l’instar de la jurisprudence administrative, cette excessive onérosité puisse prendre la forme de surcoûts liés à la multiplication par cinq du prix de la matière première.

Réviser le contrat lorsque les conditions de l'imprévision sont remplies

Lorsque les conditions de l’imprévision sont remplies, les parties sont invitées à se rencontrer pour renégocier le contrat, convenir de sa résolution ou demander au juge, d’un commun accord, de procéder à son adaptation.

A défaut d’accord des parties dans un délai raisonnable, l’une d’elles peut saisir le juge pour qu’il révise ou mette fin au contrat.

En l’absence de précisions de la part du législateur sur les questions pratiques de mise en œuvre de la phase amiable, il sera important pour la partie souhaitant renégocier de préparer cette étape avec soin.

Le cocontractant n’a en effet aucune obligation d’accepter la renégociation et risque d’être conscient de sa posture dominante.

Il est donc important pour la partie souhaitant renégocier le contrat de préparer les différents scenarios possibles et d’établir avec précision les sacrifices qu’elle est prête à consentir pour maintenir la relation contractuelle.

Que prévoir dans les contrats en cas d'imprévisibilité ?

Si l’article 1195 du Code civil est venu consacrer la révision pour imprévision, l’introduction de cet article a porté son lot de critiques lors de la réforme du droit des contrats en consacrant l’office du juge en la matière. Cet article n’est toutefois pas d’ordre public mais supplétif de volonté. Dans ces conditions les parties sont libres d’en exclure l’application ou de l’aménager.

La révision des contrats informatiques en cas de changement de circonstances imprévisible

La révision pour imprévision peut s’avérer utile dans le cadre des contrats informatiques, où des changements de circonstances, tels que des crises sanitaires ou politiques, peuvent affecter l’économie du contrat de manière significative : retard dans les sprints de développement, dépassement des forfaits, augmentation du coût de la maintenance etc.

L’article 1195 s’avère également être une porte ouverte à l’immixtion du juge dans la volonté des parties.

Dès lors, il n’est que trop recommandé de prévoir contractuellement les modalités de mise en œuvre de cette révision par une clause dédiée dont la rédaction devra faire l’objet d’une réflexion approfondie. Le choix des termes sera en effet déterminant pour sa pleine efficacité.

L'intérêt de la clause de Hardship

L’article 1195 est, en quelque sorte, venu ressusciter l’intérêt pour la clause de ‘hardship’.

Selon la nature du contrat et le rôle des parties, il pourra s’avérer pertinent d’envisager les éléments suivants :

  • Exclure certains évènements de la liste des événements imprévisibles ;
  • Définir l’excessivité onéreuse, notamment en définissant la notion de surcoût ;
  • Préciser les justificatifs qui devront être produits pour prouver l’excessivité onéreuse ou le changement de circonstances ;
  • Encadrer dans la durée la procédure de renégociation ;
  • Préciser les effets d’un échec des négociations et les modes alternatifs de règlement des litiges souhaités par les parties.

Rappelons que les parties disposent de la faculté d’exclure le bénéfice de l’article 1195 ou de l’aménager. En matière informatique, le recours à une procédure de médiation ou le recours à un expert, en lieu et place d’un aménagement judiciaire, peut présenter un intérêt certain.

Que faire si vous avez renoncé à la révision pour imprévision ?

Il est fréquent que les parties renoncent purement et simplement à l’application de l’article 1195 du Code civil, sans pour autant prévoir de mécanisme de renégociation par anticipation.

Cette exclusion ne fait cependant pas obstacle à toute renégociation ultérieure fondée sur l’apparition de circonstances exceptionnelles.

La crise du COVID-19 a en effet été l’occasion pour les tribunaux d’appliquer l’obligation de bonne foi à la renégociation de contrats impactés par la crise sanitaire.

Le tribunal judiciaire de Paris a ainsi déduit dans un arrêt de 2021 que « même si les dispositions de l'article 1195 du Code civil ne s'appliquent pas au présent bail signé antérieurement au 1er octobre 2016, il résulte de l'article 1104 du Code civil, que les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il s'ensuit que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives ».

D’autres juridictions ont adopté le même raisonnement, érigeant la bonne foi comme soutien possible aux soudains déséquilibres contractuels[1].

En tout état de cause, que les parties aient renoncé ou non à la possibilité de procéder à la révision du contrat pour imprévision, le premier réflexe à adopter reste de prendre contact avec son cocontractant et de lui exposer les impacts des nouvelles circonstances sur l’exécution du contrat.

On voit ici poindre l’intérêt des clauses de comitologie et d’escalade dans les contrats informatiques incitant à entretenir un dialogue suivi entre les parties et un pilotage projet efficient.

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Le cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 20 ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans la rédaction et la consolidation de leurs contrats informatiques.

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[1] Cour d’appel de Riom, 1ère chambre, 2 mars 2021, n°20/01418 ; Tribunal judiciaire de Paris, 18ème chambre, section 2, 10 juillet 2020, n°20/04516