Par Gérard Haas et Claire Lefebvre
Dans le contexte d’une utilisation de plus en plus importante des « aéronefs circulant sans personne à bord » (ou drones), des entreprises s’inquiètent du survol illicite de leurs sites industriels ou administratifs.
En effet, malgré des règles fortes encadrant l’exploitation des drones, le respect de ces dernières reste peu contrôlé : par exemple, à la suite d’une étude menée sur la zone industrielle du Havre, des entreprises ont réalisé que seuls 10% des survols constatés sur un périmètre déterminé avaient été autorisés.
A ce titre, de nombreuses entreprises cherchent aujourd’hui à s’équiper, auprès d’acteurs émergents, de moyens technologiques contre ces intrusions sur leur domaine privé, susceptibles de porter atteinte à la confidentialité de leurs activités.
Toutefois, leurs capacités d’action restent limitées à la détection des drones, l’utilisation de systèmes de brouilleurs demeurant réservés aux services d’Etat.
Nous avons déjà souligné l’important développement de la réglementation applicable au contrôle des drones, comprenant notamment des exigences :
Pour plus d’information sur les conditions d’exploitation des drones, consultez notre article « Comment faire voler les drones en 2022 ? » |
En outre, il existe des zones où le pilotage des drones est interdit ou restreint : la carte de ces zones est consultable en ligne, afin de faciliter leur respect par les télépilotes.
En particulier, pour des raisons évidentes, n’est pas autorisé le survol des sites sensibles ou protégés (centrales nucléaires ; terrains militaires ; prisons… ) ou à proximité des aérodromes.
Dans certaines zones, des hauteurs maximales de survol doivent être respectées.
Enfin, le vol n’est autorisé dans les espaces privés qu’avec l’accord du propriétaire.
Toutefois, l’existence de ces règles ne suffit pas à leur mise en œuvre et des entreprises s’inquiètent de survols illicites de leurs sites.
Dans ce contexte, traquer les drones en circulation au-dessus de ces zones relève d’un enjeu stratégique majeur tant pour les pouvoirs publics que pour les entreprises concernées.
Depuis la Loi n°2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dont les dispositions relatives à la vidéoprotection et aux caméras embarquées avaient été sources de nombreux débats (avant d’être en partie invalidées par le Conseil Constitutionnel), les agents de sécurité des entreprises privées (désignés par l’article L. 611-1 du Code de la sécurité intérieure, fournissant des services de gardiennage et de surveillance en dehors de l’administration) peuvent :
Utiliser des moyens radioélectriques, électroniques ou numériques permettant la détection, aux abords des biens dont ils ont la garde, des aéronefs circulant sans personne susceptibles de représenter une menace pour la sécurité de ces biens et des personnes qui s’y trouvent ;
Exploiter et, si besoin, transmettre les informations recueillies aux services de l’Etat concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale.
Toutefois, ces entreprises ne peuvent pas utiliser de dispositifs pour rendre elles-mêmes les drones inopérants – en application de l’article L. 33-3-1 du Code des postes et des communications électriques qui prohibe l’importation, la publicité, la cession à titre gratuit ou onéreux, la mise en circulation, l’installation, la détention ou encore l’utilisation de « tout dispositif destiné à rendre inopérants des équipements radioélectriques ou des appareils intégrants des équipements radioélectriques de tous types, tant pour l’émission que pour la réception ».
Par dérogation, l’utilisation de ces dispositifs est autorisée uniquement pour les besoins de l’ordre public ; de la défense et de la sécurité nationale ainsi que du service public de la justice.
Depuis le 31 juillet 2021, le champ d’application de cette dérogation a été élargi pour permettre expressément aux services de l’Etat d’utiliser des dispositifs pour rendre inopérant l’équipement radioélectrique des drones :
Dans ce contexte, le 16 mai 2022, un nouvel arrêté a été publié autorisant la mise en œuvre de traitements locaux de données à caractère personnel ayant pour finalité :
D’assurer la surveillance des drones dans les zones faisant l’objet d’une interdiction ou restriction de survol ;
D’exploiter le signalement de ces drones pour permettre d’identifier le statut, le propriétaire et l’utilisateur de ces drones afin de s’assurer qu’ils ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique.
Par conséquent, si les entreprises privées peuvent désormais s’équiper de technologies de détection des drones, le recours aux systèmes de neutralisation reste réservé à l’Etat, dans le cadre bien précis de la défense de l’ordre et la sécurité publique. A ce titre, à l’approche d’événements sportifs d’ampleur comme la Coupe du monde de rugby 2023 en France et les Jeux Olympiques de Paris 2024, la Direction générale de l’armement a confirmé, fin avril, la conclusion d’un contrat anti-drones de 350 millions d’euros sur 11 ans pour la livraison de systèmes de lutte anti-drones pilotés par Thales et CS Group, intégrant à la fois des technologies de détection (radars, caméras, etc.) et de neutralisation (par brouillage de fréquence, de signal ou de géolocalisation). |
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