Par Gérard Haas et Eve Renaud-Chouraqui
Comment une entreprise peut-elle quantifier le risque induit par un refus de transiger avec la DGCCRF ?
Ce délicat exercice nécessite de s’adjoindre l’expertise de personnes qualifiées, tant dans l’évaluation des risques que dans la maîtrise de la procédure applicable (spécifique et marquée par des délais particuliers).
Jamais une entreprise ne doit sous-estimer ce risque, sous peine de s’exposer à une procédure plus ou moins longue et couteuse et à une sanction financière alourdie.
C’est justement ce qui vient d’arriver à une société qui, dans le cadre d’appels d’offres lancés par Lille Métropole Communauté urbaine en matière de gestion technique des bâtiments, avait préalablement à la soumission de son offre, échangé avec deux autres sociétés concernant les prix et les modalités techniques de sa réponse.
Si deux des sociétés ayant participé à cette entente avaient accepté le principe de la transaction avec les services de Bercy, la troisième avait refusé.
Ce choix a eu de lourdes conséquences : il a conduit les services de la DGCCRF à saisir l’Autorité de la concurrence des pratiques, laquelle a instruit et jugé l’affaire à partir des constatations menées par Bercy[1].
L’autorité a condamné la société à une amende de 435.000 euros, alors que ses complices avaient vu l’amende limitée au plafond applicable en matière transactionnel (qui, pour rappel, est de 150.000 euros ou 5% du dernier chiffre d’affaires connu en France si cette valeur est plus faible[2]).
Cette affaire est l’occasion de rappeler comment s’articulent les pouvoirs entre la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence, ainsi que de préciser les moyens d’évaluation du risque découlant du refus de transiger avec la DGCCRF.
1. Articulation des pouvoirs entre la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence
En France, nous disposons de deux « entités » en charge de la régulation et du contrôle du respect des règles de concurrence : la DGCCRF (placée sous l’autorité du ministre de l’économie) et l’Autorité de la concurrence (autorité administrative indépendante). L’une comme l’autre disposent de pouvoirs d’investigation, de poursuite, d’injonction et de sanction des infractions au droit de la concurrence.
Si la DGCCRF est seule compétente en matière de pratiques restrictives de concurrence, il existe une compétence partagée avec l’Autorité de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles[3].
Ainsi, la DGCCRF dispose d’un pouvoir d’injonction et de sanction pour les pratiques anti-concurrentielles de toutes natures affectant :
- un ou plusieurs marchés de dimension locale,
- et commises par des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros sur le plan individuel et 200 millions d’euros pour l’ensemble des entreprises responsables.
En application de l’article L450-5 du Code de commerce, l’Autorité de la concurrence est informée, avant leur déclenchement, des investigations menées par la DGCCRF sur le fondement des pratiques anti-concurrentielles et peut :
- soit décider d’en prendre la direction ;
- soit laisser la DGCCRF réaliser les enquêtes et se saisir des pratiques à transmission des résultats.
En miroir, l’Autorité de la concurrence, saisie de pratiques anti-concurrentielles relevant de la compétence de la DGCCRF, peut décider de rejeter l’affaire.
L’objectif de cette compétence partagée ?
Aboutir, pour des affaires ayant une dimension régionale, à une réduction des délais de traitement et de sanction. Notons qu’une affaire est susceptible d’être jugée en quelques mois par la DGCCRF, alors que les procédures devant l’Autorité de la concurrence peuvent durer plusieurs années.
2. L’évaluation des risques associés à un refus de transaction
La procédure de transaction est ouverte tant devant l’Autorité de la concurrence que devant la DGCCRF.
Devant l’Autorité de la concurrence, le rapporteur général peut proposer une transaction fixant un montant maximal et minimal de sanction. Une telle démarche permet naturellement à une entreprise d’avoir une prévisibilité sur son risque financier et de gérer ce risque[4].
Les avantages sont les suivants :
- Réduire les délais de la procédure ;
- Economiser les coûts inhérents à la procédure ;
- Obtenir une diminution substantielle du montant de la sanction[5].
L’entreprise, destinataire d’une notification de griefs, peut décider de renoncer à contester ces derniers et solliciter auprès du rapporteur général la mise en œuvre d’une procédure de transaction, sans avoir à expliquer les raisons de sa démarche (lequel reste seul juge de l’opportunité d’y donner une suite favorable).
Cette démarche doit être réalisée le plus rapidement possible afin qu’un procès-verbal de transaction puisse être signé dans les 2 mois suivant la notification de griefs. A défaut, l’Autorité de la concurrence a déclaré ne pas prendre en considération les demandes de transaction n’ayant pas abouti à l’expiration de ce délai.
Devant les services de la DGCCRF, la procédure de transaction permet, à l’issue d’un débat contradictoire, d’apporter une solution rapide et efficace aux pratiques anti-concurrentielles ayant des effets pour l’économie et les consommateurs à un niveau local.
Rappelons que le refus pour une entreprise de se soumettre à la transaction aboutit à une transmission de l’affaire devant l’Autorité de la concurrence.
Le montant des transactions devant la DGCCRF prend en considération différents facteurs dont :
- La gravité des pratiques ;
- La durée des pratiques ;
- La souscription par l’entreprise concernée à des engagements complémentaires.
Le montant de la transaction ne pourra alors excéder 150.000 euros ou 5 % du dernier chiffre d’affaires connu en France si cette valeur est plus faible que la première[6].
Comment alors évaluer le risque afférent à un refus de transaction devant la DGGCRF ?
On l’a rappelé, le fait de refuser de se soumettre à une procédure de transaction devant la DGCCRF aboutit à une transmission de l’affaire devant l’Autorité de la concurrence.
Le premier risque tient dans cette transmission laquelle conduira à une procédure longue, couteuse, nécessitant la coopération avec les services de l’Autorité dans le cadre de l’éventuelle enquête complémentaire qui sera menée.
C’est également sans compter le risque d’image induit par une procédure devant l’autorité.
Une bonne évaluation des risques nécessite de cartographier les enjeux afin d’aligner un risque possible de condamnation :
- Evaluer les pratiques reprochées et leur écart par rapport à la réglementation applicable ;
- Evaluer la preuve associée à ces pratiques ;
- Aligner un montant de sanctions au regard des agissements similaires ou des précédents de sanctions devant la DGCCRF ou l’Autorité de la concurrence.
Une telle démarche nécessite de travailler en étroite coopération avec des spécialistes en droit de la concurrence, lesquels connaissent et maîtrisent de telles cartographies des risques.
Le risque, s’il peut être accepté par l’entreprise, ne doit jamais être subi par celle-ci. Elle doit pouvoir disposer, en amont, de la totalité des éléments lui permettant, en parfaite connaissance de cause, de faire le choix stratégique de poursuivre ou non la procédure engagée devant les autorités de concurrence.
***
Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet Haas Avocats dispose d’un département entièrement dédié à l’accompagnement de ses clients, capable de réaliser toute étude d’impact et cartographie des risques.
Le Cabinet est naturellement à votre entière écoute pour toutes problématiques que vous pourriez rencontrer.
Pour plus d’informations ou des demandes de rendez-vous, contactez-nous ici.
[1] Conformément aux dispositions de l’article 464-9 alinéa 4 du Code de commerce.
[2] Art. L464-9 du Code de commerce.
[3] Entente et abus de position dominante notamment.
[4] Art. L464-2 du code de commerce.
[5] Il est précisé que les pratiques anticoncurrentielles peuvent aboutir à des sanctions pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial.
[6] Art. L464-9 du code de commerce.