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Chronologie des médias : ce qui change en 2022

Rédigé par Gérard HAAS | Feb 7, 2022 7:40:42 AM

Par Gérard Haas et Claire Benassar 

L’aboutissement de longues négociations. Trois ans après la dernière révision de la chronologie des médias, en vigueur depuis fin 2018, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a convoqué 28 acteurs professionnels du secteur audiovisuel pour rediscuter les fenêtres de diffusion.

Ce lundi 24 janvier, un nouvel accord a effectivement été signé au Ministère de la Culture. Mettant finalement un terme aux négociations menées entre les chaînes de télévision, plateformes de streaming et organisations du cinéma, cet accord sur la nouvelle chronologie des médias devrait entrer en vigueur le 10 février prochain pour une durée de 3 ans.

La définition conventionnelle des fenêtres de sortie des œuvres cinématographiques

Pour mémoire, la chronologie des médias est le « modèle d’exploitation des œuvres par les diffuseurs selon un calendrier correspondant au niveau d’investissement de chacun dans la création desdites œuvres »[1].

Autrement dit, il s’agit du mécanisme français venant organiser la diffusion des films après leur exploitation dans les salles de cinéma[2].

Historiquement, c’est la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et son décret d'application du 4 janvier 1983 qui étaient venus déterminer les délais imposés aux diffuseurs.

Depuis, la chronologie des médias a cessé d'être déterminée par la voie législative ou réglementaire, et fait l'objet d'accords interprofessionnels.

En effet, aux termes de l’article L.232-1 du code du cinéma et de l’image animée, « Les contrats conclus par un éditeur de services de télévision en vue de l'acquisition de droits de diffusion d'une œuvre cinématographique prévoient le délai au terme duquel la diffusion de celle-ci peut intervenir. ».

L’alinéa 2 du même texte précise encore que « Lorsqu'il existe un accord professionnel portant sur le délai applicable au mode d'exploitation des œuvres cinématographiques par les services de médias audiovisuels à la demande, le délai prévu par cet accord s'impose aux éditeurs de services et aux membres des organisations professionnelles signataires. ».

La redéfinition des délais applicables

Du fait notamment des bouleversements économiques du secteur audiovisuel et de l’émergence de nouveaux acteurs à l’instar des nombreuses plateformes de vidéo à la demande (SVOD), la chronologie des médias de 2018 était devenue obsolète et appelait aux diverses modifications négociées a minima pour l’année à venir.

La fenêtre d’exploitation des salles de cinéma est la seule à rester inchangée, les salles continuant de bénéficier d’une exclusivité de 4 mois[3], répondant ainsi à la « nécessité absolue de préserver [le] capital culturel et économique qu’est la salle de cinéma » en France comme souligné par Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture.

S’agissant en revanche des chaînes de télévision payantes, et notamment de Canal+, elles conservent leur priorité en raison de leurs investissements en faveur de la création cinématographique française. La grille de diffusion est à ce titre davantage raccourcie et permet de faire démarrer la fenêtre de diffusion à 6 mois en cas d’accord avec les organisations professionnelles du cinéma, et non plus 8 mois.

Parallèlement, les plateformes de SVOD connaissent le plus grand bouleversement chronologique, et voient l’ancien délai de 36 mois amputé de plus de moitié.

Une distinction doit toutefois être opérée selon les plateformes.

Netflix pourra en effet bénéficier de la fenêtre de sortie la plus réduite, fixée à 15 mois, tandis qu’Amazon Prime Video, Disney+ ou encore Apple TV+ devront attendre le 17ème mois. Et pour cause, à leur différence, Netflix s’est engagé auprès des organisations du cinéma à participer au financement de productions françaises.

Enfin, les chaînes de télévision gratuites continueront d’être soumises à de plus longs délais, toutefois diminués de 30 à 22 mois, à condition néanmoins qu’elles investissent au moins 3,2 % de leur chiffre d’affaires. Parallèlement, et c’est un avantage non négligeable, elles bénéficieront d’une période d’exclusivité jusqu’au 36ème mois, durant laquelle les plateformes de SVOD devront donc retirer les films concernés de leur catalogue. En outre, les chaînes en clair pourront éventuellement signer des accords avec les plateformes de SVOD pour prévoir des périodes de « co-exclusivité ».

Une nouvelle chronologie qui ne fait pas l’unanimité

Si la majorité des professionnels de l’audiovisuel se réjouit du nouvel accord, certains restent réfractaires et sont aux abonnés absents.

Parmi les plateformes de SVOD, Netflix a été la seule à signer cet accord. Les autres plateformes considèrent quant à elles qu’il est bien trop peu avantageux pour leurs services. En conséquence, elles envisageraient de boycotter les salles de cinéma françaises afin de se soustraire aux contraintes de la chronologie des médias.

Du côté des représentants des auteurs, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) a salué « les efforts de médiations du CNC » et reconnu que l'accord contenait « des avancées nécessaires qui méritent d’être soulignées ». Néanmoins, par un communiqué du 24 janvier, elle a indiqué refuser d’intégrer la liste des signataires au motif que les termes de ce nouvel accord ne pourraient pas raisonnablement rester en vigueur pour une durée de trois ans. Pour la SACD, « Les mutations rapides du secteur en termes d’offre, de technologie et de demande conduiront inéluctablement à une évolution rapide de la place du cinéma dans l’ensemble des offres disponibles sur le marché français ».

Pour autant, le nouveau texte contient une clause de revoyure ; un premier bilan devra donc être dressé en janvier 2023.

Une chose est sûre, les amateurs d’œuvres cinématographiques se réjouiront de ce nouvel accès plus rapide aux films. Une façon, peut-être, de contrer le piratage illégal…

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[1] Définition donnée par Mme Morin-Desailly, sénatrice, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication

[2] La chronologie des médias ne concerne que les films sortis en salle de cinéma

[3] La fenêtre est réduite à 3 mois pour les films ayant enregistré moins de 100.000 entrées en 4 semaines