Par Gérard Haas et Gael Mahé
Le 4 octobre dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a accepté de transmettre une QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) émanant du site pornographique « Pornhub » à la Cour de cassation.
Dans cette affaire, cinq sites dits pornographiques sont opposés à L’ARCOM. L’Arcom, sur la base du Code Pénal[1] et du Décret d’octobre 2021[2], souhaite les bloquer en raison de leur absence de filtrage suffisamment efficace des visiteurs mineurs sur leurs sites.
Depuis le décret intervenu il y a maintenant 1 an, les sites dits pornographiques visés ne se sont toujours pas mis en conformité de la loi et des nouvelles dispositions du Code pénal.
L’ARCOM a donc décidé de saisir le président du tribunal judiciaire pour ordonner le blocage de ces sites par les opérateurs comme lui permet le décret de 2021 et comme nous avons déjà pu l’aborder précédemment dans notre article.
Dans le jugement, il semble être indiqué que Pornhub, dans la mesure où l'infraction qui lui est reprochée n'est pas, à son sens, définie « en des termes suffisamment clairs et précis », considère que la procédure exercée par L'ARCOM n'est pas conforme aux principes constitutionnels de :
En effet, la loi visant à protéger le public mineur pose un principe que, tout un chacun, pourrait considérer comme noble. Cependant, sa portée est beaucoup plus grande que celle initialement prévue par le législateur.
Pornhub semble arguer qu’aucune des solutions techniques de filtrage testées par ce dernier ne s’est révélée satisfaisante à leurs yeux. Ils disent vouloir attendre les lignes directrices annoncées par le régulateur sur cette question depuis décembre 2021.
Le fait est que les solutions existantes ne semblent pas opérer un juste équilibre entre :
En effet, comme nous avons pu l’aborder l’année dernière dans notre article, l’équilibre de la solution retenue est essentiel à la fois pour empêcher les mineurs d’accéder aux contenus du site mais aussi pour ne pas repousser les éventuels majeurs qui souhaiteraient s’y connecter.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait déjà estimé en juin 2021[3] que la mise en œuvre de systèmes de vérification de l’âge en ligne pour les sites pornographiques ne devait pas permettre pour ces derniers de :
Il est aussi important de noter que la CNIL préconise toujours le recours à un tiers de confiance indépendant dans la transmission de données pour que ce dernier soit l’intermédiaire entre l’utilisateur du site et le site dit pornographique.
A travers ses recommandations du 26 juillet 2022, la CNIL analyse les solutions existantes de manière plus précise :
Bien qu’impliquant le plus souvent un tiers de confiance, ces solutions restent imparfaites sur un ou plusieurs points que ce soit sur la protection de la vie privée, leur manque de fiabilité, des contraintes trop fortes pour les éditeurs de sites pornographiques.
L’absence de solution réellement adéquate fait donc écho à la contestation de Pornhub sur cette affaire. Ce dernier posant une réelle question : Dans quel dispositif doivent-ils investir pour être en conformité avec la réglementation ?
Chaque dispositif demandant un certain investissement ainsi qu’une refonte totale de leur modèle, il semble être légitime pour les éditeurs de sites d’obtenir des précisions officielles sur le système de vérification qu’ils doivent adopter.
Comme le veut la procédure de QPC, la Cour de cassation dispose d’un délai de 3 mois pour statuer, ou non, de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, qui pourrait alors invalider les dispositions contestées par Pornhub.
Affaire à suivre de près…
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Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit, notamment en matière de protection des données personnelles et des domaines particuliers du numérique. Si vous souhaitez avoir plus d’informations au regard de la réglementation en vigueur, n’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller. Contactez-nous ici.
[1] Article 227-24 du Code pénal
[2] Décret n° 2021-1306 du 7 octobre 2021 relatif aux modalités de mise œuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l'accès à des sites diffusant un contenu pornographique
[3] Délibération 2021-069 du 3 juin 2021