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Alerte de l’AMF sur l’ICO de la société Air Next

Rédigé par Marie TORELLI | Oct 8, 2021 8:03:22 AM

Par Marie Torelli et Jean Edouard Poux

Dans un message publié sur son site internet le jeudi 30 septembre dernier, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) alerte les consommateurs sur les risques présentés par l’offre au public de jetons organisée par la société Air Next.

En effet, Air Next aurait démarché le public français sans avoir obtenu le visa préalable de l’AMF. Mais ce n’est pas tout ce qui est reproché à Air Next. Selon l’AMF, celle-ci lui aurait également adressé des documents falsifiés dans le cadre de la procédure de visa.

Si cet avertissement public n’est pas le premier, il démontre la nécessité pour les porteurs de projets de sécuriser leurs ICO et les opérations de communication qu’ils entendent mettre en œuvre pour les promouvoir.

A défaut, outre un risque réputationnel évident, ils encourent également une sanction administrative dont le montant peut s’élever jusqu’à 100 000 euros.

Comment fonctionne le visa de l'AMF pour les ICO ?

Depuis le printemps 2019, la loi PACTE a introduit en droit français un régime spécifique qui offre la faculté aux émetteurs de jetons de solliciter un visa de l’AMF.

Désormais codifié aux articles L. 522-1 et suivants du code monétaire et financier, ce dispositif permet aux émetteurs de jetons d’effectuer des actes de démarchages et de sécuriser l’émission de jetons (ICO) grâce aux garanties légales associées au visa (prévention des fraudes…).

In fine, cela permet à l’émetteur de jetons de communiquer tout en rassurant les investisseurs quant au sérieux et à la pérennité de son ICO[1].

Pour obtenir le visa de l’AMF, les émetteurs de jetons doivent remplir les conditions suivantes :

- D’indiquer où le souscripteur peut se procurer le document d'information visé par l'AMF en précisant le nom du site internet sur lequel il est disponible ;
- D’être clairement identifiables ;
- De présenter un contenu exact, clair et non trompeur ;
- De comporter des informations permettant de comprendre les risques afférents à l'offre, cohérentes et non contradictoires avec celles contenues dans le document d'information.

L'ICO d'Air Next

Fondée en janvier 2021, Air Next ambitionne de révolutionner la commercialisation des billets d’avion et de train en s’appuyant notamment sur la blockchain, la technologie RFID[3] et l’utilisation des smart contracts.

Outre la possibilité d’acheter les billets grâce à des cryptomonnaies, l’objectif principal d’Air Next est de garantir à ses utilisateurs une indemnisation instantanée en cas de retard ou d’annulation des avions ou des trains ainsi que pour les bagages perdus ou égarés.

C’est pour financer la mise en place de ce système innovant qu’Air Next a souhaité procéder à une ICO en proposant au public des jetons AIR-N. Dans cette perspective, elle a déposé un dossier auprès de l’AMF pour l’obtention d’un visa.

Une ICO lancée sans le visa de l’AMF

Il apparaît que le processus d’obtention du visa n’a pu être mené à son terme.

Par conséquent, l’AMF n’a délivré aucun visa à l’ICO préparée par Air Next ni d’ailleurs sur aucune autre offre de jetons réalisée par cette société.

Dès lors, l’AMF rappelle logiquement qu’aucune des garanties légales associées au visa ne pourra être revendiquée par les individus qui y participent.

Cette communication est rendue d’autant plus nécessaire en raison des actes de démarchages qui ont été entrepris par Air Next auprès du public français[4]. Pratique qui, eu égard à l’absence de visa, est susceptible de contrevenir à l’article L. 341-10, 6° du code monétaire et financier et pourrait, de ce fait, entraîner de lourdes sanctions administratives.

En effet, l’article L.222-16-1 du code de la consommation prévoit que tout émetteur de jetons qui aurait démarché un consommateur sans avoir obtenu le visa préalable de l’AMF encourt une amende d’un montant maximum de 100 000 euros.

L’AMF signale également que lors de la procédure de visa, la société Air Next aurait, selon elle, transmis des documents qui auraient été falsifiés.

Considérant l’ensemble de ces faits, l’AMF informe tout d’abord le public qu’en application de l’article 40 du code de procédure pénale et de l’article 621-20-1 du code monétaire et financier, elle transmet les éléments à sa disposition au sujet d’Air Next et de son site internet au parquet de Paris.

Ensuite, l’AMF appelle les épargnants susceptibles d’être démarchés à la plus grande vigilance et leur demande de pas relayer les communications d’Air Next auprès de tiers.

Cette affaire démontre une nouvelle fois que les porteurs de projets qui souhaitent réaliser une ICO doivent demeurer extrêmement attentifs au respect des dispositions légales et réglementaires encadrant leurs opérations de communication et notamment le démarchage de leurs clients.

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Le cabinet HAAS-Avocats accompagne les porteurs de projet dans leurs démarches auprès de l’AMF et de l’ACPR. Nos équipes se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans votre projet, notamment lors de l’obtention d’un visa auprès de l’AMF pour les offres au public de jetons. Pour un devis ou des renseignements complémentaires, n’hésitez pas à contacter le cabinet HAAS Avocats.

 

[1] Pour Initial coin offering (ICO).

[2] Ce document doit être rédigé conformément à l’annexe 2 de l’instruction de l’AMF DOC-2019-06.

[3] La technologie RFID, pour « Radio Frequency Identification), est un système de mémorisation et de récupération de données à distance. Permettant une identification, cette technologie utilise des « RFID tag », c’est-à-dire des étiquettes qui peuvent être collées ou apposées dans des objets voire implantés dans des organismes vivants. Concrètement, l’identification s’effectue grâce à un transfert d’énergie électromagnétique entre le « RFID Tag » et l’émetteur RFID.

[4] Des internautes ont en effet fait état de la réception de SMS relatifs à l’ICO d’Air Next. Cf. A. VITARD, « L’AMF dit non à l’ICO d’Air Next, qui vend des billets de train et d’avion contre des cryptomonnaies », L’usine Digitale, 30 sept. 2021, [en ligne].