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Affaire Griveaux, Revenge porn... mais légalement, comment ça marche ?

Rédigé par Gérard HAAS | Feb 17, 2020 6:59:33 AM

Par Gérard Haas et Aurélie Puig

Le « Revenge porn » est une pratique qui consiste en la publication de contenus pornographiques d’une personne à son insu. Les conséquences de cette pratique sont diverses et variées. Par exemple, la mise en ligne de vidéos intimes attribuées à Benjamin Griveaux suscite une vague d’indignations et le candidat de La République en marche pour la mairie de Paris a finalement retiré sa candidature.

Zoom sur le « Revenge porn », une pratique violente qui a nécessité l’intervention du législateur en 2016.

Face aux mutations numériques de notre société et à ces nouveaux cyber-comportements préjudiciables, le droit positif évolue et un droit spécial 2.0 émerge progressivement au détriment du droit commun de la protection de la vie privée.

Avant la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, le Revenge porn restait impuni. Les victimes pouvaient agir notamment sur le fondement de l’article 9 du code civil sur le droit au respect de la vie privée, mais les juridictions ne sanctionnaient pas pénalement le fait de diffuser des images sexuelles sur la toile, sans le consentement de la victime.

L’ex-partenaire qui avait posté une photo de son ancienne compagne nue, ne pouvait donc être tenu pénalement responsable de la publication de telles images pour la simple raison que celle-ci avait consenti à être photographiée.

1. Sur le plan pénal : c'est désormais un délit spécifique depuis 2016

La loi définit le Revenge porn comme « le fait, en l'absence d'accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d'un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même » (art 226-2-1 Code pénal)

Le « Revenge porn » est un délit introduit en France depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une république numérique, et réprimé par l’article 226-2-1 du Code Pénal qui dispose que « Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 € d'amende. »

Cette disposition a permis de contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation qui considérait que la diffusion des photographies intimes prises dans un lieu privé n’était pas pénalement réprimé, à partir du moment où la personne a consenti à sa prise de vue (Cass. crim., 16 mars 2016, no 15-82.676, Bull. crim., no 86).

Dans cette affaire, la Haute juridiction avait conclu à l’absence d’infraction d’atteinte à la vie privée. La chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de condamner Monsieur X au motif que « n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement » au visa des articles 111-4, 226-1 et 226-2 du Code pénal.

Cette décision est fondée car la loi pénale est d’interprétation stricte. Après l’indignation médiatique face à l’impunité du Revenge porn, un besoin d’adapter le code pénal à la réalité d’internet se fait ressentir.

Avant la concrétisation d’un délit spécifique, il existait déjà l'article 226-1 du code pénal qui venait sanctionner les atteintes à la vie privée résultant de la captation de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou de la fixation d'une image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, sans le consentement explicite ou présumé de l'intéressé.

L'article 226-2 du code pénal servait à réprimer la conservation, l'utilisation ou la diffusion de tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-1.

Désormais, avec l’article 226-2-1 du code pénal, le « caractère sexuel » des paroles ou des images est spécifiquement réprimé.

Par ailleurs, la répression est aggravée : deux ans d’emprisonnement et 60 000 € d’amende encourue.

La qualification du délit est caractérisée et ce, peu importe l’intention de l’auteur : vengeance, volonté d'humilier, moqueries, chantage... Il suffit de diffuser un contenu sexuel en l’absence d’accord de la personne, étant précisé que le consentement à la captation n'emporte pas accord de diffusion dans les cas visés à l'article 226-2-1.

Quant au délai de prescription applicable au Revenge porn, il est de 6 ans à compter du jour où l’infraction se trouve commise (art 8 al 1 code de procédure pénale).

2. Sur le plan de l'atteinte à la vie privée

La victime de Revenge porn est victime d’une atteinte à sa vie privée de manière générale. En plus d’une action pénale spécifique, elle dispose également de la protection de ce droit par l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et l’article 9 du code civil.

Ainsi, les victimes ne souhaitant pas agir au pénal et les victimes de faits antérieurs à la loi du 7 octobre 2016, peuvent agir sur le plan civil. Le Tribunal de Grande Instance de Bobigny (ch. 5, sect.3, 20 nov. 2018, M. X. c./ Mme Y, Legalis) avait retenu l’atteinte au droit à la vie privée.

En l’espèce, une ex-maîtresse d’un homme marié avait envoyé des photos intimes de celui-ci à sa femme. Le tribunal a considéré que l’atteinte au droit à la vie privée du demandeur était caractérisée puisqu’il s’agissait d’images portant sur sa vie sexuelle et sentimentale dont il n’était pas démontré que l’homme en cause en ait autorisé la diffusion à des personnes tierces.

L’ex-maîtresse était alors condamnée à verser 800 € de dommages-intérêts, la somme ayant été réduite au motif que la relation extra-conjugale était connue de la femme et de l’entourage du couple antérieurement à la révélation des messages et des photos, atténuant ainsi l’importance du préjudice subi.

3. Sur la responsabilité civile des éditeurs et hébergeurs de contenu

La loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) prévoit un régime de responsabilité de plein droit pour l’éditeur d’un site internet, de sorte que sa responsabilité peut être engagée en cas de diffusion sur son site d’un contenu portant atteinte aux droits des tiers.

L’hébergeur bénéficie, quant à lui, d’un régime de responsabilité atténuée. Sa responsabilité civile et pénale ne peut être engagée du fait de la diffusion d’un contenu illicite que s’il a effectivement connaissance de ce caractère ou de fait et de circonstance faisant apparaître le caractère illicite ou si, ayant eu connaissance de ce caractère illicite, il n’a pas agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.

En effet, l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique impose aux hébergeurs de mettre en place « un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance » tout contenu sexuellement explicite et non autorisé.

Si après cette notification, le contenu litigieux n’est pas retiré, la victime pourra saisir le tribunal qui ordonnera rapidement à l’hébergeur de supprimer le contenu.

4. Les limites de la pénalisation du Revenge Porn

Certes, l’intervention du législateur a permis de renforcer la protection des victimes de Revenge porn, mais celle-ci reste fragile de par la cyber-nature du délit.

D’abord, les victimes sont soumises aux règles de preuve et doivent faire appel à un huissier de justice afin de faire constater le délit (par capture d’écran). En d’autres termes, le contenu litigieux reste en ligne le temps de ce processus.

Il en va de même pour le temps de traitement de l’éditeur/hébergeur d’un site internet dans la demande de suppression d’un contenu illicite. De plus, la notification à l’hébergeur est soumise à certain formalisme expressément prévu à l’art 6 de la LCEN.

D’autre part, rien n’est réellement supprimé d’internet. Quid du « Droit à l’oubli » ? Rappelons que le droit à l’oubli permet seulement le déréférencement d’un contenu sur les moteurs de recherche. Les publications peuvent souvent être consultées par d’autres moyens en utilisant par exemple des mots clés désindexés, le dark web etc. Et, plus le contenu illicite reste consultable sur le net, plus il est partagé et plus il devient difficile de le supprimer de la toile.

5. Le nouvel outil de Facebook pour la prévention du Revenge porn

En Australie, le réseau social expérimente depuis 3 ans un nouvel outil de prévention du « Revenge porn ». Une potentielle victime de Revenge porn peut ainsi signaler à la Commission de sécurité informatique australienne (eSafety Commissioner) un risque de diffusion d’images intimes. Or pour cela, elle devra envoyer les images à Facebook pour qu’elles soient analysées et stockées dans une base de données. Les algorithmes réaliseront alors une empreinte numérique permettant de reconnaitre instantanément le cliché en cas de tentative de publication par un tiers.

Ce procédé laisse dubitatif, notamment en ce qui concerne les risques de data breach.

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Si vous êtes victime de Revenge porn ou qu'il existe une atteinte à votre vie privée, vous pouvez nous contacter ici