Par Haas Avocats
14 ans après son début, l’affaire Google Shopping, l’une des affaires les plus emblématiques en droit de la concurrence, touche presque à sa fin.
Cette affaire est le révélateur de la volonté (ancienne) de l’Union européenne de sanctionner certaines pratiques anticoncurrentielles qui prennent corps au sein de l’économie numérique.
L'avocate générale près la Cour de justice de l’Union européenne a rendu ses conclusions, lesquelles sont favorables au maintien de la sanction pécuniaire de 2,4 milliards d’euros infligée à Google.
Précisons que ces conclusions ont vocation à éclairer les juges dans leur décision finale, laquelle sera rendue d’ici quelques mois.
En 2021, le Tribunal de l'Union européenne avait rejeté le recours de Google contre la décision de la Commission européenne et confirmé l'amende infligée.
Google avait alors décidé de se pourvoir devant la Cour de justice de l'Union européenne.
Le recours de Google faisait suite à la sanction prononcée en juin 2017 par la Commission européenne qui, aux termes d’une procédure formelle, avait considéré que Google, au travers de son Google Shopping, avait commis un abus de position dominante sur les marchés de la recherche générale sur internet et celui des services de recherche spécialisée de produits.
Plus précisément, il était reproché à Google « d’avoir présenté les résultats de son comparateur de produits de manière visuellement plus élaborée que ceux des comparateurs de produits concurrents », sans réciprocité dans l’application de son algorithme dénommé « Panda ».
Précisons que ces pratiques étaient mises en œuvre, depuis 2008 et sur 13 pays de l’espace économique européen.
La procédure à l'encontre de Google a été engagée initialement en 2010, à la suite de plusieurs plaintes déposées auprès de la Commission européenne par des entreprises, des associations d'entreprises, des associations de consommateurs et des autorités nationales de concurrence.
Dans les conclusions présentées le 11 janvier 2024, l’avocate générale conclut au rejet du pourvoi de Google et, par conséquent, à la confirmation de l’amende précédemment infligée.
Les questions posées à la Cour sont les suivantes, lesquelles sont qualifiées par l’avocate générale de « grande importance juridique et pratique » :
Cette question mérite notamment d’analyser les critères précédemment dégagés par la jurisprudence afin de caractériser un abus qui serait constitué par le refus d’accès à une « installation essentielle ».
La réponse à cette question mérite de « savoir si et de quelle manière la Commission doit démontrer, par une analyse contrefactuelle, que cette pratique produit des effets d’éviction à tout le moins potentiels (…) ».
L’avocate générale rappelle les conditions posées par la jurisprudence en matière de refus d’accès à une infrastructure essentielle. Ce refus est constitutif d’un abus :
Elle poursuit en indiquant que ces conditions doivent être appliquées de manière stricte. En l’espèce, les comportements reprochés à Google ne sont pas comparables à un refus de fourniture ou d’accès.
Sur la question de la concurrence par les mérites, l’avocate indique sans équivoque que Google s’en est écarté en mettant en œuvre des pratiques d’auto-favoritisme :
« L’auto-favoritisme reproché à Google constitue une forme autonome d’abus résultant de l’application de conditions d’accès déraisonnables aux comparateurs de produits concurrents, à condition qu’il ait des effets anticoncurrentiels à tout le moins potentiels ».
Même si ces pratiques ne comportent aucune forme de tarification abusive, « cette forme d’inégalité de traitement par auto-favoritisme constitue une pratique qui s’écarte des moyens de concurrence par les mérites et qui est abusive, dès lors qu’elle est de nature à porter atteinte à la concurrence ».
Cette affaire sera prochainement examinée par la Cour de justice de l’Union européenne, dont la décision est très attendue.
Il apparait délicat pour celle-ci de considérer que les pratiques reprochées à Google ne seraient pas constitutives d’un abus de position dominante eu égard à la récente réglementation européenne.
En effet, le DMA (Digital Market Act) [qui n’avait pas encore vu le jour au moment des agissements commentés] intègre précisément une interdiction d’auto-favoritisme pour les « contrôleurs d’accès ».
Or, le service Google Shopping fait partie des plateformes désignées en qualité de contrôleurs d’accès par la Commission européenne et devra dès mars 2024 respecter les obligations/interdictions mises à sa charge.
A défaut, les plateformes récalcitrantes s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial total de l’entreprise (20% en cas d’infraction répétée).
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