Par Anne Charlotte Andrieux et Céline Rodier
Après l’entrée en vigueur du décret SMAD (« services de médias audiovisuels à la demande ») le 1er juillet 2021, fixant les obligations des plateformes étrangères de vidéo à la demande et visant à soutenir financièrement le cinéma français et européen, la réforme française de l’audiovisuel continue avec l’adoption de la loi contre le piratage le 29 septembre dernier.
Cette réforme, présentée par Franck Riester en 2019, avait été interrompue en raison de la crise sanitaire. Si de nombreuses dispositions ont depuis été abandonnées, des changements d’ampleur sont toujours à prévoir dans le secteur de l’audiovisuel.
Quels sont les apports de la nouvelle loi contre le piratage ?
Dans une étude publiée en décembre 2020, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) indiquait que le piratage audiovisuel et sportif représentait un manque à gagner estimé à plus de 1 milliard d’euros en 2019, et concernait environ 11 millions d’internautes.
Face à ce constat alarmant, l’adoption de nouvelles mesures était attendue. C’est dans ce contexte que le Parlement a définitivement adopté le projet de loi « relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique » le 29 septembre 2021 renforçant le dispositif de lutte contre le piratage dans l'audiovisuel et le sport.
En effet, l’enjeu est de taille dans le domaine du sport car le piratage des compétitions sportives est également en forte augmentation et, contrairement à un film ou une série, une fois le match diffusé, il ne présente que peu d’intérêt.
Parmi les principales nouveautés de cette nouvelle loi, on trouve la création d’une nouvelle autorité régulatrice, nommée l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et résultant de la fusion du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) et de l'Hadopi.
Ce texte dote ce régulateur de nouveaux pouvoirs, lui permettant d’agir plus efficacement et de manière plus réactive contre les sites pirates.
En effet, selon l’ancien dispositif, si une décision de justice ordonnait le blocage, le retrait ou le déférencement d’un site illicite, une nouvelle décision devait être prise pour chaque « site miroir » (site répliqué).
Désormais, les « sites miroirs » seront automatiquement visés, c’est-à-dire que la prise d’une nouvelle décision pour chaque site répliqué ne sera plus nécessaire.
Aurore Bergé, députée et co-rapporteure de ce projet de loi, affirme que « c’est l’Arcom qui jouera ce rôle d’actualisation »[1]. Elle ajoute que « le piratage est toujours un pillage : pillage d’une œuvre et pillage des droits des créateurs. Nous créons les outils pour que ces pratiques cessent. Nous poursuivrons ce combat ».
L’Arcom et les ayants droit (auteurs, chaînes de télévision, producteurs, fédérations sportives etc.) pourront également saisir la justice et demander à ce que certains sites soient placés sur des listes noires pour « faire en sorte que les intermédiaires - de la publicité, moyens de paiement etc. - ne travaillent plus avec eux », souligne Pauline Blassel, secrétaire générale de l'Hadopi. Ces listes seront notamment adressées aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) et aux moteurs de recherche, des acteurs clés en la matière, pouvant respectivement bloquer l’accès et déréférencer les sites pirates.
En sus des dispositifs évoqués ci-dessus, le mécanisme actuel avec l’envoi de mails d’avertissement, est conservé, et la nouvelle loi introduit d’autres dispositions permettant de renforcer la lutte anti-piratage.
Ainsi, au regard de l’évolution du comportement des internautes (des pirates) ces dernières années, le contrôle va être élargi aux « sites de streaming illicites et aux offres de télévision par Internet (IPTV) litigieuses », et ne sera plus limité aux échanges sur les réseaux pair-à-pair (P2P).
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Si le projet de loi propose de nouveaux dispositifs concrets pour lutter contre le téléchargement illégal, il convient d’attendre la mise en place de l’Arcom début 2022 pour étudier l’application des nouveaux dispositifs en pratique.
De nombreuses personnes font toutefois part de leur inquiétude de voir apparaitre une « surveillance disproportionnée ». A ce titre, le texte vient de faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par plus de soixante sénateurs. La lutte anti-piratage ne semble pas terminée !
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[1] ALCARAZ M., « La loi sur le piratage a été définitivement votée », Les Echos, 29 septembre 2021.