Par Anne-Charlotte Andrieux et Victoire Grosjean
La télésurveillance est un dispositif destiné à faciliter le suivi médical des patients en permettant aux praticiens d’interpréter des données à distance.
A ne pas confondre avec la téléexpertise, la téléconsultation ou tout autre terminologie de l’e-santé partageant le même préfixe, la télésurveillance constitue un des enjeux clés de la transformation du Ségur du numérique en santé et mobilise plusieurs des grandes problématiques actuelles du secteur : protection des données, interopérabilité, modalités de remboursement… Ces derniers mois, le législateur a affiché un objectif clair : démocratiser les solutions de télésurveillance afin d’améliorer le quotidien des patients tout en apportant de véritables garanties de qualité et de sécurité.
Le développement et la commercialisation d’une solution de télésurveillance impliquent dès lors de s’interroger sur les diverses réglementations susceptibles de s’appliquer.
Pour initier cette première réflexion, voici cinq questions que vous devez vous poser dès la conception d’une solution destinée à la télésurveillance médicale :
La notion de dispositif médical numérique (DMN) peut-être difficile à appréhender tant elle implique la maîtrise de concepts différents. Preuve en est l’article L. 162-48 du Code de la sécurité sociale qui définit le DMN par renvoi à la réglementation européenne :
« Constitue un dispositif médical numérique tout logiciel répondant à la définition du dispositif médical énoncée à l'article 2 du règlement (UE) 2017/745 […] »
Pourtant, il est essentiel de comprendre cette notion en matière de télésurveillance : cette activité implique en principe l’utilisation d’un DMN pour le recueil des données.
Dans une logique d’accompagnement des acteurs du secteur de la santé, la Haute Autorité de Santé a précisé dans une fiche publiée en 2021 les conditions que doit remplir un logiciel pour être un dispositif médical :
La compréhension de cette notion de DMN n’est cependant qu’une première étape qui doit être suivie d’une phase de qualification. Il existe en effet plusieurs catégories de DMN qui obéissent chacune à des régimes différents.
A titre d’exemple, une solution de télésurveillance peut impliquer l’utilisation d’un DMN embarquant de l’intelligence artificielle pour participer à prendre une décision relative à la prise en charge du patient. L’utilisation d’un tel DMN nécessite de la part du concepteur, non seulement de mener une réflexion sur un développement « Ethic by design », mais également de prendre en compte les exigences particulières que la Haute Autorité de Santé impose aux technologies relevant du champ de l’IA lors du dépôt de dossier auprès de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé.
Lorsqu’il est fait référence aux données personnelles, le premier réflexe consiste à se tourner vers les dispositions du RGPD et plus particulièrement, en matière de données de santé, vers son article 9 du Règlement.
Cette disposition liste les catégories de données dites « sensibles » au nombre desquelles figurent les données de santé. Le traitement de ce type de données est strictement encadré par la réglementation et implique de faire preuve de précaution dans leur manipulation.
Il ne faut cependant pas négliger les autres dispositions applicables en matière de traitements de données de santé :
Le marquage CE garantit que le DMN réponde effectivement à des exigences spécifiques de sécurité et de bénéfice clinique, selon des critères fixés par la réglementation européenne. Il s’agit d’une étape incontournable de la mise sur le marché d’un dispositif médical.
Il est dès lors recommandé de définir une stratégie de marquage CE dès les premières phases d’élaboration de la solution et notamment de s’interroger sur les composantes et fonctionnalités qui entreront dans le champ de définition du dispositif médical et qui devront de facto faire l’objet d’un marquage CE et remplir les différents critères imposés par la réglementation.
Il est également nécessaire de s’interroger sur la classe de risque du dispositif médical développé (I, IIa, IIb, III), celle-ci ayant une influence sur la procédure d’évaluation applicable. La classe est attribuée en fonction du risque potentiel que pourrait représenter l’utilisation du dispositif médical pour le patient ou toute autre personne intervenant dans l’utilisation du dispositif. Plus un risque est élevé, plus les mesures d’évaluation sont exigeantes.
La question de la prise en charge anticipée et du remboursement des dispositifs médicaux numériques est cruciale pour les acteurs, tant elle est susceptible d’impacter leur distribution.
En conséquence la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a adopté deux mesures ayant un impact :
Ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans une réforme de grande ampleur que le législateur a initié en faveur de l’e-santé et viennent compléter de récents nouveaux régimes, comme la fin du remboursement dérogatoire des téléconsultations actée le 30 septembre 2022.
Pour l’instant, cette nouvelle prise en charge des solutions de télésurveillance n’est cependant pas applicable, l’entrée en vigueur de ces dispositions ayant été retardée en raison du calendrier des élections présidentielles et législatives.
Argument commercial essentiel, l’interopérabilité des solutions de santé est un véritable objectif posé par le législateur. L’article L. 1470-5 du code de la santé publique vise en effet « l'échange, le partage, la sécurité et la confidentialité des données de santé à caractère personnel ».
A cet effet, l’Agence du Numérique en Santé a publié un « Référentiel d’Interopérabilité et de sécurité des Dispositifs Médicaux Numériques de Télésurveillance », approuvé par arrêté le 25 juillet 2022.
Le respect de ces conditions d’interopérabilité conditionnera le remboursement des DMN de télésurveillance. Plusieurs questions clés sont abordées dans le référentiel telles que la portabilité des données, l’identification électronique des usagers ou encore l’implémentation de l’Identité Nationale de Santé.
L’interopérabilité de votre solution n’est dès lors pas à négliger et doit être envisagée dès les premiers instants de la conception afin de vous assurer de la prise en compte rapide des différents critères du référentiel.
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Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de vingt-cinq ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit et notamment en matière de e-santé.
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