« X » sous pression : la justice contre la désinformation numérique

« X » sous pression : la justice contre la désinformation numérique
⏱ Lecture 4 min

Par Haas Avocats

Récemment, les juridictions de certains États ont renforcé leur réaction face aux plateformes numériques en matière de diffusion de désinformation et de contenus illicites.

C’est le cas de la France qui a récemment mis en examen Pavel DUROV, PDG de TELEGRAM sur la base de 12 chefs d’accusation dont la complicité pour certains actes illicites commis au travers de son application.

De l’autre côté de l’Atlantique, le Brésil avait déjà bloqué TELEGRAM, en 2022 pour ne pas avoir respecté les décisions de la justice[i].

En bloquant une nouvelle fois la plateforme "X" (anciennement Twitter), les juridictions brésiliennes soulèvent des questions juridiques complexes qui méritent une attention particulière, tant au niveau national qu'international.

Quels sont les faits essentiels à retenir ?

  • 02/04/2024 : Une enquête a été initiée à la suite de menaces dirigées contre des enquêteurs fédéraux ayant travaillé sur des affaires liées aux milices numériques.

    Ces menaces ont été diffusées sur les réseaux sociaux, où "X" a été utilisé pour exposer les données personnelles des policiers et de leurs familles.

  • 12/08/2024 : En réponse, une décision judiciaire a ordonné le blocage des profils impliqués.

    Cette décision a été ignorée entraînant une amende et la notification du représentant légal de "X".

  • 17/08/2024 : Face à ces mesures, Elon Musk, actionnaire majoritaire, a annoncé la fin des opérations commerciales de "X" au Brésil. 

  • 18/08/2024 : Le juge Alexandre de MORAES de la Haute Cour de Justice a ordonné le gel des comptes bancaires de la société Starlink en raison de son refus de se conformer aux décisions judiciaires.
  • 28/08/2024 : Un nouveau représentant légal a été exigé par la Justice sous peine de suspension des activités de "X" au Brésil.
  • 30/08/2024 : Le 30 août, l'ordre de suspension des opérations de "X Brasil Internet LTDA" a été prononcé et publié sur le réseau X.

Dans le prolongement de l’ordre de suspension, Apple et Google ont été sommées de retirer l'application "X" de leurs magasins d’applications. Les fournisseurs d'accès à Internet et de services mobiles ont quant à eux reçu l'ordre de mettre en place des obstacles techniques pour empêcher l'utilisation de l'application.

Le gel des comptes des actifs financiers brésiliens de Starlink a également été ordonné afin de l'obliger à couvrir les amendes de "X" (les deux sociétés faisant partie du même groupe économique[ii]).

Enfin, une amende journalière de $[iii] 50 000 a été imposée à tous ceux qui, sur le territoire brésilien, continueraient d'accéder à la plateforme "X", même via des technologies telles que les VPN.

Ce cas soulève plusieurs questions juridiques, à la lumière du droit français et européen, notamment concernant les limites de l'ingérence des plateformes numériques.

Quelles sont les obligations de "X" en tant que plateforme ?

En décembre 2023, une enquête vis-à-vis de la plateforme X a été engagée par la Commission Européenne pour des violations du Règlement sur les services numériques (DSA).

L'enquête se poursuit sur deux points majeurs : la diffusion de contenus illégaux et les efforts insuffisants contre la manipulation de l'information.

La législation européenne exige des plateformes qu'elles mettent en place un système de signalement des contenus illicites[iv] et qu'elles retirent rapidement toute publication[v].

En réalité, pour bénéficier de l'exemption de responsabilité, les hébergeurs doivent, dès qu'ils ont une connaissance effective d'une activité ou d'un contenu illicite, agir promptement pour retirer ce contenu ou en rendre l'accès impossible.

Comme au Brésil, Elon Musk dénonce la censure[vi], promettant de livrer bataille sur le terrain judiciaire.

Cependant, au Brésil, la raison directe de la suspension de la plateforme n’était pas le non-respect de l’ordre judiciaire de retrait de contenu, mais l’absence de représentant légal pour être notifié de cette décision.

Alors qu'au Brésil, la désignation d'un représentant légal pour les plateformes internet telles que X est complexe[vii], en Europe, cette obligation est clairement définie.

Les fournisseurs de services numériques, tels que X, sont tenus de désigner un point de contact unique afin de faciliter la communication avec les autorités des États membres, la Commission, ainsi qu'avec les destinataires du service[viii].

Ces points de contact doivent être facilement identifiables et accessibles, avec des informations régulièrement mises à jour.

Les fournisseurs qui n'ont pas d'établissement au sein de l'UE sont également obligés de désigner un représentant légal dans un État membre pour répondre aux autorités compétentes.

Étant donné que X a son siège en Irlande, le DSA prévoit, parmi les mesures les plus contraignantes, la possibilité pour la Commission de saisir un juge dans ce pays afin d'ordonner une restriction temporaire du service jusqu'à la cessation des infractions[ix].

En outre, le DSA prévoit des amendes pouvant atteindre 6 % de son chiffre d'affaires mondial[x].

La représentation légale dans l’optique de la protection des données personnelles

Lorsqu'une entité, bien que non établie sur le territoire européen, traite des données personnelles de résidents européens, elle doit se conformer à des exigences spécifiques.

Parmi celles-ci figure la désignation d'un représentant[xi] au sein de l'Union européenne, garantissant ainsi une liaison directe avec les autorités de protection des données locales et les personnes concernées, ces dernières étant des personnes physiques dont les données à caractère personnel font l'objet d'un traitement.

Ainsi, comme le prévoit le RGPD, le représentant peut être établi dans l'un des États membres de l’Union européenne où se trouvent les personnes concernées.

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données ou dans l’implémentation ou la mise à jour de leur procédure d’alerte professionnelle. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.

[i] Telegram bloqué au Brésil, nouvelle étape dans l’histoire agitée de l’application dans ce pays (lemonde.fr)

[ii] Pour suspendre le gel, en 04 septembre 2024, Starlink accepte finalement de bloquer Twitter au Brésil, à la demande des autorités (bfmtv.com)

[iii] Réal Brésilien

[iv] Article 14 du DSA

[v] Article 5

[vi] Elon Musk, meilleur ennemi du DSA (Les Echos)

[vii] Au Brésil, la loi 12.965 de 2014 est la principale législation régissant les règles applicables aux plateformes numériques, à tel point qu'elle est connue sous le nom de « Cadre des droits civils pour l'internet ». Bien que cette loi s'applique aux sociétés basées à l'étranger (article 11, § 2 du Cadre), elle n'indique pas clairement qu'il est obligatoire d'avoir un représentant légal au Brésil, laissant cette prémisse au Code civil de ce pays. Cependant, un autre projet de loi, très controversé, qui rendrait obligatoire la présence d'un représentant légal, est toujours en discussion.

[viii] Articles 11 et 12 du DSA

[ix] Article 51.3.b

[x] Article 52.3

[xi] Article 27 du RGPD

Haas Avocats

Auteur Haas Avocats

Suivez-nous sur Linkedin