Une marque et une dénomination sociale identiques peuvent-elles cohabiter ?

Une marque et une dénomination sociale identiques peuvent-elles cohabiter ?
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Par Laurent GOUTORBE et Paul BERTUCCI

Deux signes distinctifs identiques, à savoir une marque enregistrée et une dénomination sociale provenant de deux acteurs différents peuvent tout à fait coexister sans entrainer de risque de confusion sur l’origine des produits pour le public si ces mêmes acteurs entretiennent des liens économiques entre eux. 

1. Les faits


La société allemande Gugler GmbH dépose en 2003 la marque de l’Union européenne « Gugler ».

Sept ans plus tard, la société Gugler France introduit une demande en nullité de l’enregistrement de cette marque devant l’OHMI (devenue depuis l’EUIPO) en prétextant que sa dénomination sociale est antérieure à la marque enregistrée et que la coexistence des deux signes serait susceptible d’engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public.

Selon elle, elle serait en droit de faire interdire l’usage de cette marque sur le territoire français sur le fondement de l’article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle et des articles 8 et 53 du Règlement européen sur la marque de l’Union européenne.

2. La solution de la CJUE

Après une demande formée auprès de la division d’annulation de l’EUIPO et l’introduction d’un recours devant le Tribunal de l’Union, le litige se poursuit jusque devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Par un arrêt rendu le 23 avril 2020 (C‑736/18), la CJUE rejette la demande en nullité de la marque au motif que les deux sociétés entretenaient des liens économiques entre elles.

En effet, au jour du dépôt de la marque contestée, des relations commerciales existaient déjà entre Gugler France et Gugler GmbH. De plus, au cours de cette période la société allemande et les fondateurs de la société française avaient constitué ensemble une troisième société, Gugler Europe, qui était titulaire de la marque française « Gugler », concédée par la suite sous licence à la société française.

Mieux encore, Gugler France était le distributeur en France des produits de Gugler GmbH, tandis que cette dernière détenait des parts du capital de la société française.

La CJUE estime donc que le lien économique qui existait entre les deux sociétés à la date du dépôt de la marque s’opposait à l’existence d’un risque de confusion. Ainsi, le fait que des consommateurs puissent croire que les produits ou services en cause proviennent d’entreprises économiquement liées ne constitue par une erreur sur leur origine.

A l’argument invoqué par la société française selon lequel le lien économique devrait exister dans un sens déterminé, allant du titulaire des droits antérieurs, Gugler France, vers celui ayant déposé la marque postérieurement, Gugler GmbH, la CJUE répond que l’existence d’un lien économique ne présuppose aucun ordre particulier entre les entreprises concernées. Au contraire, la CJUE juge que l’existence d’un point de contrôle unique au sein d’un groupe au regard des produits fabriqués par l’un d’entre eux et distribués par un autre, peut suffire à exclure tout risque de confusion quant à l’origine commerciale de ces produits.

Voici un cas rare de conflit intragroupe démontrant la nécessité de mettre en place une gouvernance autour du portefeuille de marques des groupes pour éviter ce type de litige et pour faire en sorte que les marques du groupe soient protégées et défendues efficacement au sein du Groupe plutôt que de faire l’objet de litiges visant à les fragiliser.

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Laurent GOUTORBE

Auteur Laurent GOUTORBE

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