Séisme juridique : La CJUE annule le contrôle sur Illumina/Grail

Séisme juridique : La CJUE annule le contrôle sur Illumina/Grail
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Par Haas Avocats

En septembre 2020, Illumina - géant de l’industrie pharmaceutique - avait annoncé son intention d’acquérir le contrôle exclusif de Grail - société développant des tests sanguins de dépistage précoce du cancer – pour la somme de 8 milliards de dollars.

Pourquoi l’acquisition Illumina/Grail a-t-elle suscité l’attention des régulateurs européens ?

En présence de chiffres en deçà des seuils fixés au niveau européen et aux niveaux nationaux en matière de concentration, Illumina n’avait pas l’obligation de notifier cette acquisition à la Commission européenne et aux autorités de concurrence des États membres.

Pour autant, le 9 mars 2021, l’Autorité de la concurrence française - rejointe par les autorités belges, grecques, islandaises, néerlandaises et norvégiennes – a, sur le fondement de l’article 22 du règlement n°139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004, formulé une demande de renvoi à la Commission aux fins que celle-ci examine cette concentration.

Larticle 22 du règlement de 2004 permet en effet à un ou plusieurs Etats membres d’adresser une « demande de renvoi » à la Commission Européenne aux fins d’inviter celle-ci à examiner une opération de concentration qui ne dépasse pas les seuils fixés à l’article 1er du même règlement, mais qui affecte le commerce entre États membres et menace d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des Etats membres qui en formulent la demande.

Les sociétés Illumina et Grail avaient formé un recours à l’encontre de la décision de la Commission de se saisir du dossier. Le Tribunal de l’Union s’était à cette occasion prononcé sur la légalité du recours à l’article 22 dans de telles conditions.

La Commission Européenne fait-elle une interprétation excessive de l’article 22 ?

Le 31 mars 2021, la Commission européenne avait publié de nouvelles orientations concernant l’application du mécanisme de renvoi prévu à l’article 22.

Les nouvelles orientations de la Commission européenne 

À l’origine, cette disposition avait été conçue pour pallier l’absence de législation nationale de certains États membres sur le contrôle des concentrations. Désormais, tous les États sont dotés de leurs propres mécanismes.

Pourtant, dans ses orientations, la Commission encourage les demandes de renvois formées par tout État membre – même lorsqu’ils ne sont initialement pas compétents pour connaître de l’opération - notamment dans les cas où les entreprises concernées jouent un rôle concurrentiel important malgré un faible chiffre d'affaires.

Selon la Commission, cette révision est particulièrement pertinente pour les secteurs numérique et pharmaceutique, où des entreprises innovantes peuvent avoir un impact concurrentiel significatif sans générer immédiatement des revenus élevés.

La décision du Tribunal de l’Union :

Par un arrêt du 13 juillet 2022, le Tribunal de l’Union a validé le recours à l'article 22 par la Commission européenne.

En ce sens, le Tribunal considère que la concentration faisant l’objet d’une demande de renvoi ne doit pas obligatoirement relever du champ d’application de la réglementation relative au contrôle des concentrations de l’État membre ayant présenté cette demande.

Face à une telle décision, les sociétés Illumina et Grail ont introduit des pourvois devant la Cour de justice de l’Union européenne (la Cour) les 22 et 30 septembre 2022 aux fins d’obtenir son annulation.

Un rappel à l’ordre par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)

Par une décision récente, la CJUE a infirmé la décision du Tribunal et rejoint les conclusions de l’avocat général qui soutient fermement que les États membres ne peuvent pas demander à la Commission d'examiner une concentration s'ils ne sont pas compétents pour la contrôler selon leur droit national.

Il relève à ce titre que cette interprétation de l’article 22 octroierait à la Commission Européenne le pouvoir de contrôler la quasi-totalité des concentrations à travers le monde, indépendamment du chiffre d'affaires, de la présence des entreprises dans l'Union et de la valeur de l'opération.

Une telle interprétation extensive du champ d’application de l'article 22 serait porteuse d’imprévisibilité juridique et entacherait la sécurité juridique des parties concernées.

C’est ainsi que par un arrêt en date du 3 septembre 2024, la CJUE a annulé l’arrêt du Tribunal de l’Union du 13 juillet 2022 ainsi que la décision de la Commission européenne du 19 avril 2021.

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