Par Gérard Haas, Paul Benelli et Ambre Bernat
Les marketplaces séduisent de plus en plus les réseaux de franchise et de distribution qui voient dans ces plateformes de nouveaux canaux de vente.
En effet ces réseaux ont deux choix :
- Laisser leurs membres vendre leurs produits de manière éclatée sur les marketplaces existantes ;
- Ou créer leur propre marketplace réunissant l’ensemble des membres du réseau !
Que ce soit pour regrouper l’ensemble des acteurs du réseau ou comme extension de son propre catalogue, la vente en marketplace présente des possibilités très intéressantes pour les marques.
1. Digitaliser et donc fédérer le réseau
Les réseaux de distribution et de franchise sont souvent composés de point de vente hétérogènes devant s’adapter aux contraintes locales tout en préservant l’image de la marque et ses caractéristiques.
La marketplace permet à tous les acteurs du réseau de se regrouper en un seul site porteur de l’image de la marque tout en exploitant leurs spécificités. Le catalogue est fusionné et simplifié, ce qui améliore considérablement l’expérience client en la fluidifiant.
Les acteurs du réseau sont gagnants car ils profitent d’une visibilité considérable en décuplant le trafic de la plateforme et peuvent s’appuyer sur une stratégie de marque homogène et harmonieuse sans sacrifier leur indépendance. Dans le cas d’un réseau d’entrepreneurs indépendants, le mode opératoire et le design commun n’empêchera pas l’entrepreneur de fixer son prix et ses promotions, gérer son espace vendeur etc, comme il le ferait en magasin. La plateforme offre donc une grande flexibilité et chaque membre peut être associé à la stratégie de vente en ligne sans perdre en cohérence.
Les marques quant à elles, peuvent mieux veiller à la cohérence de leur communication. La plateforme permettra également un meilleur suivi de l’activité et les performances de vente de chaque magasin, produit, ou vendeur. La marketplace devient un outil de suivi et d’analyse pour élaborer et adapter sa stratégie commerciale.
Enfin, le modèle de la marketplace se rapproche énormément de celui des réseaux de franchise physique puisque l’opérateur de plateforme, également tête de réseau, prélève une commission sur les ventes de ses franchisés. L’adaptation contractuelle est donc relativement mineure et ne devrait pas entrainer de négociations trop lourdes.
On retiendra l’exemple de l’enseigne Cash Converters qui a réussi à fédérer et dynamiser son réseau de 120 franchisés sur le marché des produits d’occasion, en lançant une marketplace en 2018.
2. Unifier et étendre son catalogue afin capter des revenus additionnels
Lancer sa marketplace lorsqu’on est une marque permet aussi d’étendre les références de son catalogue.
C’est ainsi qu’LDLC.com, spécialiste de la vente de matériel informatique et high-tech, a ouvert en décembre 2019 sa marketplace. « Aujourd'hui on ouvre une place de marché dans un mode de fonctionnement très spécifique. Il ne s'agit pas d'ouvrir tous nos segments et de devenir un généraliste. Souvent cet outil est utilisé pour s'étendre dans des domaines et des univers qui ne sont pas vendus par le marchand. Nous allons plus nous en servir pour compléter une offre et des catégories de produits, sur lesquelles il n'est pas possible de référencer l'ensemble des articles, de les avoir en stock », a déclaré à ce propos Olivier de la Clergerie, Directeur général du Groupe LDLC.
L’intégration de nouvelles références permet en effet d’accroître le trafic et de multiplier les occasions d’achat en réalisant un investissement réduit comme on pu l’expérimenter Ixina ou Cash Converters. Cela génère un revenu complémentaire sans réellement lancer une nouvelle activité. Surtout, cela fidélise le client qui trouve au même endroit tout ce dont il a besoin…
En 2018, le groupe Keria qui regroupe les enseignes de Keria Luminaires, Laurie Lumière, Tousalon, Place de la Literie et Monteleone le linge de maison, lance sa marketplace de luminaires puis d’ameublement dans l’espoir de réaliser à terme 10% de ses ventes en ligne. « Il s’agit de toucher de nouveaux clients, que notre réseau physique ne capte pas. En aucun cas le digital n’est, dans notre vision, l’ennemi du magasin », précise Antoine Tassigny, directeur général du pôle mobilier de Keria Groupe.
3. Harmoniser la stratégie de marque pour mieux la protéger
Digitaliser un réseau de distribution ou de franchise par l’intermédiaire d’une marketplace ou d’une plateforme en ligne pourra aussi permettre de mieux gérer ses marques et de limiter les risques de contrefaçon.
En effet si un distributeur sélectif peut en principe interdire la revente de ses produits sur des marketplaces, ce droit est strictement encadré (voir par ailleurs l’arrêt « Coty » de la CJUE concernant Amazon : https://www.haas-avocats.com/ecommerce/ecommerce-interdire-la-revente-de-produits-de-luxe-sur-amazon-cest-possible/).
4. Centraliser et donc valoriser les traitements de données
Un des avantages induits par la création d’une marketplace unique pour un réseau de distribution est bien entendu, en digitalisant son réseau, de fusionner l’ensemble des traitements de données réalisés sur les clients de ce réseau.
Ainsi, la tête du réseau peut plus facilement se conformer au RGPD, harmoniser les pratiques de ses sous-traitants et in fine mieux valoriser ces données.
5. Par où commencer ?
Dans le cas d’une plateforme regroupant les membres d’un réseau de franchise ou de distribution, plusieurs relations contractuelles sont à envisager.
Au-delà de son obligation de respecter un cadre légal toujours plus dense en la matière (voir nos articles sur les obligations légales et le cadre juridique des marketplaces ), l’opérateur de plateforme devra se doter d’une architecture contractuelle cohérente :
- Il faudra déjà mettre à jour ou renégocier les contrats de licence/de franchise avec les acteurs de votre réseau afin d’y intégrer la mise à disposition de la plateforme ainsi que l’intégration du partenaire et d’en définir les modalités. Cette mise à jour devra intégrer l’ensemble des nouvelles obligations induites par l’entrée en vigueur prochaine du Règlement Européen « Platform to Business » (P2B) et de la jurisprudence française ayant condamné Amazon au paiement d’une amende de 4 millions d’Euros pour déséquilibre significatif.
- Il doit par ailleurs prévoir des conditions générales d’utilisation (CGU) et des mentions légales adaptées à la structure du réseau et une politique de confidentialité et de gestion des cookies conforme à la législation (Loi informatique et libertés et RGDP) et aux recommandations de la CNIL.
- Les ventes opérées sur la plateforme devront évidemment s’inscrire dans le cadre de conditions générales de vente (CGV) qui pourront, au choix de l’opérateur :
- être uniques pour toutes les ventes de la plateforme,
- combiner des conditions générales fournies par la plateforme et des conditions générales de vente spécifiques à chaque vendeur partenaire du réseau
- être fournies par chaque vendeur partenaire.
Enfin, il faudra envisager la question du paiement en ligne. L’opérateur de plateforme ayant vocation à encaisser le montant des ventes avant de le reverser aux vendeurs, il lui faudra mettre en conformité les flux financiers transitant par sa plateforme (voir notre article sur le sujet : https://www.haas-avocats.com/e-commerce/comment-gerer-les-flux-financiers-sur-marketplace/). A cet effet il devra envisager l’obtention d’un agrément ou d’une exemption bancaire, obligatoires pour ce type d’activités. Il lui est également possible de passer par les services d’un prestataire de services de paiement (PSP) qui sera autorisé à gérer les flux de paiement conformément à la réglementation en vigueur.
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