Par Haas Avocats
Boom ! La CNIL a constaté que le service de messagerie électronique « Mail Orange » affichait des annonces publicitaires sous forme de courriels dans les boîtes de réception des utilisateurs, ce qui nécessite leur consentement préalable[1].
Elle a, par ailleurs, relevé que, sur le site orange.fr, le retrait du consentement au dépôt et à la lecture de cookies n’empêchait pas l’utilisation des cookies déjà déposés, en violation la loi Informatique et Libertés (LIL)[2].
Ces deux manquements ont conduit à une sanction lourde, très lourde : 50 millions d’euros avec injonction de stopper la lecture des cookies en cas de retrait de consentement de la personne concernée avec une astreinte fixée à 100 000 euros par jour de retard[3].
Représentation de l’affichage publicitaire
Concrètement l’ « intrusion publicitaire » pouvait se traduire de la manière suivante :
Force est de constater que les affichages publicitaires étaient assez intrusifs sur l’espace utilisateur.
Les boîtes de réception de mail sont souvent considérées comme des espaces privés, où les utilisateurs gèrent des communications personnelles et professionnelles. L’introduction de publicités sans le consentement de l’utilisateur dans cet espace pourrait être perçue comme une violation de cette sphère.
En effet, contrairement aux autres publicités présentes sur les pages web ou dans des applications gratuites, les courriels relèvent d’un contenu attendu et souvent prioritaire pour les utilisateurs.
Ainsi, en insérant des publicités sans consentement, Orange brouille quelque peu la frontière entre contenu choisi et intrusion commerciale.
Fondements de l’irrégularité de l’affichage publicitaire
Pour caractériser cette irrégularité, la CNIL se fonde sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)[4] qui a considéré que ces « affichages » constituaient de la prospection directe par courrier électronique et nécessitaient donc le recueil du consentement préalable des personnes concernées[5].
Point important : Depuis novembre 2023, le format de publicité mis en œuvre par Orange permet désormais de distinguer clairement les annonces des véritables courriels.
Ce changement n’est peut-être pas justifié uniquement pour des raisons juridiques… En effet, les publicités peuvent perturber l’expérience utilisateur, et leur placement de cette manière au sein de la boîte de réception peut parfois entraîner de la confusion et un sentiment de frustration chez les personnes concernées. Frustration qui, à terme, pourra se traduire par une migration des utilisateurs vers des solutions alternatives.
Des cookies imposés
Il a été constaté par la CNIL que les cookies acceptés par un utilisateur (donc des cookies déposés avec le consentement de l’utilisateur) étaient maintenus sur le terminal de l’utilisateur même si l’utilisateur choisissait de retirer son consentement.
Cette activité est en totale contradiction avec les dispositions de la LIL[6] car le principe du consentement repose sur la possibilité pour les personnes concernées de contrôler leurs données personnelles. Cela inclut non seulement le droit de donner leur consentement, mais aussi celui de le retirer à tout moment. Le fait de nier ce droit renforce l’idée que le retrait du consentement n’est qu’illusoire, sapant la confiance des personnes concernées dans les mécanismes de protection de leur vie privée.
L’affichage intrusif de publicités dans les boîtes de réception, ainsi que la lecture persistante de cookies après le retrait du consentement, révèlent une déconnexion entre les attentes des utilisateurs et les pratiques des entreprises. La lourde sanction de 50 millions d’euros infligée par la CNIL, assortie d’une astreinte quotidienne, envoie un message clair : les droits des personnes concernées ne peuvent être négligés au profit de stratégies commerciales ou techniques.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.
[1] Article L. 34-5 du CPCE
[2] Article 82 de la LIL
[3] Délibération SAN-2024-019 du 14 novembre 2024
[4] CJUE – 25/11/2021
[5] Article L. 34-5 du CPCE
[6] Article 82 de la LIL