Par Haas Avocats
L'évolution des pratiques de consommation et la dématérialisation des services ont transformé la gestion de la fidélité dans le secteur du commerce.Désormais, le client n’est plus seulement détenteur d’une carte en plastique, mais utilisateur d’applications capables de concentrer et d’optimiser ses avantages à travers plusieurs enseignes.
Dans ce contexte, la récente intervention de la CNIL apporte une clarification sur la portée du droit à la portabilité des données, pour répondre aux enjeux pratiques soulevés par l’essor des plateformes qui centralisent et gèrent les codes-barres et informations de fidélité.
Évolution du retail : la dématérialisation de la fidélité client et l’essor des wallets
Si, d’un point de vue RGPD, il est, en théorie, possible pour le consommateur de récupérer toutes les données collectées par les enseignes de la distribution, en qualité de responsable de traitement, la réalité est toute autre. Ces dernières ne sont souvent pas en mesure de proposer une reprise ou un import de l’historique de fidélité lors d’un changement de programme.
La portabilité des droits acquis n’a pas encore d’existence opérationnelle dans le retail, contrairement à ce qu’on observe dans d’autres secteurs comme la téléphonie ou la banque.
En lieu et place, la tendance est à l’agrégation des accès. On observe ainsi que les consommateurs utilisent de plus en plus des applications centralisant l’ensemble des cartes de fidélité et facilitant leur gestion dans les différentes enseignes.
Des applications comme Fidme ou Fidall permettent notamment de regrouper des cartes de fidélité et coupons, de gérer les cagnottes et de synchroniser les alertes concernant le montant cagnotté ou l’existence d’une promotion.
Par ailleurs, les wallets natifs (Apple Wallet et Google Wallet) intègrent également cette fonction de stockage de carte, à condition que les commerçants en acceptent la dématérialisation.
Ces plateformes apportent aux clients une centralisation, visualisation, et utilisation simplifiée de leurs avantages fidélité.
Portabilité des données de fidélité : les précisions apportées par la CNIL
La position de la CNIL publiée le 14 octobre 2025[1], sur demande des acteurs du retail, apporte un éclairage sur la gestion des données de fidélité lorsqu’un client ou un organisme mandaté exerce son droit à la portabilité[2].
Face à la généralisation des wallets mobiles et des applications précédemment citées, la CNIL clarifie les droits du titulaire de programme de fidélité : il peut exiger la portabilité :
- Des codes-barres des produits achetés auprès de l’enseigne permettant d’identifier le titulaire lorsqu’ils sont associés aux informations d’identification tels que le nom, le courriel ou le numéro de fidélité ;
- Du montant des promotions attachées à ses achats défini comme la « différence, en euros, entre le prix initial du produit et son prix après promotion ».
Ce droit trouve une application très concrète : il entraîne l’obligation pour l’enseigne, à la demande de la personne concernée, de communiquer ou permettre le transfert de ces informations dans un format structuré et exploitable.
Une limite posée par la CNIL : la protection des algorithmes de fidélisation
Si l’avancée est notable, la CNIL pose une borne : la portabilité ne s’étend pas à la méthode de calcul des promotions. L’algorithme générant une offre personnalisée ou une promotion ciblée n’est pas assimilable à une donnée personnelle et reste donc hors du champ de la portabilité.
Cette restriction protège la propriété intellectuelle et l’avantage concurrentiel des enseignes, tout en assurant que les données à caractère personnel des clients leur soient toujours accessibles.
En définitive, la position de la CNIL permet de conforter les pratiques des gestionnaires de codes-barres et des plateformes d’agrégation de cartes de fidélité en favorisant :
- La transparence des avantages, remises et conditions de la fidélisation ;
- L’autonomie du consommateur dans la gestion et la valorisation de ses programmes ;
- La facilité d’usage grâce à des outils interopérables.
La portabilité de ces données accompagne ainsi une nouvelle pratique : la fidélité devient mobile, centralisée et maîtrisée, au rythme des usages numériques et des exigences réglementaires.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne les acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.
[1] www.cnil.fr/fr/programmes-de-fidelite-la-cnil-precise-lapplication-du-droit-la-portabilite-des-donnees
[2] Article 20 du RGPD