Par Haas Avocats
En s’imposant au cours de ces dernières années dans le paysage social et économique européen, les plateformes numériques de travail doivent, à l’instar de tout employeur européen, garantir les droits sociaux essentiels des travailleurs.
Néanmoins, le statut de ces travailleurs « indépendants » ne correspond pas toujours à la réalité de leurs conditions de travail, notamment au regard du degré de contrôle et de surveillance effectivement exercé par ces plateformes.
Cette qualification est ainsi régulièrement débattue devant les juridictions nationales et européennes.
Au niveau de l’Union européenne, la Commission européenne avait déjà établi, dès 2017, un socle social commun, avec pour objectif d’améliorer les conditions de vie et de travail des citoyens européens. A cet égard, « indépendamment du type et de la durée de la relation de travail, les travailleurs ont droit à un traitement égal et équitable concernant les conditions de travail et l’accès à la protection sociale ».
Dans le contexte d’un marché du travail en pleine transition numérique, le législateur a ainsi dû s’adapter à cette nouvelle réalité économique et sociale.
Le 23 avril 2024, la proposition de directive visant à améliorer les conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme a ainsi été adoptée provisoirement par le Parlement européen.
En attendant son adoption définitive par le Conseil de l’Union européenne, il convient de préciser les principales mesures qui pourraient bouleverser l’organisation de travail actuellement plébiscitée par les plateformes numériques.
Une présomption légale d’emploi
Pour garantir les droits des personnes exécutant un travail via une plateforme, il convient de vérifier leur statut professionnel, et de s’assurer de sa réelle qualification.
La mesure phare de cette proposition de directive est l’établissement d’une présomption de relation de travail. En ce sens, « la relation contractuelle entre une plateforme de travail numérique et une personne exécutant un travail en passant par cette plateforme est légalement présumée être une relation de travail lorsque des faits témoignant d’un contrôle et d’une direction (…) sont constatés »[1].
Désormais, lorsque ces critères seront remplis, la plateforme sera juridiquement présumée être un employeur, et le travailleur un salarié, bénéficiant ainsi de l’ensemble des droits sociaux attachés à ce statut[2].
Toutes les plateformes de travail numériques organisant un travail exécuté dans l’Union sont visées, quel que soit leur lieu d’établissement ou le droit applicable[3].
En outre, que la relation contractuelle avec la plateforme soit directe ou indirecte, l’ensemble des travailleurs, amenés à exécuter un travail via une plateforme, sont concernés.
Cependant, s’agissant d’une présomption réfragable, les plateformes pourront toujours tenter de renverser la présomption en démontrant l’absence factuelle d’une telle relation de travail et en apportant les preuves afférentes.
La limitation de la gestion algorithmique des travailleurs
La proposition de directive porte également sur le volet de la protection des données personnelles des travailleurs, et notamment sur l’encadrement de la question de la gestion algorithmique de la supervision des travailleurs.
A cet égard, il est précisé que les plateformes doivent désormais, non seulement garantir le contrôle humain des décisions prises par des systèmes automatisés ou semi-automatisés de surveillance, mais également s’assurer que ces algorithmes n’ont pas accès et ne collectent pas les données personnelles des travailleurs n’étant pas directement liées à leur travail[4], et particulièrement leurs données sensibles[5].
La transparence du travail exercé par l’intermédiaire d’une plateforme
Enfin, le dernier axe de cette proposition de directive consiste à assurer la transparence des modalités de travail mises en place par la plateforme, en l’obligeant à déclarer aux autorités compétentes le travail effectivement exécuté par son intermédiaire. L’objectif étant d’appliquer les conventions collectives du secteur d’activité en cause dès que les conditions sont remplies.
Il est toutefois précisé que cette directive devra être transposée par les Etats membres pour entrer en vigueur à l’échelle nationale. Pour cela, l’Etat français disposera de deux ans pour se mettre en conformité avec ce nouveau texte une fois entré en vigueur.
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[1] Article 5§1 de la Proposition de directive du 8 mars 2024
[2] Droit à un salaire minimum, droit à la négociation collective, droit aux congés payés…
[3] Article 1§3 de la Proposition de directive du 8 mars 2024
[4] Article 7 de la Proposition de directive du 8 mars 2024
[5] Telles que celles qui révèlent l’état émotionnel ou psychologique du travailleur, son origine raciale ou encore ses convictions religieuses