Par Haas Avocats
Les auteurs de l’ADAMI[1], à la suite du festival de Cannes, ont déposé une tribune[2] visant à obtenir une rémunération évoluant en fonction du succès des œuvres diffusées en streaming.
En effet, le développement du streaming (processus de diffusion de contenu sur le modèle hertzien) soulève de nombreuses questions quant au respect des droits de propriété intellectuelle.
Au niveau européen, de nombreuses directives ont été mises en place dans le but d’encadrer le streaming, notamment la directive SMAD ainsi que la directive du 17 avril 2019 concernant le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique qui vise à imposer une rémunération supplémentaire concernant l’intéressement au succès. Ces efforts législatifs européens montrent la volonté d’uniformiser les réglementations pour une meilleure protection des acteurs de la culture.
Si aujourd’hui, la question de l’intéressement au succès nous intéresse, c’est en raison des demandes des artistes interprètes qui voient leurs droits lésés par les plateformes de streaming.
La rémunération de l’artistes interprète
Si le streaming soulève de nombreuses problématiques, la question de la rémunération des artistes interprètes est centrale. Il s’agira donc de présenter les règles relatives à cette rémunération. La rémunération de l’artiste interprète se compose d’un salaire[3] d’une part et de redevances ou royalties d’autre part. Si la question du salaire est soumise au code du travail, celle des redevances est soumise aux dispositions du code de la propriété intellectuelle.
Les royalties ou redevances résultent de la cession des droits patrimoniaux de l'artiste. Ainsi, celui-ci peut choisir de céder individuellement ou l'ensemble de ses droits patrimoniaux. Cette cession lui accordera des redevances dès lors qu'une utilisation de son œuvre sera réalisée.
Avec l’apparition du streaming, il a été nécessaire de revoir les contrats de cession de droits afin de prévoir de nouveaux modes de diffusion. Cette augmentation des modes de diffusion a également permis une meilleure visibilité des œuvres, ce qui, de facto, aurait dû mener à une augmentation des royalties dans les contrats de cession.
L'Adoption d'une rémunération proportionnelle au succès
Pour les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins, le développement des modes de communication et de diffusion a entraîné une meilleure visibilité des œuvres. Cependant, cette nouvelle visibilité n’a été prise en compte que tardivement par le législateur. La directive du 17 avril 2019[4], transposée par l’ordonnance du 12 mai 2021 sur le droit d’auteur et les droits voisins, a imposé l’établissement d’une rémunération appropriée et proportionnelle. Cette disposition oblige donc les organismes de gestion collective à veiller à mettre en place, avec les plateformes, une rémunération évoluant en fonction du succès rencontré par l’œuvre.
Bien que cette directive ait été transposée et incorporée au Code de la propriété intellectuelle [5] par l’ordonnance du 12 mai 2021[6],, la lettre ouverte de l’ADAMI montre que les artistes n’ont toujours pas obtenu gain de cause. Les organismes de gestion collective, chargés de défendre les droits de leurs auteurs, n’ont toujours pas élaboré d’accord visant à soumettre les plateformes aux dispositions de la directive.
L’Intéressement au succès : Une application restreinte au secteur musical
Douze mois après la transposition de l’accord, l’ADAMI a obtenu la consécration d’un accord offrant une garantie de rémunération minimale[7], mais celui-ci s’intéressait principalement aux relations entre l’artiste et le producteur de phonogrammes. Le communiqué de presse de l’ADAMI en date du 13 mai 2022 prévoyait la mise en place d’un « taux bonus », augmentant le taux de redevance en fonction du nombre de "streams". Cette rémunération, prévue par les organismes de gestion collective, prenait en compte l’intéressement au succès des titres en streaming. Bien que cet accord ait été considéré comme historique par l’ADAMI, il ne semble concerner que le secteur musical et non le streaming audiovisuel. Bien que cet accord soit historique pour les artistes, il comporte des risques de dérives. En effet, la possibilité d'acheter des "streams" et des abonnés pourrait désavantager les plateformes de streaming.
La grève des scénaristes américains, débutée en mai 2023, s’est achevée après cinq mois de négociations. Ces négociations ont abouti à l'instauration d'une rémunération complémentaire pour les acteurs dont les films diffusés en streaming ont rencontré un succès notable. Cette prime suppose une certaine transparence des plateformes quant à leurs chiffres d’audience.
Si les sociétés de production cinématographique américaines se sont saisies du problème, les sociétés de gestion collective et de production cinématographique françaises ne semblent pas s’en être intéressées. Ne pas prendre en compte aujourd’hui l’intéressement au succès met à mal le respect des droits de propriété intellectuelle des artistes interprètes. À terme, cela pourrait rendre les plateformes moins attractives pour la diffusion des œuvres. Il incombe donc aux organismes de gestion collective et aux producteurs de vidéogrammes de mettre en place une rémunération en fonction du succès sur les plateformes de streaming.
***
Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 25 ans en matière de droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit, notamment en matière de droit d’auteur. Si vous souhaitez avoir plus d’informations au regard de la réglementation en vigueur, n’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter. Contactez-nous ici.
[1] Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes.
[2] Tribune des artistes pour une juste rémunération sur le streaming audiovisuel
[3] Article L7121-4 du Code du Travail.
[4] Directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.
[5] Article L212-3 du Code de Propriété Intellectuelle.
[6] Ordonnance n°2021-580 du 12 mai 2021