Par Eve Renaud-Chouraqui et Lucie Brecheteau
Dans sa décision du 20 octobre 2020[1], la Cour de cassation a validé la condamnation d’une société pharmaceutique et de son président-directeur général pour avoir commercialisé sur le marché de l’Union européenne d’une part, un produit cosmétique portant des allégations trompeuses, et d’autre part, un complément alimentaire portant une allégation non autorisée.
A l'occasion d’un contrôle effectué par les services de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), des infractions ont été relevées concernant un produit cosmétique et un complément alimentaire commercialisés par ladite société pharmaceutique.
S’agissant du produit cosmétique, la crème multi-protectrice, ladite société était poursuivie pour avoir commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur[2].
En effet, la présentation de l’emballage et la notice du produit cosmétique étaient de nature à créer une confusion avec un médicament.
S’agissant du complément alimentaire, la société pharmaceutique était poursuivie pour avoir inséré sur l’étiquetage et la notice du produit l’allégation de santé non autorisée « Captez 50% des matières grasses ».
En première instance, les juges avaient relaxé la société pharmaceutique de l’ensemble de ces chefs d’accusation.
Toutefois après avoir relevé appel de cette décision, le ministère public a obtenu la condamnation de ladite société à deux égards :
La société condamnée a alors formé un pourvoi en cassation.
Pour sa défense, la prévenue arguait notamment le fait qu’au regard des dispositions issues du règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques[3], seul le fabricant du produit cosmétique peut être tenu responsable de sa conformité et des éventuelles allégations erronées ou trompeuses sur les qualités du produit.
En l’espèce, la société pharmaceutique ne faisant que distribuer la crème multi-protectrice fabriquée par le laboratoire monégasque, elle ne devait en aucun cas être tenue pour responsable desdites allégations trompeuses.
En outre, la prévenue expliquait que le complément alimentaire était commercialisé par une autre société établie à Bruxelles, qui, selon elle, était l'exploitant du secteur alimentaire responsable des allégations concernant le produit.
Pour autant dans son raisonnement, la cour d’appel s’était limitée à qualifier la société pharmaceutique d’importateur pour la déclarer responsable d'une allégation de santé non autorisée figurant sur le complément alimentaire. Toutefois, elle ne s’était pas prononcée sur la qualité d’exploitant du secteur alimentaire, et n’avait pas déterminé la personne ayant cette qualité et devant répondre des allégations figurant sur le produit.
C’est dans ce contexte riche d’enjeux, se situant au prisme du droit de la consommation et du droit européen, que la Haute Cour a statué sur la validité de la condamnation d’une société pharmaceutique et de son président-directeur général.
Dans sa décision, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, qui a retenu la responsabilité de la société pharmaceutique dans la commission des faits de pratique commerciale trompeuse.
En effet comme le rappelle la Haute Cour, le cœur du débat résidait, non pas dans la prévention de la non-conformité du produit cosmétique telle qu’encadrée par le règlement européen du 30 novembre 2009, mais bien dans la prévention des allégations trompeuses figurant sur l’emballage et la notice de la crème multi-protectrice. En effet, bien que présentée comme un produit cosmétique, ladite crème intégrait des allégations thérapeutiques qui laissaient à penser qu’il s’agissait d’un traitement de pathologies liées au diabète.
L’existence d’une pratique commerciale trompeuse était donc indéniable : ces allégations étaient de nature à induire le consommateur en erreur quant aux caractéristiques essentielles du produit commercialisé[4].
Une fois la pratique commerciale trompeuse établie, l’identification de son responsable s’avérait irrévocable : la société pharmaceutique pouvait voir sa responsabilité pénale engagée dès lors que la pratique a été mise en œuvre pour son compte, ou du moins, elle était appelée « à profiter in fine de l’erreur induite et à bénéficier des engagements qui pourraient être souscrits par suite de la tromperie ».
Le cœur de l’argumentation de la Cour de cassation résidait dans la notion d’« importateur ».
Comme précisé par les juges du second degré, la société pharmaceutique a commercialisé le complément alimentaire comportant l’allégation « Captez 50% des matières grasses » après s’être approvisionnée auprès d’une société monégasque.
La prévenue intervenait donc en qualité d’« importateur », caractérisé par la Haute Cour comme « le premier opérateur dans la chaîne de commercialisation à tout moment ». Une telle qualité permettait de déclarer la société pharmaceutique responsable de l’allégation de santé litigieuse.
En outre, la Cour de cassation achève son raisonnement en engageant la responsabilité du président-directeur général de la société pharmaceutique, qui aurait normalement dû procéder à la vérification des allégations de santé préalablement à la commercialisation du produit pharmaceutique[5].
Suite à cette décision, l’industrie pharmaceutique doit faire preuve d’une vigilance particulière : la responsabilité d’un acteur de ce secteur peut désormais être aisément engagée au regard d’éventuelles allégations trompeuses ou non autorisées figurant sur le produit pharmaceutique commercialisé.
Il est vivement recommandé à toute société fabricant ou distribuant des produits comportant des mentions mettant en avant certaines qualités ou propriétés spécifiques de s’assurer de leur conformité au droit applicable afin d’éviter toute difficulté ultérieure.
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[1] Cass. crim. nº19-81.207, 20 oct. 2020
[2] Article L. 121-2, 2°, du code de la consommation
[3] Règlement (CE) n°1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques
[4] Article L. 121-2, 2° b), du code de la consommation
[5] En ce sens : articles L. 214-2 et R. 214-2 du code de la consommation