Levée d’anonymat des dons de gamètes : avancées et enjeux

Levée d’anonymat des dons de gamètes : avancées et enjeux
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Par Charlotte Paillet et Théophile Tsimaratos

Dans la saga de l’évolution des lois bioéthiques, c’est cette fois ci la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes qui est abordée[1].

En effet, de nombreux enfants conçus dans le cadre de Procréation Médicalement Assistée (PMA), faisaient connaître depuis de nombreuses années leur mal-être face aux difficultés à établir leurs origines.

C’est désormais possible depuis le 1er septembre 2022, les enfants qui naîtront de Procréation Médicalement Assistée (PMA) par un don de gamètes pourront solliciter la levée de l’anonymat du donneur à leur majorité. Le décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 est venu préciser les contours de cette levée d’anonymat, laquelle a dû être pensée pour assurer la mise en balance des intérêts des enfants à connaître leurs origines et des donneurs à préserver leur anonymat initial.

Révolutionnaire donc mais également source de nouveaux questionnements.

Quelle gestion de la levée d’anonymat des donneurs de gamètes avant et après le 1er septembre 2022 ?

Désormais, toute personne qui souhaite donner des gamètes a l’obligation de communiquer ses données personnelles[2] qui permettront de l’identifier de manière directe. Ces informations seront transmises à l’enfant dès sa majorité, s’il en fait la demande.

De fait, tout donneur qui refuserait de donner son consentement pour une telle transmission serait écarté du processus de don.

Toutefois, cette obligation n’est évidemment pas rétroactive et les personnes ayant fait don de gamètes avant le 1er septembre 2022 ne sont pas concernées par cette obligation et leur anonymat pourra être préservé.

Afin néanmoins de ne pas évincer totalement les jeunes adultes actuels en quête de réponses, le législateur a prévu la possibilité pour les donneurs antérieurs au 1er septembre 2022, de se manifester pour revenir sur leur décision d’anonymat, et ainsi permettre à l’enfant né de leur don de connaitre leur identité. En effet, il prévoit également que l’enfant puisse saisir la Commission mise en place par le ministère de la Santé pour tenter de faire revenir le donneur sur sa décision.

Or, au-delà d’un aspect purement éthique, cette nouvelle gestion des consentements va également avoir des enjeux sur le plan de la protection des données personnelles des donneurs.

Quels enjeux pour l’Agence de la biomédecine au regard de la protection des données personnelles ?

Qu’il s’agisse du consentement à donner pour les dons opérés après le 1er septembre 2022 ou pour ceux survenus avant cette date, il est indispensable de bien informer le donneur car sa décision sera irrévocable et impliquera inévitablement une communication sur demande à toutes les personnes nées de ce don.

La collecte des informations du donneur de gamètes prend la forme d'un traitement de données personnelles 

En outre, la collecte et la transmission des informations devenues obligatoires[3] prennent la forme d’un traitement de données personnelles tel que défini par le RGPD[4], dont le responsable de traitement est l’Agence de la biomédecine qui doit veiller à la sécurité, la confidentialité, l’intégrité et l’accès facilité aux données.

Cette autorité administrative indépendante, qui intervient dans les domaines de la procréation médicalement assistée et du don d’organes, aura la charge de la tenue d’un « Registre des dons de gamètes et d’embryons »[5].

Ce traitement de données personnelles aura pour base légale l’exécution d’une mission de service public, et obéira à plusieurs finalités :

  • permettre aux personnes nées d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d'accéder, à leur majorité et si elles le souhaitent, à l'identité des tiers donneurs,
  • établir des statistiques sous forme anonyme sur l'activité de l'agence et sur la mise en œuvre de la législation relative à l'assistance médicale à la procréation.

Ce traitement obéit aux principes du RGPD, et doit donc garantir les droits des personnes concernées par le traitement à savoir les donneurs de gamètes.

Ces derniers devront donc recevoir des informations précises[6] sur le traitement opéré sur leurs données, mais pourront aussi exercer certains droits garantis par le RGPD :

  • Leur droit d’accès[7] sur les informations transmises 
  • Leur droit à la rectification[8] des données et ainsi actualiser les données erronées.

Les limites de la protection de ces données à caractère personnel

En revanche, et il s’agit là d’un cas particulier, la personne concernée ne pourra invoquer son droit à l’effacement, à la limitation et à l’opposition du traitement puisque ce dernier ne repose pas sur le consentement des donneurs mais bien sur l’exécution d’une mission de service public par l’Agence de Biomédecine.    

Ainsi, les avancées sociétales de la levée d’anonymat dans le cadre des dons de gamètes n’échappent pas aux enjeux de la protection des données à caractère personnel qui vient permettre en l’espèce d’assurer un juste équilibre de tous les intérêts en balance.

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[1] Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique

[2] Age du donneur au moment du don, état général physique et psychologique, poids, couleur des yeux, situation familiale au moment du don, pays de naissance

[3] Article L2143-2 du Code de la Santé Publique issu de la Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique

[4] Règlement (UE 2016/679) du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 sur le traitement et la protection des données à caractère personnel

[5] Article 3 Section 5 Décret n° 2022-1187 du 25 août 2022 ; https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/brochure_pds_registre_des_donneurs_011221.pdf

[6] Article 13 RGPD

[7] Article 15 RGPD

[8] Article 16 RGPD

 

Charlotte Paillet

Auteur Charlotte Paillet

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