Par Laurent Goutorbe
L’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 et le Décret n° 2019-1316 du 9 décembre 2019 relatifs aux marques des produits ou de services sont venus dynamiser le droit des marques avec plusieurs changements majeurs dont certains sont applicables dès maintenant.
Il en va ainsi de la procédure d’opposition à l’encontre des demandes d’enregistrement de marques françaises qui se déroule devant l’INPI.
1. Une procédure qui n’est plus réservée aux titulaires de marques.
Les dénominations sociales, noms commerciaux, enseignes et noms de domaine : grands gagnants de la réforme
Jusqu’à présent, les personnes pouvant engager une procédure d’opposition devant l’INPI se comptaient sur les doigts d’une main :
- Le propriétaire ou licencié exclusif d’une marque antérieure
- Le propriétaire d’une marque notoirement connue
- Le Directeur de l’INAO pour le respect des AOC et certains organismes homologués pour la défense des indications géographiques protégées ou homologuées
- Les collectivités territoriales en cas d'atteinte à une indication géographique, dès lors que cette indication comporte le nom de la collectivité concernée ;
Désormais, beaucoup plus de personnes sont recevables à faire valoir leurs droits antérieurs pour s’opposer à l’enregistrement d’une marque.
Ainsi, toute personne disposant de droits sur une dénomination sociale (ou raison sociale), sur un nom commercial, une enseigne, ou un nom de domaine pourra s’opposer à l’enregistrement d’une marque s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public (à condition pour les noms commerciaux, enseignes et noms de domaine qu’ils n’aient pas une portée seulement locale).
En outre, les personnes morales de droit public peuvent également désormais s’opposer à l’enregistrement d’une marque portant à confusion avec le nom de l’entité publique sous lequel elles exercent leur activité ou proposent leurs services.
2. Ce qui ne change pas : le délai de 2 mois pour déposer l’opposition auprès de l’INPI
Cette procédure doit toujours être engagée dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement de la marque au Bulletin Officiel de la Propriété Intellectuelle (BOPI).
Les nouvelles personnes (et elles sont nombreuses) souhaitant bénéficier de cette procédure simple, rapide et peu onéreuse, en comparaison d’une procédure judiciaire, doivent, de facto, mettre en place une surveillance active du BOPI au regard des signes sur lesquels ils détiennent des droits.
3. Quelques nouveautés et aménagements procéduraux
Les opposants disposent d’un mois supplémentaire (en plus du délai de deux mois pour former opposition) pour déposer les moyens sur lesquels repose leur opposition, ainsi que les pièces à l’appui de celle-ci et justifiant leurs droits antérieurs.
Les opposants qui souhaitent fonder leur opposition sur plusieurs droits antérieurs ne sont plus obligés, comme c’était le cas avant, de déposer une opposition par droit antérieur invoqué. Ils peuvent désormais fonder une seule et unique opposition sur plusieurs droits antérieurs, moyennant le paiement d’une taxe supplémentaire de 150 euros par droit invoqué.
Une véritable procédure contradictoire est instaurée au sein d’une phase d’instruction dirigée par l’examinateur de la procédure d’opposition.
Comme auparavant, le déposant dont la demande d’enregistrement fait l’objet d’une opposition fondée sur une marque enregistrée depuis plus de cinq ans peut, dans le cadre de ses observations, demander à l’opposant d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour les produits et services qu’il oppose. Ainsi, la marque fondant l’opposition ne sera présumée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux est prouvé (ou de justes motifs de non usage établis) (nouvel article L. 712-5-1 du code de la propriété intellectuelle).
Si le directeur général de l’INPI ne statue pas dans un délai de trois mois à l’issue de la phase d’instruction de la procédure d’opposition, l’opposition est réputée rejetée.
Enfin, le Père fouettard apporte sa pierre à l’édifice en faisant passer le montant de la taxe de base pour former opposition de 325 euros à 400 euros.
La nouvelle procédure d’opposition à l’encontre des demandes d’enregistrement de marques françaises devant l’INPI s’ouvre à de nombreuses personnes, dont notamment les titulaires de droits sur les noms de domaine, les dénominations sociales, les noms commerciaux, les enseignes. Ces derniers doivent profiter de cette nouvelle opportunité procédurale.
Pour ce faire, ils doivent dès à présent placer leurs noms de domaine, les dénominations sociales, les noms commerciaux, les enseignes sous surveillance active pour pouvoir engager des procédures d’opposition contre les marques françaises portant atteinte à leurs droits.
2020 : année de tous les records en termes de nombre de procédures d’opposition devant l’INPI ? Réponse dans 12 mois…
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