Les plateformes de streaming contribuent au financement du cinéma Français

Les plateformes de streaming contribuent au financement du cinéma Français
⏱ Lecture 4 min

Par Gérard Haas et Marussia Samot

Le décret SMAD (dit sur les « services de médias audiovisuels à la demande » pour toute diffusion par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur sur la base d’un catalogue et à sa demande), entré en vigueur le 1er juillet 2021 et abrogeant l’ancien décret 2010-1379, fixe les obligations des plateformes étrangères de vidéo à la demande visant à soutenir financièrement le cinéma français et européen.

En contrepartie à ces obligations d’investissement, le gouvernement souhaite améliorer la place de ces plateformes dans la chronologie des médias français, en leur permettant de diffuser avec un plus court délai, auprès de leurs utilisateurs, des films français et européens après leur sortie en salle.

Cette mesure s’inscrit dans la réforme de l’audiovisuel présentée en 2019 par Franck Riester et ayant fait l’objet d’une interruption due à la crise sanitaire.

Une cotisation des services de vidéo à la demande par abonnement

Depuis l’entrée en vigueur de la directive SMA (services de médias audiovisuels) du 14 novembre 2018, les plateformes américaines de divertissement proposant des services de vidéo à la demande (SVoD) sont désormais contraintes d’investir dans la création européenne.

C’est pourquoi le décret SMAD du 1er juillet 2021 assujettit les plateformes de streaming vidéo telles que Netflix, Amazon Prime Vidéo, Apple TV+ ou encore Disney+ aux mêmes règles de contribution que les services établis en France, au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression française.

Selon le ministère de la culture, les services de vidéo à la demande doivent désormais consacrer :

  • Au moins 25 % de leur chiffre d’affaires annuel net réalisé en France au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes ou d’expression originales françaises si les films ou séries sont proposés moins de douze mois après leur sortie en salle en France ;
  • Au moins 20 % de leur chiffre d’affaires annuel net réalisé en France au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles ou d’expression originales françaises dans les autres cas.

Normalement, les plateformes de services à la demande doivent patienter 36 mois après la sortie d’un film sur grand écran avant de pouvoir le diffuser en libre-service à leurs abonnés. Le temps d’attente est désormais divisé par trois.

 

Si une plateforme consacre 25 % de son chiffre d'affaires en France dans la production d'œuvres françaises et européennes

 

= diffusion de films français sur la plateforme dans les 12 mois

Si une plateforme consacre 20 % de son chiffre d'affaires en France dans la production d'œuvres françaises et européennes

 

= diffusion de films français sur la plateforme après 12 mois

 

Les cotisations seront encadrées par le CSA. La contribution est fléchée à 80 ou 60 % dans la production d’œuvres cinématographiques, selon le montant du financement, et aux trois quarts concernant la production d’œuvres audiovisuelles.

Une part de ces fonds sera par ailleurs réservée au financement de productions européennes indépendantes.

Un financement de la création audiovisuelle française disputé à l’étranger

Une première version du décret a été rendue publique fin octobre 2020. Elle n’a néanmoins pas fait consensus parmi les différents acteurs concernés, que ce soit plateformes, producteurs ou chaînes de télévisions.

Elle a été envoyée au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), à la Commission européenne, puis au Conseil d’Etat, pour consultation.

Le 18 mars 2021, la plateforme de vidéos à la demande Netflix a émis ses réserves quant au futur décret, dans une contribution à la Commission européenne, en vue d’une première analyse du projet.

La Commission européenne, sensible aux arguments de la plateforme américaine, a émis ses propres réserves sur la première version du projet de décret, au motif que les taux minimaux spécifiquement engagés dans la production d’œuvres originales françaises (à hauteur de 85 % pour les services de vidéo à la demande par abonnement) n’étaient pas équilibrés en ce qu’ils étaient susceptibles de créer un avantage pour les sociétés de production établies en France et s’avéraient nettement plus élevés que ceux considérés comme proportionnels par la jurisprudence.

Le gouvernement français a renoncé à la modification de la définition d’« œuvre européenne », qui faisait bondir les plateformes, ainsi qu’au taux de 85% de contributions à la production d’œuvres originales françaises. Il a néanmoins estimé que « les remarques de la Commission européenne ne justifiaient pas un changement franc du texte ».

Le 24 mars 2021, le CSA, consulté par le gouvernement sur le projet de décret, a rendu un avis favorable, tout en soulignant quelques éléments problématiques, notamment concernant le calcul du chiffre d’affaires selon le modèle des différentes plateformes. A noter que le texte élargit les pouvoirs du CSA afin de lui donner les outils nécessaires à la modulation des règles applicables par le texte, en tenant compte des différentes caractéristiques des plateformes concernées.

Une réforme portant le débat sur la chronologie des médias en France

La mise à disposition du public d’un film ou d’une série par une plateforme peut désormais bénéficier d’un délai réduit à 12 mois, tandis qu’une diffusion à la télévision française varie entre 10 et 22 mois (le délai de 22 mois étant réservé aux chaînes gratuites). Canal+ profite de son côté d’un régime spécifique l’autorisant à diffuser un film ou une série entre 6 et 8 mois après sa sortie.

Le 31 mars, c’est au tour du Conseil d’Etat de se prononcer suite à la demande de Canal+ de suspendre en urgence la possibilité pour le gouvernement de fixer par voie de décret, à partir du 1er avril 2021, la nouvelle chronologie des médias – c’est-à-dire le délai au terme duquel une œuvre cinématographique peut être exploitée par les éditeurs des services de médias audiovisuels à la demande et les services de télévision après sa sortie en salle – coïncidant avec les nouveaux régimes d’investissement prévus par le décret SMAD.

Selon la chaîne de télévision française, les plateformes étrangères qui disposent de plus importants moyens financiers pour l’acquisition de droits de diffusion de films français pourraient bénéficier d’une fenêtre de diffusion plus favorable.

Le Conseil d’Etat a confirmé que, bien que ce nouveau décret assure aux plateformes SMAD des avantages, il n’est toutefois pas possible de prévoir avec certitude les « fenêtres de diffusion » qui leur seront accordées, ni les conditions qui pourraient y être attachées.

Il souligne également que dans le contexte actuel, avec l’évolution des technologies et des modes de consommation, ainsi que l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs internationaux aux fortes capacités financières (comme l’arrivée dès 2022 de la plateforme HBO Max en Europe) il n’est pas possible d’en mesurer dès à présent les conséquences pour les médias audiovisuels français.

De quoi concurrencer toujours plus les services de médias audiovisuels français, les plateformes de streaming américaines étant vouées à produire davantage de contenu européen.

***

Fort d’une expérience dans les domaines de l’e-réputation ainsi que du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet HAAS Avocats dispose de départements transverses, entièrement dédiés à l’accompagnement de ses clients.

Le Cabinet est naturellement à votre entière écoute pour toutes problématiques que vous pourriez rencontrer.

Pour plus d’informations ou des demandes de rendez-vous, demandez-nous un devis.

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

Suivez-nous sur Linkedin