Les cryptomonnaies dans le viseur des autorités chinoises

Les cryptomonnaies dans le viseur des autorités chinoises
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Par Gérard Haas et Virgile Servant-Volquin

La Chine se montre très active sur la régulation des acteurs des nouvelles technologies depuis le printemps 2021.

Les autorités chinoises ont ainsi :

  • Annoncé le démantèlement de la filiale financière du géant Alibaba ;
  • Voté une loi similaire au RGPD n’ayant vocation à s’appliquer qu’aux entreprises ;
  • Et récemment banni les cryptomonnaies de l’empire du Milieu.

Le communiqué publié le 24 septembre par la Banque centrale chinoise a surpris les investisseurs, le cours du Bitcoin cédant 6,2% à 41941 dollars le jour même.

Interdiction totale des transactions en cryptomonnaies

Les raisons avancées par la Banque centrale chinoise au bannissement des cryptomonnaies, alors que le pays occupait une place de leader notamment dans le minage desdites monnaies peut surprendre à plusieurs égards.

L’autorité de régulation du secteur financier chinois avance plusieurs raisons à cet égard, motivées par le souci de « maintenir l’ordre économique et financier et la stabilité sociale ».

Blanchiment d’argent, fraude et activités criminelles

En juin, les autorités judiciaires chinoises ont annoncé l’arrestation de plus de 1000 Chinois impliqués dans du blanchiment d’argent à l’aide des cryptomonnaies.

La multiplication des levées de fonds douteuses, la mise en place de systèmes pyramidaux frauduleux ainsi que le blanchiment d’argent ont eu raison des multiples avertissements adressés aux acteurs du secteur.

Les mouvements de capitaux étant très régulés en Chine, la multiplication des transactions financières en cryptomonnaie faisait également peser un risque de dégradation de la balance des devises.

Or, le cours du Yuan est un instrument souverain de la politique commerciale chinoise. Les Etats-Unis accusent d’ailleurs la Chine de le manipuler artificiellement pour « dégonfler » le coût de ses exportations et proposer conséquemment des produits et services plus compétitifs sur les marchés étrangers.

Minage de crypto et consommation électrique

Le minage de cryptomonnaie fait référence à l’activité de création monétaire dans le système fermé de la cryptomonnaie. Il s’accomplit au moyen de calculs informatiques poussés. Auparavant réalisables par un particulier sur son ordinateur personnel, seules des « fermes informatiques » spécialisées ont aujourd’hui la capacité de réaliser ces calculs.

En effet, les calculs se complexifient au fur et à mesure de la création de crypto de sorte que « l’inflation » soit contenue. Ce mécanisme pousse d’ailleurs des hackers à s’introduire dans le système informatique de supercalculateurs pour leur dérober une partie de leur puissance de calcul à des fins de minage (une pratique dénommée « cryptojacking »)

La puissance de calcul nécessaire grandissant, la consommation électrique de ces installations a augmenté de façon exponentielle. Or, dans le contexte de hausse mondiale des tarifs de l’énergie et de l’augmentation massive de la demande chinoise, la consommation des infrastructures de minage a probablement été considérée comme superflue par les autorités.

Quelle est la réglementation des cryptomonnaies en France ?

L’utilisation des cryptomonnaies en France et en Europe suscite les mêmes problématiques de blanchiment et de fraude qu’en Chine. Plus attaché à la liberté d’entreprendre, le législateur ainsi que les juridictions ont veillé à établir un cadre normatif permettant de concilier l’activité des acteurs de l’économie numérique avec l’ordre public financier et monétaire.

La loi PACTE du 22 mai 2019 a ainsi introduit le statut obligatoire de PSAN (Prestataire de service sur actifs numériques) pour les acteurs des cryptomonnaies. Le TC de Nanterre a aussi assimilé le prêt de bitcoins à un prêt de consommation, considérant que le Bitcoin était un actif incorporel au même titre que la monnaie.

Pour réduire le risque de fraude et de blanchiment, les PSAN qui offrent un des services suivants[1] sont tenus de requérir un enregistrement auprès de l’AMF :

  • Service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques
  • Service d’achat/vente de crypto contre monnaies ayant cours légal (« crypto to fiat »)
  • Service d’achat/vente de crypto contre d’autres crypto (« crypto to crypto »)
  • Fourniture au public d’une plateforme de négociation d’actifs numériques

La procédure s’étale sur plusieurs mois et se caractérise par un fort formalisme. L’AMF étudie, entre autres, les process internes mis en place par le PSAN en vue du respect des obligations LCB-FT, auxquelles les PSAN sont soumis[2].

Un projet de crypto-monnaie étatique ?

L’interdiction des cryptomonnaies prononcée par la Banque centrale chinoise coïncide avec le lancement d’une phase de test d’un « e-yuan » depuis le début du mois de mars, notamment à Shangaï.

Le e-yuan est une forme de dématérialisation de la monnaie, accessible depuis une application dédiée de la Banque centrale, qui permet à ses utilisateurs de payer facilement dans n’importe quel magasin. Plusieurs avantages à cette solution :

  • Le commerçant ne paye pas de frais supplémentaires à l’inverse du recours à une solution privée ;
  • Il est possible de se passer d’espèces ;
  • L’Etat garde une supervision complète de toutes les transactions effectuées.

Quant à la Banque centrale européenne, elle a lancé en juillet 2021 la première phase d’un projet d’euro numérique, qui doit durer au moins deux ans et n’aboutira pas nécessairement au déploiement du « e-euro ».

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Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 20 ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit, notamment en matière de cryptomonnaies. Si vous souhaitez avoir plus d’informations au regard de la réglementation en vigueur, n’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller. Contactez-nous ici

 

[1] Article L54-10-3 du CMF

[2] Article L561-2 du CMF

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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