Par Charlotte Paillet et Rebecca Käppner
Le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit. Elle n’est donc pas transmissible aux héritiers.
C’est ce que vient rappeler la Cour dans un récent arrêt en date du 11 mai 2022[1] alors que les héritiers de la propriétaire d’une villa cherchaient à reprendre l’instance de la défunte à l’encontre d’un auteur de pages web ayant publié des photos de la propriété sur des sites internet.
La reprise de l’instance leur a cependant été refusée par deux fois, en Cour d’appel et en Cour de cassation, marquant une véritable volonté des juridictions à ne pas admettre l’existence d’un droit à la vie privée post mortem.
Le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée
Conformément à l’article 9 al. 1 du Code civil, « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
S’il ne fait aucun doute que chaque personne est, de son vivant, titulaire d’un droit au respect de sa vie privée, la continuité de ce droit après la mort de la personne concernée a été pendant longtemps sujet de controverses.
Le respect de la vie privée est un droit ouvert uniquement aux vivants !
La Cour de cassation semble avoir pris position sur le sujet depuis une affaire très médiatisée opposant les auteurs et l’éditeur du livre « Le grand secret » aux proches de François Mitterrand.
La Cour d’appel n’avait eu, en l’occurrence, aucun mal à accepter la demande des proches de l’ancien président tendant à la réparation du préjudice résultant de l’atteinte à leur droit au respect de la vie privée alors qu’elle s’était montrée beaucoup plus réticente à accepter le préjudice résultant de l’atteinte au droit au respect de la vie privée de l’ancien président décédé. La Cour de cassation avait quant à elle rejeté les demandes des requérants en ce qu’elle était venue affirmer que le droit d’agir au respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit.
L'action de protection de la vie privée privée n'est pas transmissible aux héritiers
Réaffirmée de multiples fois par la jurisprudence[2] et encore une fois aujourd’hui dans le récent arrêt du mois de mai, cette position de la Cour ferme la possibilité d’agir en tant qu’héritier ou ayant droit au titre du respect de la vie privée d’un défunt.
Ce refus de transmission aux héritiers d’une habilitation à agir au titre de la vie privée du défunt a pour conséquence l’extinction de toute action au titre de la vie privée entreprise par la personne lors de son vivant pour faire valoir ses droits. Le droit d’agir pour le respect de sa vie privée s’éteint ainsi au décès de la personne concernée.
Une action des héritiers possible sur le terrain du droit à l’image
Si une action des héritiers n’est pas envisageable sur le terrain du droit au respect de la vie privée de la personne décédée, elle pourrait être envisageable sur le terrain du droit à l’image pour la réparation du préjudice moral des ayants-droits.
Sur ce terrain les proches d’un défunt peuvent s’opposer à la reproduction de l’image du défunt après son décès s’ils justifient d’un préjudice personnel pouvant résulter d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort[3].
Cette atteinte est cependant interprétée de manière restrictive par le juge qui semble, sauf cas exceptionnels, peu disposé à accueillir une telle demande des ayants-droits.
Si elle se trouve être caractérisée, les ayants-droits pourraient cependant sur cette base d’atteinte à l’image d’un proche décédé obtenir réparation de leur préjudice au titre du respect de leur vie privée[4].
Encore faudrait-il qu’une atteinte au respect de la vie privée de ces personnes soit véritablement caractérisée, mais cela est une autre question !
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Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de vingt-cinq ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit et notamment en matière de droit au respect de la vie privée.
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[1] Cass. 1ère civ. 11 mai 2022, n°20-23.390
[2] Cass. 2ème civ. 20 novembre 2003, n°02-12.297 ; Cass. 2ème civ. 8 juillet 2004, n°03-13.260 et Cass. 1ère civ. 15 février 2005, n°03-18.302.
[3] Cass. 1ère civ., 22 oct. 2009, n°08-10.557 ; CE, 10èmes et 9èmes sous-sections réunies, 27 avril 2011, 314577
[4] Cass. crim. 20 octobre 1998 n° 97-84.621 et Cass. 1ère civ. 20 février 2001 n° 98-23.471.