Par Haas Avocats
Le compte à rebours a commencé…
Après l’entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA) le 16 novembre 2022, s’approche désormais la date butoir d’applicabilité du règlement, notamment pour les très grandes plateformes (VLOP : Very Large Online Platform) et très grands moteurs de recherche (VLOSE : Very Large Search Engine), lesquels devront se conformer aux obligations posées par le texte dans les 4 mois suivant leur désignation.
Le 25 avril dernier, la Commission européenne a publié une liste de 17 plateformes et 2 moteurs de recherche entrant dans cette catégorie[1].
- Pour les plateformes : Alibaba AliExpress, Amazon Store, Apple Appstore, Booking.com, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, Twitter, Wkipédia, Youtube et Zalando.
- Pour les moteurs de recherche, Google Search et Bing.
C’est justement Zalando qui, par communiqué en date du 27 juin 2023, a annoncé avoir déposé un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne afin de contester sa désignation par la Commission européenne.
Applicablité du DSA : l’objet du recours de Zalando
Selon le communiqué de Zalando :
« la Commission européenne n’aurait pas pris en compte le caractère majoritairement commercial de son modèle économique et qu’il ne présente[rait] pas de « risque systémique » de diffusion de contenus préjudiciables ou illégaux provenant de tiers ».
Poursuivant, la société conteste également « l’inégalité de traitement résultant d’une absence de méthodologie claire et cohérente pour évaluer si une entreprise est une Very Large Online Plateform ».
En application du DSA, les fournisseurs de plateformes en ligne et de moteurs de recherche en ligne ont l’obligation de publier, pour chaque plateforme ou moteur de recherche qu’ils exploitent, des informations sur la moyenne mensuelle des destinataires actifs de leur service dans l’Union, calculée comme une moyenne sur les six derniers mois.
Le DSA fixe un seuil de 45 millions de destinataires actifs mensuels moyens du service dans l’Union comme critère permettant de désigner les services de ces fournisseurs comme de très grandes plateformes en ligne ou comme de très grands moteurs de recherche en ligne.
Qu’entend-on par « destinataires actifs » du service ?
La Commission européenne avait publié au sein d’un document questions-réponses des éléments de précision quant aux contours de cette notion.
Ainsi, ces destinataires « doivent refléter tous les destinataires qui ont effectivement participé au service au moins une fois au cours de la période de six mois précédente ».
Selon la Commission, il pouvait donc s’agir d’une personne exposée à des contenus diffusés sur l’interface en ligne de la plateforme ou une personne qui fournit du contenu à afficher sur la plateforme.
La notion recouvre donc à la fois les consommateurs, les entreprises utilisatrices et les professionnels.
Enfin, la Commission européenne avait pris le soin de préciser que :
« la notion de destinataire actif du service ne coïncide pas nécessairement avec celle d’un utilisateur enregistré d’un service ou d’un utilisateur ayant effectué une transaction sur la plateforme en ligne ».
C’est précisément là que se situe la contestation de Zalando.
En effet, des informations accessibles à date, il apparait que Zalando considère que la Commission européenne aurait dû prendre en considération, non le nombre de ses visiteurs mensuels (dont le niveau dépasse largement le 45 millions), mais le nombre de ses acheteurs (dont le nombre est inférieur à 45 millions d’euros).
Selon son fondateur et PDG, Robert Gentz, « le nombre de clients de Zalando Retail (vente directe) n’aurait pas dû être pris en compte dans la désignation des très grandes plateformes par la Commission ».
Applicabilité du DSA : les conséquences directes pour les très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche
Et on comprend vite tout l’enjeu de ce recours pour Zalando, comme pour d’autres grandes marketplaces présentes au sein de plusieurs pays au sein de l’Union européenne. La désignation en qualité de « très grande plateforme en ligne » a des conséquences non négligeables, pour ne pas dire lourdes, sur les processus et les actions de compliance permettant de justifier du respect des obligations posées par le Digital Services Act.
Nous avions déjà eu l’occasion d’entrer dans le détail des obligations à géométrie variable déployées par ce texte (ici).
Le respect de celles-ci nécessite un engagement de l’ensemble des directions de l’entreprise (juridique, technique, opérationnelle, marketing, conformité) afin de :
- Procéder aux développements techniques complémentaires induits par le texte ;
- Mettre en place des processus efficaces de remontée de données et d’informations ;
- Déployer les actions juridiques de conformité, notamment concernant la validité de certaines nouvelles mentions imposées, les processus de gestion des contenus illicites ou encore la mise à jour des conditions commerciales.
Pour les très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche, il convient d’être en mesure de justifier des éléments suivants (dont on rappelle que les plateformes et moteurs de recherche d’ores et déjà désignés doivent avoir la capacité d’en justifier au plus tard le 25 août 2023) :
- Mettre en œuvre des moyens d’actions pour les utilisateurs concernant la transparence sur les recommandations réalisées, le signalement des contenus illicites et le traitement diligent par la plateforme de celui-ci, l’interdiction de fonder des actions de publicités ciblées sur la base de données considérées comme sensibles, la mention du caractère rémunéré des publicités proposées et l’identité de l’annonceur pour le compte de laquelle elle sont proposées, le résumé des conditions générales dans un langage clair et facilement compréhensible et dans l’ensemble des langues des pays de l’Union européenne au sein desquels le service est proposé ;
- Déployer des mesures de protection pour les mineurs ;
- Organiser une modération des contenus qui permette de gérer les risques liés à la diffusion de contenus illicites en ligne, analyser les risques spécifiques et mettre en place des mesures d’atténuation ;
- Accentuer la transparence avec la tenue d’un audit externe et indépendant sur l’évaluation des risques et les mesures d’atténuation déployées, permettre aux chercheurs un accès aux données, publier un registre des publicités présentées et établir des rapports de transparence renforcés sur les décisions de modération des contenus et la gestion des risques.
Nul doute que d’autres plateformes suivront avec attention les conséquences du recours introduit par Zalando, eu égard aux enjeux financiers associés aux diverses actions de compliance…
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[1] Sur la base des données que devaient fournir les plateformes susceptibles d’entrer dans cette catégorie au 17 février 2023.