Par Eve Renaud-Chouraqui
Le changement de cocontractant, suite à un regroupement de plusieurs acheteurs au sein d’une société dédiée, ne constitue pas une modification substantielle de la relation commerciale, de nature à caractériser une rupture brutale de la relation commerciale établie.
La modification substanciel de la relation commerciale
Par un arrêt du 31 mars 2021[1], la chambre commerciale de la Cour de cassation est venue illustrer ce qui est constitutif d’une modification substantielle de la relation commerciale : le changement de contractant ne rentre pas dans le champ de cette modification.
Les faits de l’espèce étaient les suivants.
Une société spécialisée dans les bouteilles en verre pour le secteur viticole avait confié la distribution de ses produits à trois sociétés coopératives agricoles.
Ces dernières ont décidé de regrouper leurs achats au sein d’une société dédiée et d’informer le fabricant de la cessation de leurs relations commerciales.
Ce-dernier a alors engagé une action aux fins d’obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de la rupture brutale de la relation commerciale établie, régime visé à l’article L442-1 II du code de commerce[2].
La Cour d’appel de Paris avait considéré que le changement de cocontractant constituait une modification substantielle des conditions contractuelles que le fabricant était en droit de refuser.
La décision de la Cour
La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu aux motifs :
« qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le caractère substantiel de la modification de la relation commerciale, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale ».
Rappelons qu’en application de l’article L442-1 II du code de commerce :
- engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords professionnels ;
- constitue une telle rupture le fait d’imposer à un partenaire une modification substantielle d’une relation commerciale établie.
Précisons enfin que la Cour de cassation a déjà pu rappeler que le fait qu’une relation commerciale ait été nouée avec un co-contractant et qu’elle ait été poursuivie avec un autre ne retire pas à la relation son caractère établi, sous réserve que les parties ont entendu s’inscrire dans la relation initiale.
Ainsi, la décision rendue par la Cour s’inscrit dans le prolongement de ses jurisprudences précédentes : si le simple changement de cocontractant n’est pas suffisant en soi, il est nécessaire de démontrer une modification substantielle dans la relation d’affaires, modification qui s’entend d’une baisse brutale des commandes ou modification des tarifs pratiqués.
Tel n’étant pas le cas dans les faits de l’espèce, la Cour ne pouvait que censurer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.
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[1] Cass.com, 31 mars 2021, pourvoi n° 19-14.547.
[2] Dans sa rédaction applicable au litige au sein de l’ancien article L442-6 I 5°du code de commerce :
« 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».