La clause d’exclusivité au bail commercial consenti à une pharmacie

La clause d’exclusivité au bail commercial consenti à une pharmacie
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Par Eve Renaud-Chouraqui et Théo Renaudie 

À propos de Cass. 3e civ., 28 janv. 2021, n° 19-18.233

C’est une petite épopée judiciaire qui touche à sa fin au centre commercial de l’aéroport Gustave III de Saint-Barthélemy. L’enseigne The Beauty-Shop est déboutée de ses demandes et la Pharmacie de l’Aéroport indemnisée.

1. La clause d'exclusivité dans un bail commercial  

Voici ce qu’il en était :

Le bail commercial consenti en 1993 par une SCI à une pharmacie comprend une clause de destination autorisant le bailleur à « louer d’autres locaux du même immeuble pour une destination similaire », à savoir la destination d’« officine pharmaceutique ».

Cependant le bail comprend, également et surtout, depuis 2006, une clause d’exclusivité, aux termes de laquelle le bailleur s’est interdit « de louer ou d’exercer directement une activité concurrente à celle du preneur dans des locaux dont il est propriétaire, situés dans le même immeuble que les locaux loués ».

Or, en 2008, le bailleur donne à bail, à une parapharmacie, un local situé à seulement 20 mètres du premier.

La pharmacie engage alors une procédure judiciaire à l’encontre de son bailleur, estimant que ce nouveau bail contrevient à la clause d’exclusivité consentie.

En 2014, le Tribunal de grande instance de Basse-Terre constate la violation de la clause d’exclusivité et condamne la SCI à payer la somme de 48.000 € en réparation de ses préjudices.

La pharmacie, insatisfaite de l’indemnisation allouée, jugée trop faible, et du refus de désignation d’un expert pour le chiffrer précisément, interjette appel.

En 2019, la Cour d’appel de Fort-de-France est amenée à se prononcer sur l’appel.

La pharmacie soutient que l’exclusivité lui a été consentie quant à l’activité d’officine pharmaceutique, incluant, outre les médicaments, « les produits cosmétiques, les huiles essentielles, les eaux minérales, etc. « , soit les produits de parapharmacie[1].

En défense, la SCI estime qu’elle n’a pas violé la clause aux motifs que :

  • elle n’a pas donné de local à bail à une autre pharmacie ;
  • la pharmacie n’a jamais indiqué exercer l’activité de parapharmacie ;
  • cette dernière activité n’est qu’accessoire et donc non couverte par la clause d’exclusivité du bail qui ne protège que l’activité principale.

Venant à son soutien, la parapharmacie indique que le monopole de l’officine de pharmacie est encadré et qu’il ne comprend pas les produits de parapharmacie.

2. La décision de la Cour

Dans son arrêt, la Cour fait le choix de favoriser une définition de l’activité beaucoup plus concrète.

Elle considère que ce que protège le contrat de bail est « l’activité d’officine pharmaceutique », activité qui nécessite « la prise en compte de l’ensemble des activités s’y déroulant au-delà de la seule activité pour laquelle les pharmaciens disposent d’un monopole ».

Ainsi, la parapharmacie, même si elle est une activité annexe de celle de vente de médicaments, est protégée par la clause d’exclusivité.

La Cour rejette également l’argumentation peu convaincante du bailleur qui soutenait que le local loué à la parapharmacie donnait sur l’extérieur, alors que la pharmacie avait un accès intérieur.

Sur ce point, la Cour constate que les deux locaux ne sont situés qu’à 20 mètres et que cet ensemble commercial unique fait, au contraire, peser une obligation renforcée sur le bailleur.

Dans ces conditions, la Cour d’appel confirme le jugement attaqué, y compris en ce qu’il avait débouté la pharmacie de sa demande d’expertise pour estimer autrement son préjudice.

La pharmacie forme alors un pourvoi en cassation et la SCI, un pourvoi incident.

Par un arrêt du 28 janvier 2021, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation répond en deux paragraphes qui résument l’espèce :

« 6. L’activité de pharmacie comporte la vente des produits de parapharmacie qui lui sont réservés ou autorisés par les textes législatifs ou réglementaires applicables.

  1. Ayant retenu, à bon droit, que la vente des produits de parapharmacie entrait dans le champ de l’activité professionnelle des pharmacies et relevé, d’une part, que Mme M..., dont le bail autorisait l’activité d’officine pharmaceutique, vendait des produits de parapharmacie, d’autre part, que la SCI [...] avait consenti un bail à une société vendant les mêmes produits, la cour d’appel en a exactement déduit, sans dénaturation, que la bailleresse avait violé la clause d’exclusivité insérée au bail. ».

Pour ce qui est de l’expertise, le refus est catégorique, ni le Tribunal ni la Cour d’appel n’étaient tenus d’y faire droit, la pharmacie devra se contenter des 48 000 €.

Ce qu’il faut retenir : Pharmacie, Parapharmacie, rien ne sert de jouer sur les maux, l’activité de la seconde est comprise dans celle de la première.

***

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[1] La pharmacie appuyant son argumentation sur l’arrêté du 15 février 2002.

 

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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