Jeux d'argent et pratiques commerciales trompeuses

Jeux d'argent et pratiques commerciales trompeuses
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Par Gérard Haas et Lucile Desbordes

C’est le 28 janvier 2020 que la Cour de cassation a confirmé l’abandon du principe de la présomption d’innocence en matière de pratiques commerciales trompeuses.

 

En effet, un site internet proposait à la vente des grilles de jeux « Loto » et « Euromillions » qui, reposant sur une méthode de calcul scientifique éprouvée, avaient plus de chances de gain que les autres grilles non vendues par le site. Les prévenus avaient établi par constat d’huissier que les résultats de ces grilles bénéficiaient effectivement d’un taux de gain sensiblement supérieur aux autres.

1. La Cour de cassation intraitable

Les preuves par A + B que ces grilles étaient plus prometteuses pour le gain à raison de cette méthode de calcul, ne sont pas insuffisantes pour la Cour, mais « ne sont d’aucune utilité » pour se défendre contre l’accusation de pratiques commerciales trompeuses.

L’article L121-4 15e du code de la consommation qui dispose qu’une pratique commerciale « est réputée » trompeuse par le fait « d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux d'argent et de hasard », établit une présomption de commission de l’infraction. La Cour de cassation dans sa décision en fait une présomption irréfragable de culpabilité.

Selon elle, l’élément matériel est alors inconditionnellement caractérisé dès qu’une personne affirme qu’elle a trouvé un moyen qui augmente les chances de gagner aux jeux d’argent et de hasard, quand bien même ce moyen est prouvé et établi par une méthode scientifique, puis ses résultats positifs constatés par un huissier de justice.

De plus, la Cour termine en énonçant qu’il n’y a pas lieu de regarder si le comportement économique du consommateur a été altéré à raison de l’affirmation, condition normalement à remplir en la matière.

2. La protection du consommateur, priorité de la Cour

Dans un but de protection du consommateur toujours plus accru, l’article 5 de la Directive 2005/29/CE a ajouté cette pratique sur une liste unique qui détermine les « pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances ». Cette liste noire établit donc une présomption de culpabilité irréfragable pour certaines activités commerciales, que la Cour de Cassation a pris soin d’appliquer.

Le prévenu n’a plus désormais la possibilité de se défendre et de prouver le bien fondé de ses actes dans ces situations. Et encore moins de démontrer l’intention et la conscience de commettre une telle infraction, comme le requiert la caractérisation de l’élément moral.

On comprend que la protection du consommateur est essentielle, qui plus est en matière de jeux de hasard. C’est un domaine particulier qui peut être préjudiciable pour ceux qui en abusent.

Mais sur l’appréciation de principe de présomption d’innocence, on peut regretter que la Cour se contredise en affirmant que la Cour d’Appel n’a pas présumé la culpabilité des prévenus, alors même qu’elle confirme la position de cette dernière de ne pas avoir analysé les éléments de preuves apporté par ces derniers.

La protection du consommateur peut-elle aller jusqu’à mettre à bas l’un des principes fondateurs de notre système judiciaire : la présomption d’innocence ?

Selon la Cour de cassation dans son arrêt du 28 janvier 2020, il semblerait que oui.

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Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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