Haine en ligne : les réseaux sociaux de plus en plus responsabilisés ?

Haine en ligne : les réseaux sociaux de plus en plus responsabilisés ?
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Par Gérard Haas et Claire Benassar 

Le 20 janvier 2022, la cour d’appel de Paris a condamné Twitter à détailler les moyens qu’il met en œuvre pour lutter contre la haine en ligne.

L’occasion de faire le point sur la responsabilisation croissante des réseaux sociaux, en France comme au niveau européen.

L’actuelle responsabilité allégée des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux n’échappent pas à la loi, et tout n’y est pas permis, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression.

Seulement, ils voient leur responsabilité limitée en raison de leur statut d’hébergeur

En effet, du point de vue de la responsabilité, il convient de distinguer différents acteurs. D’une part, les éditeurs qui publient des contenus sur le réseau social, pleinement responsables des informations diffusées, et d’autre part, celui qui héberge ces différents contenus, à l’instar de Twitter[1].

La responsabilité de celui-ci ne sera engagée que dans l’hypothèse où des contenus litigieux seraient portés à sa connaissance par notification et qu’il n’en suspendrait pas promptement la diffusion[2]

C’est à cet égard que les six associations[3] qui ont assigné Twitter devant le tribunal correctionnel de Paris en 2020 estimaient que l'entreprise manquait de façon « ancienne et persistante » à ses obligations de modération et ne supprimait pas systématiquement et rapidement les messages racistes, antisémites ou homophobes publiés et signalés sur le réseau social.

La jurisprudence en faveur d’une responsabilisation croissante des réseaux sociaux

Confirmant la décision du tribunal correctionnel de Paris du 6 juillet 2021, la cour d’appel de Paris a ordonné à la société Twitter international de communiquer aux associations demanderesses, dans un délai de 2 mois, « tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre » pour « lutter contre la diffusion des infractions d'apologie de crimes contre l'humanité, d'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe ».

Twitter est par ailleurs tenu de détailler « le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française », « le nombre de signalements », « les critères et le nombre des retraits subséquents » ainsi que « le nombre d'informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet ».

En effet, si la cour a rappelé que Twitter, en tant qu’hébergeur, n’est pas tenu à une obligation générale de surveiller les informations qu’il transmet ou stocke, il doit « concourir à la lutte contre la diffusion des infractions » visées notamment à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En demande, les associations avaient produit une étude soulignant que sur 1110 tweets considérés comme manifestement haineux, seuls 126 messages avaient été supprimés par la plateforme. Selon les demanderesses, cette décision devrait ainsi enfin forcer Twitter à se responsabiliser, et « arrêter de louvoyer et penser éthique plutôt que profit et expansion internationale ».

Le Digital Services Act en faveur d’une responsabilisation croissante des réseaux sociaux

Si la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est depuis quelques années inscrite dans un mouvement de responsabilisation des hébergeurs, l’adoption du projet de Digital Services Act (DSA) par le Parlement européen le 20 janvier dernier est un pas supplémentaire vers une plus grande responsabilisation des réseaux sociaux.

L’objectif, reprendre « le contrôle sur les géants de l’Internet » selon l'eurodéputée Christel Schaldemose, avec un « principe simple », celui d’interdire online ce qui est interdit offline comme l’a souligné Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur. 

Notamment, les mesures prévues par le texte établissent « une procédure de notification et d'action, ainsi que des garanties pour la suppression de (…) contenus illicites », comme l’a indiqué le Parlement dans un communiqué publié à l'issue du vote. Les plateformes devraient donner suite aux notifications « sans retard excessif, en tenant compte du type de contenu illégal notifié et de l'urgence d'agir ».

A cet égard, obligation leur serait faite de se doter de ressources techniques et humaines pour mieux modérer leurs réseaux, c'est-à-dire effacer tout contenu illicite à l’instar des contenus homophobes, racistes, ou encore pornographiques.

Désormais, il appartient à la France, en tant que présidente du Conseil de l'Union européenne depuis le 1er janvier 2022, de conduire les trilogues et de négocier sur le DSA.

Une chose est certaine, l’appel à une régulation plus poussée des réseaux sociaux est de plus en plus fort.

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[1] Art. 6-1-2 de la loi LCEN du 21 juin 2004 définit l’hébergeur comme la personne physique ou morale « qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services »

[2] Cette obligation a encore été rappelée dernièrement par le tribunal judiciaire de Paris (Tribunal judiciaire de Paris, 25 mai 2021, n°18/07397)

[3] SOS Racisme, la Licra, SOS Homophobie, l’UEJF, J'accuse, et le MRAP

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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