Atteinte au droit à l'image du salarié : un seul constat ouvre droit à réparation

Atteinte au droit à l'image du salarié : un seul constat ouvre droit à réparation
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Par Gérard Haas et Claire Benassar

Conformément à l’article 9 du code civil, « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

La jurisprudence a de longue date[1] estimé qu’il résulte de ce texte un droit à l’image exclusif et absolu de toute personne physique – distinct de son droit au respect de sa vie privée en tant que tel[2] – portant sur la captation de son image, sa conservation, sa reproduction et son utilisation.

Tel est notamment le cas du salarié.

La nécessité de l’autorisation préalable du salarié

La captation de l’image de la personne intéressée, sa conservation, sa reproduction ou encore sa simple utilisation nécessitent son autorisation préalable.

Le statut de salarié ne faisant pas exception à cette règle, il en est de même dans le cadre d’une relation de travail, le lien de subordination découlant du contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié n’ayant effectivement pas pour conséquence de priver celui-ci de son droit à l’image.

En effet, il est indispensable pour l’employeur de s’assurer que le consentement incontestable des salariés sur l’utilisation de leur image a bien été recueilli.

Ainsi, l’employeur utilisant l’image d’un salarié doit préalablement solliciter son accord.

En l’absence de recueil d’une telle autorisation, le salarié est fondé à demander réparation, et ce même si l’atteinte portée à son droit à l’image ne lui a occasionné aucun préjudice, comme est venue le préciser la Cour de cassation dans un arrêt du 19 janvier 2022[3].

L’indifférence d’un préjudice personnel du salarié

Dans l’affaire qui était soumise à la Cour, deux salariés avaient été photographiés dans le cadre de leur activité professionnelle, le cliché ayant ensuite été posté sur le site Internet de l’entreprise sans que les intéressés n’aient donné leur accord au préalable.

Suite à la rupture de leur contrat de travail respectif, ils avaient sollicité la suppression du cliché en question, par courrier adressé à leur ancien employeur. Cette demande étant restée sans effet, les salariés ont saisi la juridiction prud’homale, réclamant ainsi notamment des dommages-intérêts au titre de l’atteinte portée à leur droit à l’image par leur ancien employeur.

Confirmant les jugements rendus par le conseil des prud’hommes saisi en première instance, la cour d’appel de Toulouse[4] avait rejeté la demande de réparation des salariés au titre de leur droit à l’image, relevant tout d'abord que chacun d’eux avait été photographié avec l'ensemble des employés pour apparaître sur le site internet. Pourtant, il est constant que l’autorisation de fixation de l’image n’entraîne pas indubitablement une autorisation expresse d’exploiter le cliché.

Ensuite, la cour d’appel soulignait que la photographie avait finalement été supprimée, bien que cela ait été le cas une fois seulement le conseil des prud’hommes saisi, postérieurement à la communication des conclusions de première instance des demandeurs.

Enfin, et c’est à cet égard que la Cour de cassation a cassé les arrêts de la cour d’appel de Toulouse, celle-ci avait relevé que les demandeurs ne démontraient « aucunement l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain résultant du délai de suppression de la photographie en question ». Néanmoins, et dans les mêmes termes que ceux de la Première Chambre civile dans une décision du 2 juin 2021[5], la Cour de cassation est venue préciser que « la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre droit à réparation ».

La Cour précise ainsi, spécifiquement en matière sociale, que les salariés ne sont pas tenus d’apporter la preuve d’un quelconque préjudice personnel, celui-ci n’étant ainsi pas une condition sine qua non à leur indemnisation.

En tout état de cause, la position récente de la Cour de cassation met en avant le caractère indispensable de la rédaction d’un accord portant sur le droit à l’image de ses salariés par l’employeur, dont le contenu doit être aussi clair et précis que possible, notamment quant à l’étendue de l’autorisation.

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[1] Dans une décision du 25 octobre 1982, la cour d’appel de Paris a considéré que le droit au respect de la vie privée permet à toute personne de s’opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image, en tant qu’attribut de sa personnalité.

[2] Cass, 1ère Civ., 10 mai 2005, n° 02-14.730

[3] Cass, Soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420 et n° 20-12.421

[4] La cour d’appel de Toulouse s’est prononcée dans deux arrêts rendus le 6 décembre 2019

[5] Cass., 1ère Civ., 2 juin 2021, n° 20-13753

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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