Par Laurent GOUTORBE
A propos de Cass Crim. 1er septembre 2020, pourvoi n°19-84505
Un lien hypertexte renvoyant vers un contenu diffamatoire fait courir un nouveau délai de prescription de trois (3) mois pour agir en diffamation, mais n’engage pour autant pas la responsabilité pénale de son auteur.
Dans cette affaire, une personne membre d’une association est exclue de cette dernière suite à une accusation de viol à son encontre. Cette exclusion et son motif font l’objet d’un communiqué publié sur le site Internet de l’Association le 20 février 2017.
Le 5 mars 2017, un syndicat dont la personne accusée de viol est également membre publie un communiqué critiquant cette mesure d’exclusion en indiquant que les éléments en sa possession ne le conduisaient pas à la même conclusion, s’agissant des faits de viol reprochés à l’intéressé.
Le 9 mars 2017, ces deux communiqués sont reproduits intégralement sur un site internet tiers, introduits par le titre « Accusé de viol, X provoque une crise chez (…) » ; site auquel Mme Y, élue locale, a renvoyé via un lien hypertexte présent sur sa page Facebook avec un titre évoquant les faits de viol.
Le 27 mai 2017, M. X. porte plainte et se constitue partie civile du chef de diffamation publique à raison de la publication du texte du premier communiqué faisant état de son exclusion du fait de l’accusation de viol dont il faisait l’objet reproduit sur le site Internet tiers le 9 mars 2017 et du lien hypertexte renvoyant sur ce site mis en place par Mme Y. sur sa page Facebook.
Mme Y. est condamnée par le Tribunal correctionnel et la cour d’appel qui la jugent coupable de diffamation.
Elle conteste cette condamnation en invoquant d’une part la prescription de l’action publique dès lors la plainte a été déposée 27 mai 2017, soit plus de trois (3) mois après la première mise en ligne de l’écrit litigieux, le 20 février 2017 et d’autre part, le fait qu’elle n’a pas tenu elle-même de propos diffamatoires, ni l’intention d’en tenir.
1. Sur la prescription
Le délai de prescription de l’action publique en matière de diffamation fixé à trois (3) mois par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse court en principe à compter de la date du premier acte de publication des propos diffamatoire, à savoir, à compter à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des internautes.
Toutefois, la Cour de Cassation juge qu’un lien hypertexte qui, comme au cas présent, renvoie directement à un écrit qui a été mis en ligne par un tiers sur un site distinct, constitue une reproduction de ce texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription, de sorte que l’action publique n’est pas prescrite.
2. Sur la responsabilité pénale de l’auteur du lien hypertexte
La Cour de Cassation rappelle néanmoins que pour apprécier si l’auteur d’un lien hypertexte qui renvoie à un contenu susceptible d’être diffamatoire, peut voir sa responsabilité pénale engagée en raison de la nouvelle publication de ce contenu à laquelle il procède, les juges doivent déterminer si :
- l’auteur du lien a approuvé le contenu litigieux, l’a seulement repris ou s’est au contraire contenté de créer un lien, sans reprendre ni approuver ledit contenu,
- l’auteur du lien savait ou était raisonnablement censé savoir que le contenu litigieux était diffamatoire,
- l’auteur du lien a agi de bonne foi.
Au cas d’espèce, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué lui reprochant d’avoir reconnu la culpabilité de l’auteur du lien hypertexte incriminé sans avoir examiné les modalités et le contexte dans lesquels avait été inséré le lien hypertexte renvoyant au contenu diffamatoire, et spécialement le sens de l’autre texte auquel renvoyait le lien, qui contredisait le propos poursuivi, et les conclusions que tirait l’auteur du lien hypertexte de l’ensemble formé par ces deux textes.
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