Par Marie Torelli et Virgile Servant Volquin
Messi au PSG, c’est la fin d’une aventure qui débute en l’an 2000 avec le Barça. 672 buts, 300 passes décisives et quatre Champions League plus tard, celui que nombreux considèrent comme le plus grand joueur de sa génération a signé avec le Paris Saint Germain.
Pour les amateurs de ballon rond, c’est un séisme. Pour les observateurs juridiques du droit du sport, le contrat signé par le joueur présente un point d’attention particulier.
Si la rémunération du joueur s’élève à 40 millions d’euros par an, une partie de son salaire provient en réalité d’un actif numérique, le « PSG Fan Token », émis par le club éponyme et acheté par les supporters.
Qu’est-ce qu’un « PSG Fan Token » ?
Comme tous les tokens, les « fan tokens » sont des jetons numériques fonctionnant sur la technologie blockchain.
Appliqués aux clubs de sport comme le PSG, les fan tokens permettent aux supporters d’investir de manière indirecte dans leur club favori ou dans leurs artistes préférés en l’échange d’un accès à certains biens ou services exclusifs (tickets le jour du match, rencontres avec les joueurs, autographes…).
Pour les Acheteurs, les « fan tokens » présentent plusieurs intérêts :
- Un intérêt spéculatif : les jetons peuvent prendre de la valeur au cours du temps, à condition toutefois de pouvoir être échangés sur un marché secondaire ;
- Une utilité spécifique : les jetons représentent des droits d’accès à certains biens ou services exclusifs. Dans le cas du PSG Fan Token, le jeton permet notamment aux Acheteurs de participer aux décisions du Club.
Pour les Emetteurs de jetons, ceux-ci constituent tout d’abord un nouveau mode de financement de leurs activités.
Compte tenu de l’intérêt porté par les consommateurs autour des crypto-actifs, les fan tokens peuvent également présenter un intérêt en termes de réputation.
Quelle est la réglementation applicable à l’émission de tokens ?
Des difficultés de qualification juridique
Les jetons (qu’ils soient des fan tokens ou n’importe quel autre type de tokens) sont des actifs numériques réglementés depuis la loi Pacte de 2019.
Depuis la loi PACTE, les jetons sont définis comme :
« Tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »
Parce qu’ils sont technologiquement neutres, le régime qui leur est applicable dépend en réalité des droits qu’ils représentent. Or, ceux-ci peuvent être librement définis par l’émetteur de jetons.
On distingue ainsi deux catégories de tokens qui sont susceptibles d’être soumises à des réglementations différentes :
- Les « utility tokens » ou jetons utilitaires, qui permettent l’accès à un service comme dans le cas des supporters du PSG. Ces jetons sont en principe soumis au régime de l’émission de jetons prévu par les articles L.552-1 et suivants du code monétaire et financier.
- Les « security tokens » ou jetons financiers, qui confèrent des droits financiers à leur titulaire. Ces jetons sont en principe soumis à la réglementation relative aux valeurs mobilières.
En pratique, la qualification des tokens n’est pourtant pas si évidente, certains jetons étant susceptibles de présenter des caractéristiques relevant de l’une ou l’autre de ces catégories.
L’AMF préconise ainsi une analyse au cas par cas des droits représentés par le token afin de définir le régime qui pourrait lui être appliqué.
L’Initial Coin Offering : l’émission de jetons utilitaire
Le code monétaire et financier réglemente la procédure par laquelle les jetons utilitaires sont émis (ICO : Initial coin offering), aux fins d’éviter les fraudes et le blanchissement d’argent.
Toutefois, il faut noter que le régime de l’ICO est :
- Il ne s’applique que lorsque d’autres régimes tels que celui de l’intermédiation en biens divers ou du financement participatif n’a pas vocation à s’appliquer ;
- En effet, le visa que les émetteurs de jetons sont invités à solliciter auprès de l’AMF n’est qu’optionnel.
Ce visa a pour objectif de :
- Fournir un avantage concurrentiel aux offres labellisées. En effet, seuls les émetteurs de jetons disposant du visa de l’AMF ont la possibilité de démarcher publiquement et de mettre en place des opérations de communication diverses (parrainage ou mécénat) ;
- Protéger les investisseurs du risque de fraude inhérent à ce type d’investissement désintermédié.
La procédure prévoit l’élaboration d’un document destiné à donner toute information utile au public. La demande se fait auprès de l’AMF, qui dispose d’un délai de 20 jours pour répondre à l’émetteur de jetons.
Emission de « Security Tokens » : l’absence de régime spécifique
La loi PACTE n’a pas créé de régime spécifique à l’émission de jetons financiers. Ceux-ci sont en effet soumis à la réglementation relative aux valeurs mobilières et notamment au règlement européen Prospectus.
L’AMF a toutefois pu relever de nombreuses incompatibilités entre le régime des valeurs mobilières et les spécificités des security tokens qui nécessiteraient, selon elle, la levée de certaines des règles actuellement applicables à ces jetons et ce au niveau européen.
Ainsi, avant toute émission de jetons, il est crucial d’analyser avec précision la qualification juridique du jeton. A défaut, l’application d’un régime juridique inapproprié pourrait faire l’objet de sanctions administratives et pénales importantes.
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