Par Haas Avocats
En 2023, la France a comptabilisé quelques 60 millions de spectateurs ayant assisté à plus de 200 000 représentations, générant plus de 2 milliards d’euros de recettes. Parmi ces 60 millions de spectateurs, plus de la moitié se sont procurés des billets en ligne. Le marché de la billetterie en ligne se développe à pas de géants depuis quelques années en France au bénéfice des consommateurs et des organisateurs d’évènements bien que des abus voient aussi le jour.En France, le marché de la billetterie en ligne est très compétitif et largement dominé par des grands noms du secteur parmi lesquels TicketMaster, Eventim ou France Billet. Pour pouvoir se faire une place sur ce marché ou la conserver, il faut désormais proposer des pratiques innovantes permettant de satisfaire les besoins du client tout en limitant les dérives et pratiques abusives.
A l’instar de AXS, branche billetterie du groupe américain AEG, les acteurs du marché de la billetterie en ligne doivent converger vers des innovations technologiques permettant d’éloigner ces pratiques abusives afin de pouvoir se démarquer dans un secteur déjà très concurrentiel, bien que certains risques semblent encore difficiles à éliminer.
Les dérives du marché de la billetterie en ligne
Le succès exponentiel de la billetterie en ligne ne s’est pas accompagné que de prouesses. En effet, des dérives ont pu voir le jour.
La loi encadre principalement les pratiques en matière de billetterie par une règlementation générale visant à protéger les consommateurs. Parmi les règles applicables, on retrouve notamment l’obligation de transparence tarifaire (afficher clairement le prix toutes taxes comprises), ou encore l’obligation de préciser les conditions de remboursement en cas d’annulation.
Or, malgré l’absence de spécificité de ces règles, les autorités de répression des fraudes (DGCCRF) constatent régulièrement des manquements au droit de la consommation dans le secteur de la billetterie en ligne.
Des clauses abusives ont pu être identifiées :
- Absence de remboursement des frais de service ;
- Droit d’annulation de l’évènement par l’organisateur ;
- Impossibilité de demander des dommages et intérêts.
La DGCCRF a également pu identifier des pratiques commerciales trompeuses :
- Dissimulation ou communication à contretemps du prix payé par le consommateur ;
- Fausse déclaration que le billet ne sera disponible que pendant une période très limitée.
Enfin, des dérives plus spécifiques au secteur sont également identifiées par les autorités dont celle du « scalping », sous-entendu la revente illégale de billets à des prix exorbitants, ainsi que celle de la multiplication de faux billets de plus en plus réalistes grâce aux nouvelles technologies.
Les innovations propres à la billetterie en ligne
De nouvelles solutions technologiques voient le jour dans le secteur :
- La réservation mobile permettant une expérience facile et intuitive ;
- La généralisation du billet électronique nominatif pour limiter la revente illégale ;
- L’expérimentation de la technologie blockchain pour sécuriser les billets ;
- L’utilisation de l’intelligence artificielle pour détecter les comportements suspects ;
- La sécurisation des billets électroniques grâce à des QR codes uniques ou renouvelés régulièrement.
Une autre démarche innovante est celle de AXS, branche billetterie du groupe américain AEG qui imagine une approche toute en un (application unique permettant de regrouper à la fois la billetterie, la gestion des accès et l’offre d’outils marketing et analytiques pour les organisateurs) couplée avec la mise en place d’une tarification dynamique (insertion d’outils permettant une tarification modulée selon la demande, des ventes croisées et des options d’up selling).
Toutefois, cette tarification dynamique reste souvent critiquée pour l’augmentation des prix des tickets à laquelle elle peut donner lieu, tout comme le recours à des ticket bots qui font exploser les prix en raison de la forte demande qu’ils engendrent.
Le cas particulier du ticket bot
La pratique des ticket bots permet à des programmes automatisés d’acheter de grandes quantités de billets en ligne grâce à des robots qui peuvent obtenir de nombreux billets aussitôt qu’ils sont mis en ligne. Les billets ainsi obtenus sont ensuite revendus à des prix élevés créant une sorte de marché secondaire et privant les fans d’accès aux billets souhaités.
Ce marché de revente a un impact négatif aussi bien sur l’économie que sur la satisfaction des consommateurs, si bien que les plateformes de billetterie et les gouvernements ont mis en place une série de mesures visant à limiter cette pratique (algorithmes détectant et bloquant les activités des bots, défis CAPTCHA, limitation du débit, suivi des adresses IP, …).
Certains pays adoptent même des lois pour contrer ces pratiques mais les développeurs s’adaptent sans cesse pour contourner les obstacles et continuer leur marché florissant de la vente secondaire.
Le Parlement européen a lui aussi adopté une Directive en 2019 qui interdit au niveau européen la revente de billets achetés en masse sur des plateformes de billetterie primaire via des bots.
En France, cette pratique est sanctionnée au visa de l’article L121-4 26° du Code de la consommation qui considère comme une pratique commerciale trompeuse le fait de « revendre des billets pour des manifestations à des consommateurs lorsque le professionnel les a acquis en utilisant un moyen automatisé lui permettant de contourner toute limite imposée au nombre de billets qu'une personne peut acheter ou toute interdiction applicable à l'achat de billets ».
La pratique est également constitutive d’une infraction au visa de l’article 313-6-2 du Code pénal qui sanctionne la revente de billets par des tiers sans l’autorisation expresse des organisateurs d’évènement d’une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros, et jusqu’au double en cas de récidive
Pourtant, le législateur français a lui-même admis plusieurs conséquences négatives liées à cette interdiction :
- Les acheteurs ne peuvent souvent pas revendre leurs billets facilement, faute de canaux officiels ou à cause de restrictions excessives imposées par les organisateurs ;
- Cette interdiction accorde de facto un monopole aux organisateurs qui contrôlent les plateformes de revente, empêchant la libre concurrence sur ce marché ;
- L’interdiction de revente pousse les utilisateurs vers des marchés parallèles peu sécurisés, augmentant les risques de fraude.
Dans ce contexte, les parlementaires ont déposé une Proposition de loi encadrant l'activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance, dont l’objectif est d’installer un système d’autorisation de revente auprès de plateformes de revente tiers de confiance.
En conclusion, le marché de la billetterie et notamment celui de la billetterie en ligne évolue sans cesse obligeant les entreprises et les Etats à innover sans relâche, innovations pouvant être aussi bien technologiques que juridiques afin de satisfaire les consommateurs, de lutter contre les dérives du marché de la billetterie en ligne et d’offrir une billetterie simple, intuitive et sécurisée. Bien que la question des tickets bot inquiète encore, la billetterie en ligne semble avoir un avenir prometteur devant elle, toujours plus intuitive, toujours plus innovante, toujours plus sécurisée.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne les acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.