Quel avenir pour les pharmacies face à la digitalisation des soins ?

Quel avenir pour les pharmacies face à la digitalisation des soins ?
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Par Gérard Haas et Virgile Servant Volquin

Depuis 2016, tous les ans 120 petites pharmacies ferment[1], majoritairement en zone urbaine. Pour autant, l’offre de médicaments ne se tarit pas puisque des pharmacies plus grandes aux tarifs plus attractifs se développent.

Au défi de la taille, s’ajoute celui de la digitalisation. La vente en ligne s’est installée durablement dans les habitudes des consommateurs européens, dû à la crise sanitaire. En France, de nombreuses pharmacies ont pris le virage de la vente à distance de médicaments, affrontant ainsi la concurrence d’acteurs européens implantés depuis plus longtemps.

Quel est l’état du droit qui encadre l’activité de vente à distance des officines en France ?

L’assouplissement progressif de la vente en ligne de médicaments 

Prohibition de la vente de médicaments soumis à prescription

Depuis le 2 janvier 2013, les pharmacies sont autorisées à vendre des médicaments à distance. Cette possibilité fait l’objet d’un fort encadrement, qui a tendance à se libéraliser depuis quelques années.

Seules les pharmacies d’officine, les pharmacies mutualistes et les pharmacies de secours minières peuvent vendre des médicaments à distance.

La vente à distance de médicaments soumis à prescription obligatoire est prohibée[2], et ce même pour les établissements basés dans l’Union européenne qui vendent des médicaments au public français[3].

Les règles applicables

La réglementation de la vente de médicaments en ligne est prévue par :

Il est important de noter que[4] :

  • L’activité de commerce électronique est réalisée au sein d’une officine ouverte au public et mise en œuvre au moyen d’un site internet. Le pharmacien est tenu de garder le contrôle de son stock, qui doit être à immédiate proximité de l’officine.
  • Les pharmaciens endossent le rôle d’éditeur et sont donc responsables des contenus présents sur leur site internet. Ils sont également tenus de faire apparaître des mentions obligatoires sur leur site et d’organiser la présentation des produits, de sorte que le consommateur soit informé de la nature exacte du médicament.

Une société de pharmaciens néerlandaise a contesté la conformité d’une partie de la réglementation française sur le fondement européen de la libre de circulation des produits et des marchandises[5].

  • L’interdiction pour les pharmaciens de recourir au référencement payant de leurs offres sur Internet a été jugée non conforme au droit de l’Union, car elle n’était pas justifiée par un motif de santé publique.
  • Un arrêté a en conséquence modifié les règles techniques applicables aux sites internet de commerce de médicaments en 2021[6].

Enfin, la création d’un site de vente en ligne de médicaments était auparavant subordonnée à une demande d’autorisation auprès de l’ARS compétente. Depuis 2020, il suffit de déclarer l’ouverture du site[7].

Les changements en cours et à venir

Bien que les pharmacies en ligne n’aient pas le droit de vendre des médicaments sous prescription, l’assouplissement de la vente à distance participe du mouvement de digitalisation du parcours de soin du patient.

Deux changements sont en cours de réalisation : la généralisation de la e-prescription (ordonnance électronique) et du dossier médical partagé (DMP).

  • La prescription électronique, déjà en test dans quelques départements, a fait l’objet d’une ordonnance en 2020[8] qui en a fixé la généralisation au plus tard le 31 décembre 2024, plusieurs décrets successifs devant en préciser les modalités au cours des années qui viennent.
  • Quant au DMP, il n’est plus possible d’en créer un depuis le 1er juillet 2021 car le ministère de la santé prévoit le lancement du service Mon espace santé début 2022, auquel le DMP devrait être intégré.

 

LA VENTE A DISTANCE DE MEDICAMENTS EN FRANCE

Catégories autorisées

Médicaments sans prescription et parapharmacie

Acteurs autorisés

Pharmacies d’officine, mutualiste et minières de secours. Les grandes plateformes comme Amazon sont exclues de la vente à distance de médicaments, la détention d’une licence étant requise

Statut de la pharmacie

Statut d’éditeur : le pharmacien est responsable du contenu présent sur le site

Démarches

Simple déclaration auprès de l’ARS

Encadrement

· Règles techniques avec nombreuses mentions obligatoires sur le site et encadrement de la vente des médicaments

· Respect des bonnes pratiques de dispensation des médicaments et notamment de la non-incitation à la surconsommation

 

Des perspectives accrues de développement

A première vue, ce mouvement de fermeture de nombreuses officines peut être vu comme contraire à l’impératif d’assurer un service de proximité. Pourtant, cette idée peut être discutée pour plusieurs raisons :

  • La France est l’un des pays européens avec le plus de pharmacies par habitant (35 pour 100.000 contre 6 pour le Danemark). Conséquemment, le financement du système de santé est le deuxième plus cher au monde, derrière celui des Etats-Unis.
  • La possibilité de livrer des produits pharmaceutiques concoure à une meilleure distribution dans les déserts médicaux, alors que les officines se concentrent encore beaucoup dans les grandes villes.
  • La possibilité de proposer des gammes de produits en ligne permet aux officines d’optimiser leur rayonnage en vue de dégager un plus gros chiffre d’affaires, à la manière des supermarché proposant un service drive.
  • Le développement de dispositifs de télémédecine pourraient être intégrés aux pharmacies au moyen de tablettes dédiées et connectées avec des médecins pour réaliser des téléconsultations.

 

4 PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT

 

1

La France est l’un des pays à posséder le réseau de pharmacies le plus développé au monde, majoritairement concentré en milieu urbain.

 

2

La faculté de vendre à distance des médicaments (25% des pharmacies ont aujourd’hui un site internet) contribue à la lutte contre la désertification médicale.

3

A la manière d’un drive, il est possible d’optimiser le stockage des produits pharmaceutiques afin d’économiser de l’espace, d’automatiser le processus et in fine d’augmenter le chiffre d’affaires.

4

Les pharmaciens disposent de plus de temps pour se recentrer sur leur activité principale (le conseil et l’expertise) et peuvent développer des services complémentaires comme la vaccination, ou la télémédecine.

 

Recentrage de l’activité des officines sur leur fonction première

Ce mouvement de fond de digitalisation du parcours santé est une opportunité pour les pharmacies. Le développement de la e-prescription permet de supprimer certaines tâches administratives actuelles du pharmacien comme l’inscription manuelle des coordonnés de la mutuelle du patient.

Les pharmaciens pourront donc dégager plus de temps pour se recentrer sur leur activité première : l’expertise, le conseil patient et le cas échéant la vente de produits complémentaires.

La digitalisation accroit le recours au traitement des données personnelles de santé des patients. Les acteurs de la pharmacie vont donc vraisemblablement voir les enjeux juridiques liés à la protection des données personnelles augmenter.

En effet, Le RGPD entré en vigueur en 2018 impose aux acteurs qui traitent des données personnelles dites sensibles[9] des obligations de sécurité poussées, qui sont appréciées avec rigueur par les juridictions.

Pour éviter les sanctions, qui peuvent aller jusqu’à 4% du montant annuel du chiffre d’affaires de la pharmacie, les mesures appropriées doivent être prises en amont pour assurer la mise en conformité du système d’information, et le cas échéant du site internet de vente à distance de médicaments.

 

***

 

La facilitation de l’utilisation de données à caractère personnel à des fins médicales est une opportunité considérable pour l’ensemble des acteurs de la e-santé. Le traitement des données peut notamment permettre une optimisation des dispositifs proposés et, à terme, un accroissement significatif des parts de marché des acteurs y recourant.

Le Cabinet Haas Avocats accompagne les acteurs de la e-santé en leur fournissant un éclairage pragmatique sur les règles applicables.

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[1] https://www.redsen-consulting.com/transformation-digitale/officine-de-demain/

[2] Article L5125-34 du code de la santé publique

[3] Article L5125-40 du code de la santé publique

[4] Article L5125-33 du code de la santé publique

[5] CJUE, C-649/18, 1er octobre 2020

[6] Arrêté du 14 mai 2021

[7] Article L5125-36 code de la santé publique

[8] Ordonnance n°2020-1408 du 18 novembre 2020

[9] Article 9 du RGPD

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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