Par Haas Avocats
C’est dans le cadre d’un contentieux particulièrement nourri concernant les limites à la liberté d’expression, et notamment au sujet des actions militantes, que la Cour de cassation est venu une nouvelle fois poser les limites de ce droit fondamental.
Deux mois après avoir précisé les contours de la liberté d’expression à travers deux arrêts marquants[1], la Cour se penche à présent sur une affaire[2] où se mêlent militantisme, troubles à l’ordre public et infractions pénales, mettant en lumière, une nouvelle fois, les enjeux de la liberté d’expression dans un contexte de manifestations violentes.
Affaire des « méga-bassines » : quand la liberté d’expression se heurte à la violence des manifestants
Tandis que des individus participaient à une manifestation interdite contre l’installation de « méga-bassines », des heurts ont éclaté entre des personnes cagoulées et les forces de l’ordre. Parmi elles, le prévenu vêtu d’une tenue de moine franciscain, visage dissimulé, a été poursuivi et condamné, en première instance puis en appel, pour plusieurs infractions, notamment :
- Participation à un groupement en vue de commettre des violences ou dégradations,
- Recel de vol aggravé,
- Dégradations avec inscriptions commises par une personne masquée.
Estimant que sa condamnation portait une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, le prévenu a décidé de former un pourvoi en cassation. Cette affaire est ainsi l’occasion pour la Cour de cassation d’affiner sa jurisprudence sur le contrôle de proportionnalité en matière de liberté d’expression.
Militantisme et liberté d’expression : La recherche du juste équilibre
La Cour de cassation rappelle, dans cette affaire, qu’ « il appartient au juge, après s’être assuré, dans l’affaire qui lui est soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité, puis de la peine » [3].
Elle ajoute que ce contrôle de proportionnalité nécessite un examen global des faits, prenant en compte des éléments essentiels tels que les circonstances, la gravité du dommage ou du trouble causé.
Autrement dit, si la liberté d’expression protège le militantisme, elle ne peut justifier des actes portant atteinte aux droits d’autrui ou troublant l'ordre public de manière excessive.
Elle précise enfin que l’incrimination d’un comportement peut constituer une ingérence excessive si elle ne tient pas compte du contexte et de la nature de l’action.
C’est pourquoi la cour de cassation a rejeté le pourvoi estimant que la cour d’appel avait correctement évalué la situation. Elle a jugé que la condamnation ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. En effet, il n’existait pas de lien direct entre les comportements incriminés — des atteintes aux biens des forces de l’ordre dans un contexte de violences — et l’objet de la contestation.
Conclusion : les actes violents constituent une limite à la liberté d’expression
Cette décision rappelle donc que la liberté d’expression ne peut être un prétexte pour des actes violents ou délictueux. Elle s'inscrit dans une continuité jurisprudentielle visant à protéger les droits fondamentaux tout en garantissant la sécurité et l’ordre public.
D’un côté, cette décision sécurise les victimes de propos ou d’actions abusives, en rappelant que des sanctions existent pour limiter ces dérives. De l’autre, elle invite les militants à exercer leur liberté d'expression de manière responsable, sous peine de sanctions pénales.
En définitive, cette affaire confirme un principe clé : bien que la liberté d’expression soit un droit fondamental, elle n’est jamais absolue.
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[1] Crim., 8 janv. 2025, FS-B+R, n° 23-84.535 et n° 23-80.226
[2] Crim., 5 févr. 2025, B, nº 24-80.051
[3] Crim., 5 févr. 2025, B, nº 24-80.051, pt. 22.