Marketplace et opérateur de plateforme : intermédiaire ou vendeur ?

Marketplace et opérateur de plateforme : intermédiaire ou vendeur ?
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Par Haas Avocats

Par un jugement du 24 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dijon rejette l’action en responsabilité contractuelle engagée par un consommateur contre une plateforme en ligne, au motif que la qualité de vendeur ne peut lui être reconnue.

A une question portant sur la qualification du statut d’une plateforme en ligne dans le processus de vente s’ajoute une problématique de droit applicable.

Rappel des faits

Le 23 juillet 2016, un consommateur achète une montre Rolex sur le site internet de la société Chrono24 GmbH, laquelle met en vente des produits de luxe provenant de différents commerçants.

Cette montre est commercialisée par la société californienne Luxury of Watches.

Après avoir déposé la montre pour réparation, le consommateur apprend qu’il ne s’agit pas d’une authentique Rolex mais d’une contrefaçon.

Aucune solution amiable n’ayant pu être trouvée, le consommateur assigne la société Chrono24 GmbH aux fins de demander, notamment, la restitution du prix de vente.

En se fondant sur l’actuel article 217-1 du Code de la consommation, il atteste que la société Chrono24 se présentait comme vendeur. Il ajoute que la qualification d’intermédiaire n’a pas de signification juridique, notamment au regard de la « présentation trompeuse du site internet ».

L’inapplicabilité d’un article entré en vigueur après les faits

L’article 217-1 du Code de la consommation assimile au vendeur « toute personne se présentant ou se comportant comme tel ».

Or, rappelons que ce texte est issu de l’ordonnance du 29 septembre 2021, et n’est entré en vigueur que le 1er janvier 2022. Ainsi, l’article précité n’est pas applicable au contrat de vente litigieux du 23 juillet 2016.

La Cour précise que, dans sa version applicable au contrat souscrit, l’article 217-3 du Code de la consommation n’assimile pas le vendeur à toute personne se présentant comme tel ou en tant qu’intermédiaire.

De ce fait, le requérant ne peut se fonder sur une telle formule pour retenir que la société Chrono 24 est vendeur.

L’impossible qualification comme vendeur de la plateforme en ligne

Selon la Cour de Justice de l’Union Européenne, la notion de vendeur doit faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme[1].

Elle considère que « la notion de vendeur […] doit être interprétée en ce sens qu’elle vise également un professionnel agissant comme intermédiaire pour le compte d’un particulier, qui n’a pas dûment informé le consommateur acheteur du fait que le propriétaire du bien est un particulier ».

En l’espèce, les juges relèvent que la société identifie explicitement sur son site la société Luxury of Watches en qualité de commerçant.

En sus, ils soulignent que, dans ses courriels échangés avec la société, le consommateur indique « j’ai acheté une montre par votre intermédiaire en juillet 2016 ; celle-ci est sous garantie, achetée chez luxury of watches ».

En qualifiant la société Chrono24 d’intermédiaire, d’une part, et, d’autre part, en précisant que la montre a été achetée auprès de luxury of watches, le consommateur ne peut prétendre que Chrono24 s’est présentée comme vendeur.

En complément, les juges ajoutent que le fait que le demandeur ait payé le prix entre les mains de la société Chrono24 ne peut suffire à la qualifier de vendeur.

Le Tribunal considère ainsi que l’intermédiation de la société Chrono24 ne peut provoquer une quelconque confusion préjudiciable au consommateur. De ce fait, la société ne peut se voir reconnaître la qualité de vendeur et la demande d’annulation de vente est déclarée irrecevable pour défaut de qualité à défendre.

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Retenons de ce jugement qu’un opérateur de plateforme en ligne doit être particulièrement vigilant quant à l’information du consommateur « moyen » sur son rôle de simple intermédiaire.

Dans le cadre des récentes réglementations nationales et européennes renforçant la responsabilité des plateformes, tout opérateur doit s’assurer que sa place de marché présente les garanties suffisantes en la matière. A défaut, sa responsabilité pourrait être engagée au même titre que le vendeur du produit.

L’audit juridique d’une plateforme est un moyen efficace pour identifier les éventuelles mesures de remédiation à programmer.

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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il assiste et défend les personnes physiques et morales dans le cadre de contentieux judiciaires et extrajudiciaires. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Contactez-nous ici.

[1] Décision du 9 novembre 2016 (C-149/15)

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