Le recours au référencement payant pour la vente en ligne de médicaments

Le recours au référencement payant pour la vente en ligne de médicaments
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Par Eve Renaud-Chouraqui et Lucie Brecheteau

Toute pharmacie vendant des médicaments en ligne et désireuse de capter une clientèle résidant dans un autre État membre de l’Union européenne peut recourir au référencement payant dans des moteurs de recherche et des comparateurs de prix, afin de promouvoir pleinement son service de vente en ligne auprès de cette nouvelle clientèle.

Une telle interprétation est issue d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendue le 1er octobre 2020[1], par laquelle les juges européens ont été amenés à se prononcer sur la délicate question de la publicité en matière de vente en ligne de médicaments.

En effet, la Cour européenne considère que le recours au référencement payant constitue un vecteur de développement essentiel pour les pharmacies européennes exerçant une activité de vente en ligne de médicaments non soumis à prescription médicale au sein d’un autre pays membre de l’Union européenne.

1. Les faits et la procédure

Le litige opposait une société néerlandaise exploitant une pharmacie établie aux Pays-Bas ainsi qu’un site Internet proposant la vente de médicaments en ligne à destination de la clientèle française essentiellement, à des pharmaciens établis sur le territoire français et des associations professionnelles représentant leurs intérêts.

En l’espèce, la société néerlandaise procédait à une large promotion des médicaments grâce à une importante campagne publicitaire menée à l’échelle du territoire français, afin de capter pleinement la clientèle y résidant. Toutefois, il est à noter que les médicaments commercialisés n’étaient soumis à aucune prescription médicale, et bénéficiaient d’une autorisation de mise sur le marché français.

Suite à une saisine du Tribunal de commerce de Paris par les pharmaciens et associations professionnelles français s’estimant victimes de concurrence déloyale, la juridiction a considéré que la société néerlandaise avait sollicité la clientèle française au moyen de mécanismes publicitaires indignes de la profession de pharmacien, tout en se rendant coupable d’actes de concurrence déloyale.

Saisie du litige, la Cour d’appel de Paris a soumis un certain nombre de questions préjudicielles à la CJUE, visant à interpréter la conformité de la réglementation nationale en matière de vente en ligne de médicaments aux directives 2000/31/CE relative au commerce électronique[2] et 2001/83/CE relative aux médicaments à usage humain[3].

C’est dans ce contexte riche d’enjeux que la Cour européenne a apporté d’importantes précisions en matière de recours au référencement payant dans le cadre de la vente en ligne de médicaments déployée par des pharmaciens étrangers.

2. La portée de la décision de la CJUE

L’une des questions fondamentales à laquelle la Cour a dû faire face était la suivante :

Le droit européen autorise-t-il un État membre à imposer une réglementation stricte aux pharmaciens exploitant des officines et ressortissants d’autres États membres, visant notamment à proscrire le recours au référencement payant dans le cadre de la vente en ligne de médicaments non soumis à prescription médicale ?

La décision rendue le 1er janvier 2020 doit être lue au travers de deux versants.

D’une part, la CJUE rappelle qu’un État membre destinataire d’un service de vente en ligne de médicaments non soumis à prescription médicale peut légitimement établir des règles spécifiques destinées à limiter la publicité, interdire l’offre promotionnelle des médicaments commercialisés, ou encore exiger l’insertion d’un questionnaire de santé dans le processus de commande de ces médicaments. Cependant, il en va tout autrement s’agissant du recours au référencement payant sur des moteurs de recherche et des comparateurs de prix.

En effet, les juges européens retiennent qu’une réglementation visant à interdire aux pharmaciens ressortissants d’autres États membres de recourir au référencement payant « est de nature à restreindre l’éventail des possibilités pour une pharmacie de se faire connaître auprès de la clientèle potentielle résidant dans un autre État membre et de promouvoir le service de vente en ligne qu’elle propose à cette dernière. »

Les arguments de la Cour sont même catégoriques, puisqu’elle va jusqu’à considérer qu’une telle interdiction est de nature à porter atteinte à la libre prestation des services de la société de l’information[4], encadrée par la directive relative au commerce électronique.

D’autre part, la CJUE relativise son raisonnement en estimant qu’une telle réglementation peut être justifiée par la poursuite d’un objectif spécifique[5], tels que la protection de la santé publique ou encore la protection de la sécurité publique.

A ce titre, le gouvernement français avait justifié l’existence de cette interdiction par la nécessité d’assurer une répartition équilibrée des pharmacies sur le territoire français.

Toutefois, la CJUE retient qu’en l’espèce, l’interdiction faite aux pharmaciens exerçant une activité de vente en ligne de médicaments, de recourir au référencement payant ne pourrait être justifiée qu’à deux conditions :

  • Si la réglementation permet la préservation de la santé publique,
  • Si la réglementation ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteinte de cet objectif.

Une telle décision participe à la construction de la jurisprudence européenne relative à la vente en ligne de médicaments. En effet, la Cour européenne avait précédemment retenu, dans une décision du 18 septembre 2019[6], qu’un État membre pouvait légitimement prendre des mesures visant à préserver la santé publique afin de garantir à sa population un approvisionnement sûr et qualitatif des médicaments sur le territoire.

Ainsi, si la décision de la CJUE semble univoque, son raisonnement doit toutefois être relativisé : la réglementation interdisant à des pharmacies, établies dans un autre État membre et procédant à la vente en ligne de médicaments, de recourir au référencement payant n’est pas purement et simplement proscrite.

Il est essentiel d’apprécier la nécessité et la proportionnalité d’une telle réglementation au regard de l’objectif de protection de la santé publique.

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[1] CJUE, 1er octobre 2020, affaire C‑649/18

[2] Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »)

[3] Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

[4] Article 3, paragraphe 2, de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique

[5] Conformément aux exigences de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31/CE.

[6] CJUE, 18 septembre 2019, VIPA, affaire C‑222/18

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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