Par Haas Avocats
Le statut d’hébergeur, fortement convoité par les acteurs du web, leur assure une quasi-impunité en cas de présence de contenus illicites sur leur site ou leur plateforme (sous réserve du respect de certaines conditions).Si, en revanche, la qualité d’éditeur est retenue, le fournisseur du service pourra voir sa responsabilité engagée du fait de la mise en ligne de tout contenu contraire à la réglementation ou portant atteinte aux droits de tiers.
Ainsi, dans le cadre de contentieux relatifs à la présence de contenus illicites en ligne, le débat se noue souvent autour de la détermination du rôle d’hébergeur ou d’éditeur du site ou de la plateforme.
Naissance du litige entre Spreadshirt et Teezily
Les sociétés Spreadhirt et Teezily proposent un service de vente en ligne de vêtements et d’accessoires au design personnalisable.
La société Spreadshirt destine ses services directement aux consommateurs qui peuvent commander un produit et le personnaliser selon leurs envies ou choisir un produit au design prédéfini parmi les créations proposées par la société Spreadshirt.
La société Teezily s’adresse à des créateurs et propose une solution de gestion « tout en un » leur permettant de créer des produits personnalisés puis de les faire fabriquer, de les vendre et de les livrer directement par le biais de la plateforme.
Un contentieux est né entre ces deux concurrents lorsque la société Spreadshirt s’est aperçue que la société Teezily commercialisait des produits sur lesquels étaient reproduits des créations lui appartenant. La société Spreadshirt a donc assigné la société Teezily en contrefaçon de droits d’auteur et de marques, atteinte au droit sui generis des producteurs de bases de données et concurrence déloyale.
Dans ce contexte, la société Teezily a invoqué sa qualité d’hébergeur afin de s’exonérer de toute responsabilité à raison du caractère illicite des produits mis en ligne par les vendeurs sur sa plateforme.
Rappels sur la détermination du statut d’hébergeur ou d’éditeur de contenus
Ces notions ont été introduites par la directive européenne sur le commerce électronique du 8 juin 2000 et transposées en droit français par la loi du 21 juin 2004 sur le commerce électronique. Les principes posés par ces textes ont été repris par le Digital Services Act (DSA), qui concerne certains acteurs depuis le 25 août 2023.
Le principe est le suivant : les personnes physiques ou morales qui se contentent de stocker des contenus en ligne pour le compte de leurs utilisateurs ne peuvent être tenues responsables du fait de la publication d’un contenu illicite si elles n’avaient pas connaissance de sa présence, ou si elles l’ont retiré promptement après en avoir été informées.
Au fil des décisions, la jurisprudence française et européenne a fait émerger la notion de « rôle actif », critère central dans la détermination de la qualification d’hébergeur ou d’éditeur et dont les contours se sont affinés depuis plusieurs années.
Ainsi, la CJUE a considéré que le statut d’hébergeur devait être réservé aux prestataires exerçant un rôle purement technique, automatique et passif impliquant que ledit prestataire n'ait pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées.
Qualification de la société Teezily
Dans l’arrêt du 13 avril 2023, dans la mesure où Teezily offrait à ses clients un service logistique de fabrication et livraison des produits (en sus de la gestion du système de commandes), la Cour de cassation a estimé que cette société ne pouvait pas prétendre exercer un rôle neutre entre les acheteurs et les vendeurs mis en relation par son intermédiaire.
Au contraire, la Cour a jugé que Teezily exerçait un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des contenus publiés sur le site.
Par conséquent, la Cour de cassation a refusé le statut d’hébergeur à la société Teezily et l’a qualifiée d’éditeur, la rendant ainsi responsable des contenus présents sur la plateforme, même si ceux-ci étaient mis en ligne par les utilisateurs sans contrôle a priori de sa part.
Un nouveau durcissement des critères d’appréciation du statut d’hébergeur
Cette décision met en évidence le fait que, dans l’évaluation du rôle actif d’un fournisseur de services, il ne suffit pas de se demander si celui-ci a une connaissance ou une faculté de contrôle des contenus au moment de leur mise en ligne par les utilisateurs.
Il est également nécessaire de s’interroger sur l’existence d’un rôle actif du fournisseur de services en amont et en aval de la mise en ligne des données, qui serait de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle de ces données.
Pour trancher sur la qualité d’hébergeur ou d’éditeur d’un fournisseur de services, il convient donc de déterminer si d’autres opérations que le simple stockage sont exercées sur les données et pourraient être de nature à conférer au fournisseur une connaissance, même théorique, des contenus mis en ligne par les utilisateurs.
Si tel est le cas, la qualification d’hébergeur pourrait être écartée au profit de celle d’éditeur, ce qui entraînerait ainsi la perte d’un régime de responsabilité aménagé.
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