Google dans le viseur de l’Autorité de la concurrence allemande

Google dans le viseur de l’Autorité de la concurrence allemande
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Par Gérard Haas, Eve Renaud-Chouraqui et Margaux Laurent

Par une décision en date du 30 décembre 2021, l’Autorité de la concurrence allemande, le Bundeskartellamt, a reconnu la « position dominante » de Google sur « l’ensemble des marchés »[1].

Bien qu’en apparence formelle, une telle décision revêt, en réalité, une importance majeure. En effet, c’est la première fois que la nature transsectorielle de l’activité de Google est retenue.

L'autorité de concurrence Allemande reconnait la position dominante de Google

Cette décision a été rendue sur la base de la section 19a de la GWB, la loi allemande sur la concurrence, entrée en vigueur en janvier 2021.[2] Grâce à cette loi, l’Allemagne se positionne comme l’un des premiers pays du monde à détenir des instruments permettant d’imposer des règles préventives aux acteurs du numérique, tout en adoptant une définition des marchés sur mesure pour chacun.

Ainsi, le texte permet au Bundeskartellamt de déclarer qu’une entreprise active de manière significative sur des marchés revêt une importance capitale pour la concurrence sur ceux-ci, de sorte qu’il n’aura plus besoin de prouver un abus de position dominante pour imposer des mesures correctives.

Pour justifier cette décision, Bundeskartellamt tient compte de plusieurs facteurs comme la position dominante de l’entreprise sur un ou plusieurs marchés, sa puissance financière, son accès à des données pertinentes pour la concurrence… Elle cible les entreprises ayant une fonction de « gatekeeper », ce que les autorités allemandes définissent comme « une entreprise montant en puissance avec une position stratégique sur plusieurs marchés ».

Lorsqu’une telle situation concurrentielle est reconnue, le Bundeskartellamt peut interdire des pratiques anticoncurrentielles réalisées par l’intéressé comme le fait de favoriser ses propres offres par rapport à celles de ses concurrents ou encore le fait d’entraver directement ou indirectement la concurrence sur un marché sur lequel l'entreprise peut rapidement étendre sa position même sans être dominante. Ceci ne s'applique pas dans la mesure où le comportement est objectivement justifié.

La décision du 30 décembre 2020 est claire : « Google est d'une importance primordiale pour la concurrence entre les marchés au sens de l'article 19 du GWB ». En effet, « l'entreprise dispose d'une position de force économique qui lui donne un champ d'action sur des marchés insuffisamment contrôlés ».

Le Bundeskartellamt justifie cette décision par le fait que Google, en détenant « 80% des parts de marché », occupe « une position dominante sur le marché des services de recherche et est le principal fournisseur de publicité ».

Aussi, l’entreprise a une capitalisation boursière qui est « l’une des plus élevées au monde », témoignant de sa « grande puissance financière ».

Mais surtout, elle dispose d’un « excellent accès aux données pertinentes pour la concurrence ». En effet, c’est par sa possibilité de collecter un très grand nombre de données par le biais de ses différentes plateformes – du moteur de recherche à la cartographie en passant par le Playstore – et de les croiser, que Google est si puissant sur ce marché. Une telle prépondérance lui permet souvent de fixer les règles et d’exercer une influence considérable pour l’accès à ses utilisateurs et ses clients publicitaires sur l’ensemble des marchés.

Ainsi, ses services peuvent être qualifiés « d’infrastructure » d’une part, du fait que de nombreux autres services ne peuvent être offerts qu’en utilisant les services de Google, et d’autre part car ces derniers sont d’une grande importance pour les activités commerciales des tiers.

Le mouvement européen de régulation des GAFAM

La reconnaissance d’un tel caractère transsectoriel constitue une avance majeure pour l’Antitrust car les procédures se sont toujours attaquées aux secteurs un à un, à l’image des trois amendes de la Commission européenne infligée à l’encontre de Google pour trois portions différentes de son marché.[3]

Mais aussi, cela participe d’un mouvement européen de régulation des GAFAM.

En effet, les autorités européennes sont de plus en plus actives. On vous présentait à ce titre la décision de l’Autorité de la concurrence du 7 juin 2021 sanctionnant Google pour pratiques abusives mises en œuvre sur le marché des serveurs publicitaires. Ou encore récemment, la Competition and Markets Authority a ordonné à Meta de revendre Giphy[4] ou encore en décembre 2021, l'Autorità garante della concorrenza e del mercato a infligé une amende record de 1,1 milliards d’euros à Amazon pour avoir porté atteinte aux opérateurs concurrents.

Cependant, la question se pose de la pérennité de ces dispositions allemandes, au regard du futur Digital Market Act (DMA)[5], actuellement en cours de vote au niveau de l’Union Européenne.

En effet, et en application de ce texte, « les Etats membres n’imposeront pas aux gatekeepers d’autres obligations par le biais de lois, de règlementations ou d’actions administratives dans le but de garantir des marchés contestables et équitables ». Si le DMA traite des mêmes problèmes, il y apporte des réponses différentes, de sorte que lorsqu’il sera adopté, il pourrait entrer en conflit avec le texte allemand.

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Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique et du droit des plateformes, le Cabinet HAAS Avocats dispose d’un département entièrement dédié à l’accompagnement de ses clients.

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[1] Case summary 5 January 2022 Bundeskartellamt determines Google’s paramount significance for competition across markets, File number: B7 – 61/21

[2] « Loi contre les restrictions de la concurrence dans sa version publiée le 26 juin 2013 (Journal officiel fédéral I, p. 1750, 3245), modifiée en dernier lieu par l'article 10 alinéa 2 de la loi du 27 juillet 2021 (Journal officiel fédéral I , p. 3274)

[3] European Commission, CASE AT.39740 Google Search (Shopping), 27/06/2017 ; European Commission, CASE AT.40411 Google Search (AdSense), 20/03/2019 ; European Commission, CASE AT.40099 Google Android, 18/07/2018

[4] CMA, Completed acquisition by Facebook, Inc (now Meta Platforms, Inc) of Giphy, Inc., Final report, 30 November 2021

[5] Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (législation sur les marchés numériques) COM/2020/842 final

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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