Dévaloriser un produit : Un acte de concurrence déloyale ?

Dévaloriser un produit : Un acte de concurrence déloyale ?
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Par Eve Renaud-Chouraqui

Dans le domaine de la concurrence déloyale et parasitaire, il existe une jurisprudence abondante en matière de dénigrement d’un produit ou d’un service d’une entreprise.

En revanche, est-ce que la dévalorisation d’un produit peut constituer un acte de concurrence déloyale ?

Une décision récente de la Cour de cassation apporte une réponse positive à cette question.

1. Le contexte


La société Puma, distribuant ses produits dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, a constaté que la société Lidl (se situant hors de ce réseau de distribution sélective) avait établi une vaste compagne promotionnelle proposant des produits de la marque Puma.

Considérant que les tracts relayant cette vaste compagne promotionnelle étaient de nature à dévaloriser ses produits, la société Puma a assigné, sur le fondement de l’article 1240 du code civil (ancien 1382 du code civil), la société Lidl aux fins d’obtenir la réparation du préjudice subi.

La société Puma considérait en effet que les tracts étaient de nature à dévaloriser ses produits au regard :

  • de « leur qualité très médiocre» ;
  • du fait qu’ils « représentaient, en plus de produits Puma, des produits alimentaires, du vin et des produits bas de gamme».

Les demandes de la société Puma ont été rejetées par la Cour d’appel de Paris, cette-dernière ayant considéré que les tracts publicitaires isolaient bien les articles Puma des autres produits vendus, « de sorte qu’aucune assimilation ne pouvait être faite entre les différents biens ».

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris a été cassé par la Cour de cassation, aux motifs que :

  • « en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les tracts constituant la compagne publicitaire incriminée ne présentaient pas les produits en cause sur des supports et dans un environnement portant atteinte à leur notoriété, aux yeux du consommateur, peu important l’absence de confusion entre les différents produits faisant l’objet de la publicité litigieuse», la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
  • « en statuant, sans répondre aux conclusions de la société Puma qui faisait valoir que l’absence de conseil prodigué aux clients était de nature à porter atteinte à la notoriété de ses produits, [la Cour d’appel]n’a pas examiné le moyen pris de ce que les conditions de commercialisation n’étaient pas conformes à la nature alléguée des produits, pouvant requérir un conseil personnalisé » ;
  • « pour rejeter la demande de la société Puma fondée sur la concurrence parasitaire, l’arrêt retient que la campagne en cause, ponctuelle, portait sur deux cents trente-deux articles et qu’il n’était pas établi que les produits auraient fonctionné comme des produits d’appel, pour en déduire que Lidl n’a pas utilisé la notoriété de la société Puma sans bourse délier et ne s’est donc pas placée dans son sillage», la cour d’appel s’est déterminée par des motifs impropres à exclure la concurrence déloyale parasitaire alléguée.

2. L’apport de l’arrêt

L’arrêt de la Cour de cassation comporte plusieurs enseignements :

  • le premier (déjà connu) consiste à rappeler que le seul fait de vendre des produits relevant d’un réseau de distribution sélective n’est pas, en soi, un acte déloyal, sauf si s’ajoute une faute imputable au distributeur hors réseau ;
  • le second consiste justement dans la faute permettant d’agir, sur le fondement de la concurrence déloyale, à l’encontre du distributeur hors réseau :
  • cette faute peut être caractérisée par la dévalorisation des produits vendus ;
  • cette dévalorisation des produits nécessite d’analyser si la présentation faite des produits sur la campagne considérée était de nature à porter atteinte à leur notoriété et ce, peu importe l’absence de risque de confusion.

La dévalorisation des produits, tout comme dans le cadre du dénigrement, est appréciée in concreto en fonction des faits de l’espèce.

Dans l’arrêt de la Cour de cassation, la faute consistait à proposer à la vente des produits dans un contexte général « bas de gamme », ne correspondant pas à l’image de marque de Puma, ni à ses méthodes (notamment concernant l’absence de fourniture de conseils personnalisés).

Ces méthodes et les instructions données au réseau de distribution, consistant notamment dans la fourniture d’un service personnalisé aux clients, font partie du succès commercial de Puma.

Or, la concurrence déloyale et parasitaire ne vise-t-elle pas à protéger toute entreprise contre l’appropriation déloyale de ses signes distinctifs (non protégés par un droit de propriété industrielle spécifique) et de son avantage concurrentiel ?

Or, cet avantage découle précisément de son savoir-faire, de son expertise et du succès de ses méthodes.

Cet arrêt doit appeler à une attention particulière des cybermarchands qui mettent en avant différents types de produits pour annoncer une offre promotionnelle particulière ou une campagne spécifique.

Un fabricant de produits pourrait estimer, sur la base de la présentation effectuée, que son produit est dévalorisé et obtenir désormais, sur la base de ce précédent judiciaire, une réparation financière.

Il convient de porter la plus grande attention aux coupures promotionnelles et à la présentation des offres promotionnelles sur les plateformes web.

Le cabinet Haas Avocats se tient à votre disposition pour analyser la régularité de l’opération au regard des dispositions applicables et des risques induits en termes de concurrence déloyale et parasitaire.

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Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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