Détournement de données par une entreprise concurrente : que faire ?

Détournement de données par une entreprise concurrente : que faire ?
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Par Gérard Haas et Marie Torelli

Qu’il s’agisse des méthodes, des techniques, des procédés ou des algorithmes, de nombreux éléments composant le savoir-faire des entreprises ne sont pas susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur.

 

Pourtant, ils constituent des actifs immatériels présentant des enjeux cruciaux pour les entreprises.

En mettant en place une stratégie de protection du savoir-faire, les entreprises peuvent facilement obtenir réparation en cas de détournement des éléments qui le composent par des concurrents.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette stratégie ne doit pas être seulement préventive, elle doit aussi être contentieuse.

C’est ce que confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 1er avril 2021.

1. Les faits

La société NTA est spécialisée dans l’activité de conseils dans le domaine de la fabrication de fours industriels.

En septembre 2010, son directeur commercial a démissionné pour rejoindre les effectifs d’une société concurrente, la société A.

Or, la société NTA a constaté que son ancien salarié avait repris non seulement une partie de son fichier clients mais aussi l’ensemble de ses plans de fabrication de fours industriels, lesquels constituent une grande partie de son savoir-faire.

Considérant que la société A avait commis des actes déloyaux en détournant, via son salarié, sa documentation commerciale, la société NTA l’a assignée en concurrence déloyale et parasitaire devant le Tribunal judiciaire d’Evry.

Suite à des considérations procédurales, l’affaire a ensuite été portée devant le Tribunal Judiciaire de Paris, lequel avait condamné la société A à verser la somme de 400 000 euros à titre d’indemnisation des actes parasitaires subis par la société NTA.

La société A a alors fait appel de cette décision et considérait, à ce titre, que :

  • Les conditions de la concurrence déloyale n’étaient pas réunies, les sociétés A et NTA n’étant pas en situation de concurrence ;
  • La société NTA n’est pas titulaire de droits de propriété intellectuelle sur les plans de fabrication des fours industriels ;
  • Quand bien même des actes de concurrence déloyale seraient constatés, ces derniers ne sont imputables qu’à son salarié.

2. La solution de la Cour d’appel de Paris

a. Le détournement de données relevant du savoir-faire d’une société concurrente constitue un acte de parasitisme économique

La Cour d’appel de Paris rejette entièrement l’argumentaire de la société A.

Elle estime, d’une part, que les deux sociétés sont bien en situation de concurrence dès lors qu’elles interviennent sur le même marché, ce peu importe si l’une d’entre elles se limite à des activités de conseil et non de production.

D’autre part, elle estime que, quand bien même les plans détournés ne seraient pas protégés par la propriété intellectuelle, ils font bel et bien partie du savoir-faire de l’entreprise.

La Cour d’Appel relève à ce titre que ces plans ont été apportés par les associés au patrimoine de la société et font ainsi partie intégrante de son actif.

Or, en détournant une partie de l’actif de la société NTA à son profit, la société A a bénéficié, sans aucun investissement, du savoir-faire de celle-ci. Une telle pratique est donc constitutive de parasitisme économique.

Le détournement du fichier clients de la société NTA constitue, quant à lui, un acte de concurrence déloyale dès lors qu’il contrevient aux usages du commerce.

Enfin, dès lors que les plans de fabrication ainsi que la documentation commerciale de la société NTA ont été retrouvés sur l’ordinateur du salarié de la société A qui constitue son outil de travail, c’est bien la société A qui doit être condamnée et non son salarié.

b. L’évaluation du préjudice dépend des procédures engagées par le requérant pour protéger son savoir-faire

La Cour d’appel va considérablement réduire le montant du préjudice résultant du pillage du savoir-faire de la société NTA en considérant que celle-ci aurait pu demander la restitution des éléments composant son savoir-faire dans le cadre d’une procédure d’urgence, ce qu’elle n’a pas fait.

La société A est donc condamnée à lui verser la somme de 216 689 euros au titre des actes de concurrence déloyale et la somme de 89 391 euros au titre des actes parasitaire, soit 100 000 euros de moins qu’en première instance.

3. Comment protéger efficacement son savoir-faire ?

La protection du savoir-faire présente des enjeux éminemment concurrentiels pour les entreprises.

a. Stratégie défensive

Afin de se prémunir contre les atteintes, les entreprises doivent mettre en place des procédés simples leur permettant de s’armer contre leurs concurrents :

  • La systématisation des accords de confidentialité ;
  • L’apposition de mentions spécifiques sur les documents confidentiels ;
  • La gestion des accès aux documents confidentiels, en particulier lors du départ d’un salarié ;
  • La mise en place d’une charte informatique rendant ces mesures opposables à tous les utilisateurs des systèmes d’information de l’entreprise.

b. Stratégie offensive

La décision commentée rappelle un adage bien connu selon lequel la meilleure défense reste l’attaque.

En plus de ces mesures préventives, la Cour d’appel de Paris rappelle que les juridictions sont particulièrement sensibles aux actions contentieuses que les entreprises auraient engagées pour protéger leur savoir-faire de manière efficace.

La protection du savoir-faire nécessite donc d’adopter une véritable stratégie contentieuse.

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Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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