#Ecommerce : un numéro de téléphone ne doit pas être obligatoirement mis à disposition du consommateur

#Ecommerce : un numéro de téléphone ne doit pas être obligatoirement mis à disposition du consommateur
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Par Rachel RUIMY et Axelle POUJOL

Les e-commerçants doivent respecter certaines obligations en cas de vente à distance à des clients consommateurs et notamment des obligations d’information et de transparence

A ce titre, le cybermarchand doit impérativement fournir au consommateur à titre précontractuel[1] et à titre contractuel[2] les informations relatives à son identité, ses coordonnées postales, son adresse e-mail et son numéro de téléphone.

Dans une affaire opposant la fédération des associations de consommateurs allemandes et Amazon qui a été portée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), l’avocat général a précisé son interprétation de ces obligations[3]. Il a été suivi par la juridiction européenne dans un arrêt rendu le 10 juillet 2019[4].

Ainsi, le e-commerçant serait libre de choisir les moyens de contact proposés sur son site et il pourrait ne pas être obligatoirement tenu de mettre à disposition du consommateur une ligne téléphonique.

1. Rappel des faits

La fédération des associations de consommateurs allemandes a assigné l’opérateur en ligne Amazon pour non-respect, de manière claire et compréhensible, des obligations d’information des consommateurs.

Il était reproché à Amazon de ne pas mettre à disposition desdits consommateurs, préalablement à toute vente, un numéro de télécopie et un numéro de téléphone.

La Fédération a considéré que les systèmes de rappel automatique et de discussion en ligne mis en place par Amazon ne pouvaient pallier ces manquements et satisfaire les obligations prévues par la directive européenne[5] et la législation allemande, similaire sur ce point à la législation française.  

C’est dans ce contexte que la Cour fédérale allemande a demandé à la CJUE d’apporter des précisions concernant l’interprétation de la directive. Trois questions ont été posées à la Cour européenne :

  • L’énumération des moyens de communication par la directive est-elle exhaustive ou le professionnel peut-il recourir à d’autres moyens non mentionnés ?
  • Les professionnels doivent-ils obligatoirement mettre à disposition des consommateurs leur numéro de téléphone au stade antérieur à la vente en ligne ?
  • Pour l’application de l’obligation de transparence, c’est-à-dire l’information du consommateur sous une forme claire et compréhensible sur les moyens de communication, est-il important que l’information soit fournie rapidement et efficacement ?

2. La recherche d’un équilibre entre une protection élevée du consommateur et la liberté d’organisation du cybermarchand 

L’avocat général de la CJUE a présenté ses conclusions le 28 février 2019. Après avoir rappelé le cadre juridique applicable, les objectifs de la directive et le contexte de l’affaire, il a émis les propositions d’interprétation suivantes :

Sur l’énumération des moyens de contact :

L’avocat général propose de considérer que l’énumération des moyens de contact dans la directive n’est qu’indicative : en effet, il estime que les deux conditions essentielles suivantes doivent être satisfaites pour que l’obligation d’information relative aux moyens de contact du professionnel soit correctement remplie :  

  • Les informations doivent être fournies « sous une forme claire et compréhensible » ;
  • Les modalités de communication doivent permettre au consommateur de « contacter rapidement le professionnel et de communiquer avec lui efficacement ».

Après avoir rappelé que ces deux conditions bien distinctes jouent un rôle différent, l’avocat général énonce que « Ce qui importe, ce n’est pas tant le moyen de communication considéré dans l’abstrait que la capacité concrète, c’est-à-dire envisagée par rapport aux spécificités du contexte dans lequel se déroule la transaction, d’assurer que le consommateur puisse contacter rapidement le professionnel et communiquer avec lui efficacement et que les informations soient fournies sous une forme claire et compréhensible ». [6]

A ce titre, il propose à la CJUE de considérer que le professionnel est libre de choisir les moyens de contact qu’il met à la disposition du consommateur, y compris des moyens non mentionnés dans la directive tels que les dispositifs mis en place par Amazon (système de rappel automatique, système de discussion en ligne).

Sur l’obligation de fournir un numéro de téléphone lorsqu’il est disponible :

Après avoir rappelé les objectifs de la directive, l’avocat général considère qu’une « protection efficace des consommateurs ne se réalise pas en imposant une modalité spécifique de contact (par exemple, le téléphone) mais en garantissant aux consommateurs la possibilité de bénéficier des voies de communication les plus efficaces en fonction du support par lequel a lieu la transaction »[7]

Dès lors, il propose à la Cour de déclarer que l’injonction par un Etat membre d’une modalité spécifique de communication, comme l’utilisation du téléphone, serait une mesure disproportionnée car susceptible d’imposer des charges inappropriées aux entreprises concernées et notamment à celles qui ne sont pas des « géants d’internet »[8].

Sur le contenu de l’obligation de transparence :

L’avocat général considère que l’obligation de transparence comporte deux dimensions essentielles, qui doivent être adaptées au moyen de communication utilisé[9]:

  • La clarté, qui se rapporte aux modalités externes par lesquelles l’information est montrée au consommateur ;
  • Le caractère compréhensible, qui se rapporte au contenu spécifique de l’information.

 

L’avocat général énonce qu’aucune obligation supplémentaire n’est imposée par la directive.  Ainsi, il considère que « le professionnel peut choisir les moyens de communication à mettre à la disposition du consommateur, à condition que le contact soit rapide et la communication efficace, mais le consommateur doit pouvoir accéder à l’information concernant ces moyens de manière simple et raisonnablement rapide »[10].

***

La CJUE a rendu sa décision ce 10 juillet 2019 : conformément aux conclusions de l’Avocat général, il a été retenu qu’une réglementation nationale ne pouvait pas imposer à un professionnel de fournir en toutes circonstances son numéro de téléphone avant de conclure un contrat à distance ou un contrat hors établissement avec un consommateur.

Par ailleurs, le professionnel n’a pas pour obligation de mettre en place une ligne téléphonique ou de télécopieur, ou de créer une adresse électronique pour permettre aux consommateurs de le contacter et n’impose de communiquer ce numéro ou celui du télécopieur ou son e-mail que dans les cas où il dispose déjà de ces moyens de communication avec les consommateurs.

Ainsi, tant que le moyen choisi permet de satisfaire aux critères d’une communication directe et efficace, le professionnel peut fournir les moyens de communication de son choix.

***

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[1] Article L.111-1 4° du Code de la consommation

[2] Article L.221-11 du Code de la consommation renvoyant à l’article L.221-5 du même Code

[3] Conclusions de l’avocat général M. Giovanni Pitruzzella présentées le 28 février 2019 – Affaire C-649/17 Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände, Verbraucherzentrale Bundesverband e. V.contreAmazon EU Sàrl

[4] Arrêt CJUE - Affaire C-649/17 Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände, Verbraucherzentrale Bundesverband e. V.contreAmazon EU Sàrl – 10 juillet 2019

[5] Directive 2011-83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs

[6] Considérant 54 des conclusions

[7] Considérant 86 des conclusions

[8] Considérant 87 des conclusions

[9] Considérants 106 & 107 des conclusions

[10] Considérant 110 des conclusions

Rachel Ruimy

Auteur Rachel Ruimy

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